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Liberté - Page 396

  • Ecole genevoise : rétablir la confiance, rétablir la passion !

     
    Sur le vif - Mardi 04.05.21 - 14.07h
     
     
    Natacha Buffet-Desfayes, Diane Barbier-Mueller, Pierre Nicollier : il existe, au Parlement, une véritable relève dans la manière de concevoir les questions de formation à Genève. Une génération de députés qui ne s'en laissent pas conter par les discours du DIP, les mantras de la cheffe du Département sur l'école inclusive, les rengaines sur la prétendue impossibilité de diminuer la voilure, l'allégeance des apparatchiks face aux sujets à la mode, autour du climat et des questions de genre, notamment.
     
    J'ai mentionné ici trois noms. Il faut évidemment ajouter l'expérience d'un Jean Romain, sa capacité à refuser les dogmes grégaires, sa combativité intellectuelle sur le long terme. Il importe qu'un député de cette qualité demeure un repère, une référence, dans le combat pour la connaissance partagée.
     
    La nouvelle génération parlementaire ne se contente pas d'exiger du DIP des explications, là où c'est absolument nécessaire au nom des citoyens, comme par exemple sur la fronde des directeurs du post-obligatoire. A noter que, sur ce dossier, la réponse adressée à la légitime et pertinente question de la députée Natacha Buffet-Desfayes est au-dessous de tout, en termes de langue de bois. Au lieu de reconnaître ce qui fut - et demeure sans doute - une souffrance, on tient un discours logistique, totalement hors du corps du sujet.
     
    La nouvelle génération de députés ne se contente pas de lancer des piques. De l'une à l'autre des personnes nommées ici, auxquelles j'ajoute Ana Roch sur les questions d'apprentissage, et d'autres encore qui me pardonneront de ne pas les citer, on sent une cohérence d'ensemble. Non une idéologie, justement ! Mais une cohésion, dans l'ordre de l'humanisme, de l'exigence de transmission, de la volonté de rétablir une école simple et passionnée, donc passionnante, centrée sur le savoir, non sur l'appareil.
     
    Pour l'heure, cette génération intervient ponctuellement, sur des sujets apparemment séparés les uns des autres. Le jour pourrait venir où elle serait en mesure de se déployer d'une façon qu'on espère plus systémique. Moins d'usine à gaz. Moins de contrôles internes. Moins de services de recherches. Moins de secrétaires généraux adjoints. Et rétablir, enfin, dans l'école genevoise, la joie de l'essentiel : transmettre des connaissances, dans la passion du sujet, l'amour des valeurs humaines, la confiance si belle entre celui qui enseigne et celui qui reçoit.
     
    Si belle, oui, qu'elle ressemble, comme l'a si bien montré Péguy (Cahiers de la Quinzaine, L'Argent, 1913), au rapport de filiation.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Neirynck, Béglé : amitié et reconnaissance

     
    Sur le vif - Lundi 03.05.21 - 18.58h
     
     
    Je ne suis ni PDC, ni Vaudois, mais il se trouve que Jacques Neirynck et Claude Béglé sont deux personnalités politiques que j'apprécie au plus haut point. Le premier, par sa culture, sa vision, sa détermination. Le second, par sa puissance d'action, son énergie, sa vitalité. Je ne partage pas toujours leurs points de vue, mais cela n'a aucune importance. Nous sommes tous des citoyennes et des citoyens libres. Notre magnifique démocratie suisse nous permet à tous de nous exprimer, nous engueuler fraternellement, dans l'amour partagé du pays.
     
    Les affaires internes au PDC vaudois, ci-devant rebaptisé "Le Centre", ne m'intéressent pas. Mais je vois les hommes et les femmes, ceux qui font la politique, tous partis confondus. Je les scrute depuis quatre décennies, leur donne la parole, certains d'entre eux m'apprécient, d'autres me détestent, et c'est très bien ainsi. Mais enfin, disons qu'il existe, entre eux les acteurs et moi le commentateur, comme une invisible communauté d'appartenance, dans l'ordre de la passion républicaine.
     
