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Liberté - Page 193

  • Droite municipale : la fin du commencement

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.03.23

     

    Ça n’est, bien sûr, qu’une votation municipale en Ville de Genève. Mais l’enjeu symbolique était de taille : interdire la publicité commerciale sur les murs de la Ville. Par près de 52% des voix, le peuple a dit non. Les autorités de la Ville de Genève sont désavouées. La droite l’emporte. Dans un théâtre d’opérations politiques où elle n’est pas accoutumée à la victoire, elle avait, ce dimanche 12 mars, de quoi sortir le champagne. Oh, ce résultat ne changera pas la face du monde, mais dans le très long, très difficile combat de la droite municipale contre une gauche de pouvoir qui se croit éternelle, le goût ailé de la victoire fait du bien. Je n’aime pas citer Churchill, mais tant pis, pour une fois on y va, et on se souvient de ce mot du 10 novembre 1942, suite la victoire d’El Alamein contre la prestigieuse Afrikakorps de Rommel, réputée invincible : « Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est peut-être la fin du commencement ».

     

    Reconquérir la Ville ? Le combat sera encore très long, truffé d’aspérités, jonché de pièges, avec des hauts, des bas, des rebondissements. Mais l’enjeu doit être considéré. Depuis beaucoup trop longtemps, la gauche, dans toutes ses composantes, notamment socialistes et Verts, se partage les prébendes, distribue les postes, soigne sa clientèle, fait vivre son petit monde où règne sans partage la Sainte Grâce du service rendu, à charge de revanche. Elle ne le fait pas parce qu’elle est la gauche (une droite trop longtemps aux affaires tombe exactement dans les mêmes travers), mais parce que des décennies l’ont fossilisée dans les travers du pouvoir. La Cour du Grand Siècle, ses courbettes, sa liturgie, ses clans, ses artistes officiels, ses surintendants calcinés d’ambition. Le tout, à un détail près : le Roi-Soleil est aux abonnés absents. Sans doute à la chasse, jusqu’en 2025.

     

    La droite municipale, c’est aussi l’émergence d’une nouvelle génération, des coqs de combat nommés Kevin Schmid (PLR) ou Alain Miserez (PDC), parmi d’autres qui me pardonneront de ne pas les citer. Ils attaquent franco de port, savent débattre, en font parfois un peu trop, comme il sied à la jouvence. Ces Don Quichotte en herbe auront-ils raison des moulins ? Leur combat sera très difficile, le rite initiatique sera pour eux très long, il y aura (dans leur propre camp) le jeu habituel des trahisons. Nulle geste, nulle Chanson de Roland, sans la venimeuse proximité d’un Ganelon, en embuscade, là, juste derrière le buisson. Mais la politique, c’est exactement cela. Tantôt la désespérante immobilité des tranchées, tantôt l’audace de l’offensive, mais à quel prix ? Et toutes ces heures à se scruter, se sourire tout en se haïssant, se mentir, toutes ces éternités à feindre. Alors, quoi, l’empire de la simulation l’emportera-t-il sur la possibilité de la victoire ? Rien n’est écrit. Tout est possible. Tout est ouvert. Ça ferait un beau slogan de pub, non ? Où cela ? Mais sur les murs de la Ville, pardi !

     

    Pascal Décaillet

  • Vas-y, bon sang, vas-y !

     
    Sur le vif - Vendredi 10.03.23 - 17.42h
     
     
    Observer le réel, puis le commenter. Avancer un choix, une perspective. Le sujet, puis l'angle d'attaque, puis se fondre dans l'écriture ou - toujours mieux - la voix vive.
     
    L'objectivité n'existe pas, et n'a d'ailleurs pas lieu d'être. Celui qui prend sa plume, ou chauffe sa voix, monte au front. Personne ne l'y contraint, si ce n'est le murmure intime de cette petite voix, qui lui dit : "Vas-y, bon sang, vas-y !".
     
    J'attaque toujours un texte, alors que j'ai autre chose à faire, de plus sérieux. A l'école, je détestais lire les bouquins obligatoires pour le programme, mais seul dans ma chambre, ou en bibliothèque, je dévorais l'équivalent de vingt fois le volume du livre boudé. Des poèmes, des biographies historiques, des kilomètres d'encyclopédie.
     
