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Claude Mauriac, l’humanité d’une œuvre



Édito Lausanne FM – Mardi 27.05.08 – 07.50h



Depuis plus de trente ans, Claude Mauriac m’accompagne. L’un des hommes les plus attachants, parmi ceux qui ont écrit des livres. Un nom qui a su se faire un prénom, la troublante pesanteur d’une filiation, et surtout un immense journal intime, « Le Temps immobile », un jeu de miroirs qui semble se rire de la chronologie, dans le fourmillement du siècle.

Naître en 1914, c’est naître avec le siècle. Lorsque Claude vient au monde, François, son père, 29 ans, est déjà un auteur reconnu, une star des salons parisiens. Toute sa vie, il la vivra dans l’ombre de ce nom, et pourtant nulle ligne, jamais, dans toute son œuvre, où il la définirait explicitement comme encombrante. Claude Mauriac apparaît comme un être angoissé, mais aussi d’une grande douceur, affectueux : besoin de famille, d’amitiés fidèles, besoin de grands hommes à admirer. Sur ce dernier point, il sera servi.

Je pensais avoir tout lu de Claude Mauriac, d’où ma divine surprise (on me pardonnera cette fugace référence maurrassienne…) à découvrir « Quand le temps était mobile, Chroniques 1935-1991 », qui vient de paraître, aux Editions Bartillat. C’est le Claude Mauriac des chroniques de journaux, un terrain de plus où il n’aura pas eu peur de s’aventurer sur les traces de son père. Rien à voir, d’ailleurs, ni dans le ton, ni dans le style : à des milliers de lieues de la sainte férocité du Bloc-Notes paternel ! Claude nous dit, simplement, les choses telles qu’il les vit. On y retrouve évidemment le de Gaulle de 1944-1945 (dont il est, à ce moment-clef, le secrétaire).  Mais aussi Brasillach (que Claude et François tentent désespérément de faire échapper au peloton d’exécution). Mais encore, pêle-mêle, Gide, Maurice Chevalier, Jean-Paul II, Georges Duhamel, André Maurois, Jean Guitton. Bref, le siècle qui défile, comme en cinémascope.

Il aime la famille et semble en avoir besoin. Mais nulle référence, et c’est tout de même troublant, à tout ce que ce mot a pu recouvrir de monstrueux dans l’œuvre de son père. Que pensait-il de Thérèse, Claude ? Du Sagouin ? Du Nœud de vipères ? Que pensait-il de Phèdre et d’Hippolyte ? Voilà l’auteur d’un monumental journal qui se livre, et ne se livre pas. On jurerait presque que, sur l’essentiel, il aurait comme choisi de se taire, et c’est cela, je crois, qui me touche. Reste l’humanité de cette œuvre, son regard sur ses contemporains, la chaleur de sa personne. On croit aller vers un grand nom. On rencontre, à la fin, la solitude d’un enfant perdu, la simplicité d’un prénom.


*** Claude Mauriac, « Quand le temps était mobile, Chroniques 1935-1991 », Editions Bartillat, 2008.

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