    Ce sentiment de la chose partagée m'amène, très simplement, à dire ici mon rejet total de la manière dont ces deux personnes ont été traitées par leur formation politique. On ne jette pas ainsi des humains ayant passé des années à défendre le parti, ses idées, dans l'arène politique. On ne met pas au panier, comme un vieux kleenex, des hommes de courage et d'engagement, de haut niveau intellectuel au surplus, ayant tant apporté à leur famille de pensée.
     
    Voilà, je dis cela, c'est tout. J'ajoute une chose : à mes yeux, l'âge, le statut social, le degré de performance, n'ont aucune espèce d'importance. Il y a des gens qui peuvent compter sur mon amitié. Jacques Neirynck et Claude Béglé en font partie.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Bertolt Brecht : l'élan vital des mots

     
    *** Réflexions sur la puissance d'invention de l'un des plus grands créateurs du vingtième siècle - Dimanche 02.05.21 - 14.23h ***
     
     
    J'aimerais dire ici, de toutes mes force, à mes amis profs d'allemand, que j'ose encore appeler "mes confrères", bien que je sois journaliste professionnel depuis 35 ans, qu'il faut étudier l'oeuvre - unique et géniale - de Bertolt Brecht sous un angle infiniment plus littéraire que dramaturgique. Rassurez-vous, dans les lignes qui suivent, je vais m'expliquer. Et crever un abcès qui m'enrage depuis l'adolescence.
     
    D'abord, il faut lire Brecht, et pas seulement aller voir ses pièces. L’œuvre, par la puissance inventive des mots, les choix de rythmes et de métrique, l’alternance des dialogues et de formes de chœurs antiques, tient parfaitement sans plateau de théâtre. J'aime lire Brecht, depuis bientôt un demi-siècle. Et, si je vais le voir sur les planches, alors il me faut la garantie - ou tout au moins l'espoir - d'une mise en scène de génie, innovante, éclairante. Je pense à des gens comme Giorgio Strehler, qui aurait eu cent ans cette année.
     
    Profs d'allemand, emmenez certes vos élèves voir les pièces de Brecht. Mais lisez-les avec eux, ou plutôt faites-les lire à vos disciples, à haute voix. Car cette langue-là, qui surgit et surprend à chaque réplique, est avant tout faite pour être entendue. Ce que les Allemands appellent le Hörspiel. Faites lire, lisez avec eux, toujours "mit lauter Stimme", soyez attentifs à la métrique, au souffle, aux césures, aux silences. Plus vous serez dans la rigueur du texte, plus s'élèvera en vous l’orfèvrerie de l'auteur. Je considère Brecht comme l'un des grands inventeurs de mots de la langue allemande, avec Martin Luther.
     
    Pourquoi j'écris ces lignes, pourquoi est-il question de "crever un abcès" ? Parce que j'en ai un peu assez d'entendre tout le monde, toujours, répéter sur Brecht les grandes déclarations sur la "distanciation" dramaturgique. Non que ces dernières ne soient pas passionnantes, j'en conviens. Mais enfin, un élève qui s'ouvre vers la langue allemande, "Unterwegs zur Sprache", je ne suis pas sûr que la théorie de la Distanzierung soit aussi fondamentale que cela pour l'immerger dans la langue de l'un des plus saisissants auteurs de la littérature allemande. Sa langue, ses effets, sa musique, son rythme, sa drôlerie, sa cocasserie, tout ce qui fait le sel d'un poète.
     
    Alors oui, j'invite les profs d'allemand, quand ils lisent Brecht en classe, à laisser la place au texte, à faire jouer les élèves, laisser libre cours à l'élan vital des mots. Si, en même temps, vous avez des élèves de grec, prenez les versions d'Antigone, chez Sophocle, chez Hölderlin, chez Brecht. Comparez. Toujours à haute voix. Laissez le texte vivre, et s'envoler. La puissance de vie du verbe emplira chaque espace de votre salle de classe.
     
     
    Pascal Décaillet