Sur le vif - Samedi 06.09.08 - 21.40h
Les socialistes, c’est connu, n’ont jamais beaucoup aimé la presse. La liberté des idées, le choc des antagonismes, le plaisir de la disputatio, la jouissance d’affronter un contradicteur, ne sont guère leur fort. Qu’on les caresse dans le sens du poil, tout ira bien ; qu’on les critique, et les épines, sous la rose, viendront lacérer votre insolence.
Dernier exemple en date, Micheline Calmy-Rey. Je ne fais pas partie de ceux qui tirent à boulets rouges sur la conseillère fédérale, je me réjouis même que la Suisse ait une politique étrangère claire, souvent courageuse, active, imaginative. Toutes choses qui ne m’étaient pas apparues avec éblouissement sous les très riches heures de Joseph Deiss. Mais, dans l’affaire de l’AFP, Micheline Calmy-Rey a montré un très vilain visage : celui de la presse qu’on veut contrôler, et dont on cherche à se venger.
Le 25 août, suite au discours de la cheffe du DFAE devant la Conférence des Ambassadeurs, où elle avait bel et bien eu une phrase, très claire (et, selon l’Hebdo de cette semaine, dûment relue, donc préméditée) sur Ben Laden, l’AFP avait titré « La fin d’un tabou ? La Suisse prête à dialoguer avec Ben Laden ». Colère de MCR, dévastatrice. Embarras au DFAE. Chasse aux sorcières contre l’impudent agencier, qui avait osé un titre interprétatif. L’AFP, à très juste titre, a rappelé à la ministre que les rédacteurs des dépêches étaient des journalistes, avec un devoir de décodage et de mise en perspective, et non des greffiers au service du Prince.
L’affaire ne s’est pas terminée là. Il a fallu que le maire de Genève, Manuel Tornare, homme pourtant pétri de culture et de bonne philosophie, se croie obligé, devant l’Association de la presse étrangère en Suisse, d’en rajouter, en grande obédience à sa suzeraine, dans le registre de la morale à la presse. Et se permette de parler « d’erreurs grossières » de certaines agences.
Il y a des moments, Monsieur Tornare, où la clarté de la Lumière philosophique s’aveugle dans la nuit de la discipline de parti, et du conformisme devant les puissants de son propre camp. L’agencier de l’AFP n’a fait que son travail : au lieu de n’être que l’écho moutonnier du pouvoir, il a élargi le champ en pointant le titre vers l’essentiel. Ce qui gênait. Il a juste fait, en cela, son travail de journaliste.
Pascal Décaillet
Les camarades et l’AFP
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