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Liberté - Page 35

  • Et si le problème, c'était un peu vous, M. Bardella ?

     
    Sur le vif - Mardi 09.07.24 - 11.03h
     
     
    Non, M. Bardella, votre défaite n'est absolument pas due aux quelques "erreurs de casting" (bien réelles, certes), dans le choix de vos candidats, dans certaines circonscriptions. Ces erreurs vous auront peut-être fait perdre quelques sièges, mais elles ne sauraient expliquer la contre-performance de votre parti, au deuxième tour. Les vraies raisons qui comptent, les voici.
     
    La première, vous n'y pouvez rien, c'est le système majoritaire à deux tours. Il lamine les puissances montantes, portées par des masses croissantes d'électeurs, dès qu'elles font peur au pouvoir en place. Je me suis déjà exprimé sur le sujet, je n'y reviens pas.
     
    Mais il y a une autre raison, M. Bardella, et cette raison c'est vous. Vous, Jordan, et pas Mme Le Pen. Vous êtes certes brillant, beau parleur à souhait, gendre idéal, tiré à quatre épingles, comme le bourgeois du parti le plus classique, bref vous passez formidablement à l'antenne. Je vous reconnais ces qualités d'intelligence, ainsi qu'une indéniable énergie. Vous êtes un combattant politique de premier plan.
     
    Mais tout talent a ses limites. Vous êtes froid, M. Bardella, cérébral à souhait, vous ressemblez à un jeune cadre ultra-libéral qui aurait pu être dans l'aile orléaniste du Parti Républicain. Les jeunes vous adorent, tant mieux pour vous, mais je crois que pas mal de Français, y compris dans vos rangs idéologiques, ont besoin qu'on leur parle avec un peu de chaleur populaire, de coeur, d'empathie réelle, de sourire, d'humour, de bonne humeur. Peut-être ces qualités-là ont elles encore, chez vous, une certaine de marge de progression, avant que d'affleurer dans le coeur des gens.
     
    Bref, j'admire en vous d'éminentes qualités, je partage pas mal de vos valeurs sur la souveraineté, la régulation des flux migratoires, le respect des paysans et des ouvriers. Mais de grâce, pourquoi mimez-vous à ce point la haute bourgeoisie dominatrice ? Vous cherchez d'ailleurs trop leurs voix, vous éloignant ainsi d'un fumet populaire qui est la force de votre parti.
     
    En comparaison de ces choses-là, qui vous impliquent directement, les quelques "erreurs de casting", avec deux ou trois cinglés mal ciblés dans telle ou telle circonscription, représentent assurément peu de choses. Il ne faudrait pas que vous donniez l'impression, en les citant sans cesse dans le débriefing de la campagne, que vous passez au deuxième plan votre propre responsabilité (vous l'avez certes reconnue), comme chef, au plus haut niveau de cette campagne.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Vous m'avez ému, M. Attal, vous m'avez conquis !

     
    Sur le vif - Lundi 08.07.24 - 17.15h
     
     
    En politique, il faut savoir se laisser surprendre. Ainsi, Gabriel Attal. Ce jeune Premier ministre, qui pourrait être mon fils, je l'ai longtemps (lorsqu'il était porte-parole du gouvernement) considéré comme un porte-serviette d'Emmanuel Macron. Le moins qu'on puisse dire, c'est que je me suis trompé.
     
    Je dirais même que, dans cette campagne de cinglés, imposée d'en haut par un Jupiter en folie, le locataire de Matignon a révélé des qualités que je n'aurais jamais soupçonnées. Hier soir encore, lors de son discours, où il s'est clairement affranchi du Président, j'ai été ébloui par la sobriété, la justesse, de ses propos. Je n'exagère pas : à mesure que s'écoulaient les paroles du jeune homme, ma gorge s'est nouée, une émotion m'a saisi, j'ai pensé au plus brillant occupant de Matignon depuis la guerre : Pierre Mendès France (18 juin 54 - 9 février 55).
     
    "Cette dissolution, je ne l'ai pas choisie, je n'ai pas voulu pour autant la subir" (je cite de mémoire) : voilà un jeune Premier ministre précipité dans une campagne législative totalement prématurée, il relève le défi, il s'y jette, il est partout, il fait campagne comme jamais. Au milieu d'un océan d'insultes, où le pays s'embrase comme au temps des Guerres de Religion, voilà un jeune homme qui garde son calme, demeure souriant, respectueux, tente de convaincre avec des arguments. Au fil des jours, voyant ces images sur les chaînes TV, mon avis sur cet homme a radicalement changé.
     
    Hier soir, autant l'avouer, j'ai aussi pensé à Henri de Navarre, lorsqu'il entre dans Paris, ce 22 mars 1594, passe le Pont-Neuf, réconcilie les Français déchirés comme jamais, l'un des plus beaux actes de l'Histoire de France.
     
    Je pousse un peu la comparaison ? Oui, bien sûr. Mais ce jeune Premier ministre, sans doute sur le départ, dont je ne partage que très peu d'idées, a montré, pendant cette campagne, les qualités d'un homme d'Etat.
     
    Je n'exclus pas que nous ayons, dans les temps qui viennent, à reparler de Monsieur Gabriel Attal.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Juste une mazarinade de passage

     
     
    Sur le vif - Lundi 08.07.24 - 15.12h
     
     
    En nombre de voix, le RN arrive largement en tête, même au deuxième tour.
     
    Donc, si l'élection était à la proportionnelle, le RN serait dès aujourd'hui à Matignon.
     
    Seulement voilà, nous sommes dans le système majoritaire, à deux tours. Le jeu des alliances, y compris totalement contre-nature, a permis le micmac de Macron pour se maintenir au pouvoir. Dont acte, c'est le jeu.
     
    Mais tout de même. Un système qui met sur la touche le premier parti du pays, celui de la plus forte progression !
     
    Tous ces millions de Français dont les idées ont triomphé aux européennes, puis au premier tour des législatives, il faudra bien que le futur pouvoir, quel qu'il soit, sache écouter leur message.
     
    Face à cette masse montante, partout en Europe, l'utilisation rusée, madrée, d'un système à bout de souffle, comme vient de le faire Macron, ne constitue en rien une réponse à long terme. Juste un expédient, une mazarinade de passage, pour se cramponner, encore un moment, sous les lambris de l'Elysée.
     
    À cela s'ajoute, j'y reviendrai peut-être, une très mauvaise campagne du RN dans l'entre-deux-tours. Dans le choix des thèmes, coupés de leurs racines populaires et sociales, embourgeoisés à l'extrême. Et, disons-le une fois pour toutes, dans le choix du casting.
     
     
    Pascal Décaillet