Dimanche 19 juillet 2009 - 08.50h
Après le prélude des chérubins, voici peut-être venu le temps des ténors. Vedettes américaines de Pascal Broulis, les Vaudois Isabelle Moret et Olivier Français annoncent tout naturellement, via le Matin dimanche d’aujourd’hui, leur retrait en faveur du président du gouvernement vaudois. Champ libre, donc, et peut-être même voie royale pour une candidature qui, à bien des égards, pourrait rappeler celle de Jean-Pascal Delamuraz, en 1983 : celle d’un radicalisme républicain, passionné d’institutions, attaché à l’économie réelle, et non aux spéculations de casino. Format d’exécutif. Beaucoup d’atouts pour accéder au statut de candidat naturel de la Suisse romande.
Reste à savoir si l’homme en a envie, je veux dire vraiment, viscéralement, le matin en se rasant, le soir en se couchant, la nuit en rêvant. Tout donne à penser que oui. Tout, sauf le camouflage par l’extrême prudence, les habits de douceur et de modestie dont se pare, un peu trop, le renard de Sainte-Croix. L’homme laisse entendre qu’il irait bien au combat, mais seulement avec la certitude d’apothicaire de faire au moins un très bon résultat devant l’Assemblée fédérale. Un chiffre qui puisse lui permettre, en cas d’échec, de revenir la tête haute dans son Pays de Vaud.
Soit. Tout cela est bien vaudois, bien calculé, doctement soupesé. Mais manque un peu de sens du risque. Martine Brunschwig Graf, Christian Lüscher, Didier Burkhalter ont au moins eu, eux, le courage de se lancer. Au risque de perdre des plumes, ce qui fait partie du jeu. A ce stade donc, il apparaît que l’achilléenne posture de silence-tactique-de-celui-qui-attend-qu’on-le-supplie-de-sortir-de-sa-tente-et-d’entrer-dans-la-bataille est peut-être en train d’atteindre ses limites. Plus clairement dit : Monsieur Broulis, il va falloir sortir du bois.
Car enfin, de quoi s’agit-il ? D’une campagne de coulisses dans la seule finalité de convaincre au moins 124 parlementaires le 16 septembre ? Non, décemment, cela ne peut plus se réduire à la seule extase d’alcôve des conciliabules. Cette campagne regarde, au premier chef, le peuple suisse, même si ce dernier ne constitue pas le corps électoral de ce scrutin. Il s’agit d’élire un homme ou une femme qui détiendra le septième du pouvoir gouvernemental, atteindra un jour la présidence de la Confédération, représentera la Suisse à l’étranger, incarnera une vision, des valeurs. Il s’agit d’élire le successeur de Jean-Pascal Delamuraz et Pascal Couchepin : ce peuple, même privé (dans le système actuel) du pouvoir de désignation, a le droit qu’on lui fasse savoir, avec appétit et pourquoi pas voracité, qu’on a férocement envie d’occuper la fonction. Plutôt que de jouer à attendre qu’on vienne le chercher.
François Mitterrand, quatre fois candidat et deux fois élu, a eu, en 1995, un mot extraordinaire. Il a dit de Jacques Delors, en qui certains s’étaient mis en tête de voir un candidat possible pour l’Elysée : « Delors ? Il a très envie d’être président. Mais il n’a juste pas envie d’être candidat ».
C’est plutôt pas mal, une candidature, non, Monsieur Broulis ? Avec l’odeur de la poudre, les oreilles des grognards, la fureur des étendards. Le Pays de Vaud, au fond. Celui qu’on aime : celui de 1798 et de 1848. Celui de Jean-Pascal Delamuraz. À qui il nous arrive souvent de penser. Avec affection, respect, et une bonne dose de nostalgie.
Pascal Décaillet