Mardi 05.08.08 – 09.35h
Hasard d’été, heureux, inattendu : au moment où je dévore une magnifique biographie de Guizot (Laurent Theis, Fayard, avril 2008, j’y reviendrai dans quelques jours), je découvre les pistes de réflexion lancées hier par le PDC sur l’école. Où il est question de libre choix, du public et du privé, ou même simplement d’instiller un embryon de concurrence entre les établissements publics. Des scénarios, pour l’heure. Sur lesquels les délégués devront trancher, le 30 août, à Bâle.
Tout cela se pose et se discute, les arguments antagonistes ne manqueront pas de fuser. Mais ce chantier de réflexion, à coup sûr, a toute sa légitimité sur la place publique : l’école est l’affaire de tous. Il n’est plus question que les citoyens-contribuables se contentent de la financer, à l’aveugle, sans se prononcer sur les grandes orientations qui doivent la régir. L’école publique n’appartient ni aux enseignants, ni surtout aux experts, mais à l’ensemble des citoyens. La votation de septembre 2006, à Genève, s’était chargée de le rappeler à ceux qui avaient voulu, trop longtemps, la confisquer. Et qui auront, sans doute, besoin de quelques piqûres de rappel dans les mois ou les années qui viennent, par exemple le 30 novembre prochain.
Surtout, les partis politiques nationaux, en Suisse, commencent enfin à s’intéresser à l’école obligatoire, avec un horizon du discours qui transcende les frontières cantonales, donc les fiefs et les baronnies, particulièrement incrustés dans ce domaine. Il était temps : sous prétexte de souveraineté cantonale et de la benoîte existence juxtaposée de vingt-six systèmes, la classe politique suisse a beaucoup trop longtemps limité son discours aux Ecoles polytechniques, aux Universités et aux HES. Laissant de côté le plus concernant, le plus crucial, le plus universel des enjeux : l’école par laquelle chacun de nos enfants doit passer, jusqu’à l’âge de quinze ou seize ans. C’est là que tout se joue, là que se forme une conscience collective, un ensemble de repères communs. Cet enjeu-là n’est-il pas, au sens le plus noble, politique ?
Tout cela, justement, me ramène à François Guizot, le premier, bien avant Jules Ferry, à avoir pensé, au nom de l’Etat (le rôle des congrégations religieuses ayant été si puissant, en matière d’enseignement, au moins jusqu’à la Révolution, et à vrai dire au-delà), l’école obligatoire. C’est lui, par exemple, qui lance, avant même la République, les premières Ecoles normales. Cet homme, réputé conservateur, libéral dans un pays qui ne l’a jamais été (l’est-il, aujourd’hui ?), était un révolutionnaire. Sur l’école, il avait une réflexion, une puissance de vision, un demi-siècle d’avance sur ses contemporains. Il nous faudrait un ou deux Guizot, en Suisse.
En empoignant la question scolaire, en appelant à une école forte, en amorçant une réflexion sur la concurrence et le libre choix, le PDC suisse voit juste. Entre des socialistes qui sortent leurs griffes dès qu’on aborde ces thèmes (il faut voir avec quelle violence la Zurichoise Chantal Galladé, qui avait osé les soulever ce printemps, avait été rabrouée par les siens), et l’UDC qui n’a strictement aucune réflexion sur l’école, le centre droit, en Suisse, a une carte majeure à jouer.
Puisse-t-il la jouer avec un minimum de cohérence et un esprit commun : le PDC, les radicaux, les libéraux, défendent, en Suisse, des valeurs beaucoup plus communes qu’ils ne veulent bien l’avouer : la liberté, la responsabilité, par exemple. Et si la réflexion sur l’école constituait l’un des axes majeurs de la nécessaire recomposition de cet univers politique ? Au-delà des fiefs, des ergots, des personnes. Pour le bien de nos enfants. Et pour celui du pays.
Pascal Décaillet
Liberté - Page 1548
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Guizot, le PDC, l’école obligatoire
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Pascal Couchepin et les trois "conjurés"
Sur le vif – Vendredi 01.08.08 – 17.25h
Dans son discours du Premier Août, le Président de la Confédération a décrit les Trois Suisses, tout à l’heure, comme trois « conjurés ». Oeuvrant pour une grande ambition : la liberté.
« Conjurés » : il y a bien sûr l’étymologie, implacable, qui ramène ce mot à un serment commun. À cela, rien à dire. Et le verbe présidentiel, inattaquable.
Mais en politique, un coup de dés ne suffit pas toujours à abolir le hasard. Un jeu de mots, non plus. Trois « conjurés » pour une bonne cause. Voilà qui peut certes nous renvoyer au miroir du Grütli. Mais voilà, aussi, qui me rappelle quelque chose d’un peu plus récent.
Pas vous ?
Utiliser ces deux mots-là, « trois conjurés », et nul autre, dans un sens aussi positif, salvateur même, à quelques mois du 12 décembre 2007…
L’allusion était-elle volontaire ? Ou n’est-elle que le fruit de ce glissement freudien dont notre homme, justement à son corps défendant, semble raffoler tout en feignant de l’ignorer: le lapsus ?
À tous, je souhaite une excellente Fête nationale !
Pascal Décaillet
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Ueli Leuenberger vert de rage
Ou : les maux sous les mots
Sur le vif – Jeudi 31.07.08 – 20.20h
J’ai beaucoup attaqué le président des Verts suisses, Ueli Leuenberger, ces derniers jours. Comme dans toutes mes chroniques et tous mes éditos, depuis plus de vingt ans, j’ai attaqué le comportement politique, en aucun cas l’homme, à l’amabilité duquel il me semble même avoir rendu hommage.
Je respecte l’homme Ueli Leuenberger, comme je respecte tous les politiques de ce pays. Mais j’attaque l’homme politique, oui. Je dénonce et démonte l’opportunisme de sa récupération de l’affaire Nef, et je dévoile sa finalité ultime: faire entrer l’un des siens (si possible lui-même) au Conseil fédéral. Proposer des lectures, des interprétations, lever des maux sous les mots, ne pas être dupe, décrypter, exercer son esprit critique, voilà qui me semble, bien au-delà de mon métier d’ailleurs, le droit de tout citoyen. J’ai ajouté mon étonnement face à une certaine « immunité » d’Ueli Leuenberger devant la presse.
Et voilà qu’Ueli Leuenberger, sans doute étonné que, pour une fois, un commentateur de la vie politique ne chante pas ses louanges, me demande des excuses. Pour avoir titré mon papier « Ueli le climatique » ? Il me semblait que l’art de la satire (lequel n’a jamais gêné Ueli Leuenberger lorsqu’il se dirigeait contre ses ennemis politiques) pouvait s’accomoder d’une telle formule. La comparaison avec l’odieux responsable irakien n’étant là, le président des Verts l’a d’ailleurs très bien compris, que pour la formule. Mais enfin, si Ueli l’intouchable y tient absolument, alors je veux bien briser les ellipses, et déclarer, au premier degré : non, Ueli, je ne vous assimile pas au boucher des Kurdes.
Dans mes papiers, je n’ai jamais, une seule seconde, utilisé l’attaque « ethnique » contre Ueli Leuenberger, cela n’est ni mon style, ni ma pensée, ni mon langage. Que certains commentateurs l’aient fait, je le désapprouve, mais n’ai pas à les censurer.
Quant à attaquer les Verts, oh oui, je pense bien réitérer maintes fois. Et j’attends avec impatience qu’on me brandisse l’article du Code pénal interdisant de commettre un aussi terrible crime.
Pascal Décaillet
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