    Prendre la plume, prendre la voix, chez moi, c'est toujours là où il ne faut pas. Toujours à côté. C'est une vie latérale à la vie physique, laquelle prime ?
     
    Je ne suis pas un écrivain, et détesterais l'idée de l'être. Je n'ai aucun culte de l'écriture, je lui préfère la voix, celle des cantatrices par exemple.
     
    Je suis très heureux que des écrivains existent, puisque je les lis. Mais je rejette toute mystique de l'écriture. C'est très violent, c'est en moi, j'ignore d'où ça vient. Je ne veux pas savoir. De quelle noirceur ?
     
    Je lis les poètes, depuis toujours. En français, en allemand, en grec. Je lis Pasolini en italien, en édition bilingue. Le poésie est ce qui me touche le plus, juste après la musique.
     
    A toi aussi, je dis "Vas-y !". Lance-toi ! Laisse en putréfaction l'ahurissant concept d'objectivité. Assume ton bide. Assume tes viscères. Assume ton sang. Assume ta passion pour les mots. Assume l'immensité de ta nostalgie. Tes échecs. Tes regrets. Ton inachèvement. Toute la misère de ton être profond.
     
    Assume, et attaque. Monte au front. Une fois encore.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Tout pouvoir est menteur

     
    Sur le vif - Jeudi 09.03.23 - 16.01h
     
     
    La propagande politique, ça passe par des mots. Celui qui impose son vocabulaire a déjà gagné la partie.
     
    Ainsi, "pacifier". Ce sont les Verts qui, les premiers, ont lancé ce verbe : "pacifier" le centre-ville, "pacifier" la ceinture urbaine, etc.
     
    D'abord, le poids de l'Histoire. J'ignore si les Verts la connaissent, mais moi oui, alors j'y viens. Le mot "pacifier" a été, pendant toute l'époque coloniale, un euphémisme éhonté pour couvrir une réalité, qui était le contraire même de son sens : "pacifier" l'Algérie, c'était conduire des opérations de guerre particulièrement sanglantes. "Pacifier" l’Aurès, la Kabylie, c'était traquer le FLN, dans une guérilla sans merci.
     
    Au Maroc aussi, on a "pacifié", notamment en 1925, lorsqu'on a envoyé le Maréchal Pétain, 69 ans, régler l'affaire du Rif, à la place de Lyautey. En Afrique occidentale, en Afrique équatoriale, dans le Tonkin, en Cochinchine, on a "pacifié". Pour faire passer l'opération dans l'opinion publique en Métropole, on lui balançait un euphémisme, une hallucinante édulcoration du réel.
     
    Bref, nos amis Verts auraient pu réfléchir un peu, il y a quelques années, lorsqu'ils ont lancé ce verbe. Les mots ont un poids, une Histoire, des vibrations, des résonances. On ne balance pas n'importe lequel, sans conséquences.
     
    Aujourd'hui, c'est M. Dal Busco qui utilise le verbe "pacifier". C'est un homme cultivé, il connaît l'Histoire. Lui aussi, aurait pu réfléchir un peu. N'importe quel esprit au parfum de l'Histoire récente du monde, et notamment de cet immense travestissement du sens que fut la colonisation, freine ses ardeurs avant d'utiliser certains vocables.
     
    Aujourd'hui, Dieu merci, on ne tue plus. Mais on distille la propagande, tous le font. "Pacifier", en langage Vert, ou en plagiat dalbusquien, ça veut juste dire "faire triompher nos thèses", en les couvrant sous un mot doux. "Pacifier", en 2023, ça veut dire éradiquer implacablement la voiture du centre-ville.
     
    Je ne reproche pas aux Verts d'avoir leurs thèses. Je reproche un peu plus férocement à M. Dal Busco de les avoir embrassées, avec la fougue d'un Jeudi Saint, à la tombée du soir. J'invite chacun de nous à scruter les mots. Surtout ceux qui viennent du pouvoir.
     
    Tout pouvoir, d'où qu'il vienne, est propagandiste par essence. Tout pouvoir dévoie les mots. Tout pouvoir est menteur.
     
     
    Pascal Décaillet