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Liberté - Page 1370

  • La Constituante et l’Empire du Bien

     

    Sur le vif - Mardi 05.10.10 - 08.59h

     

    Le vrai drame de ceux qui veulent arrêter la Constituante parce que les résultats intermédiaires ne leur plaisent pas, c’est leur acte de foi, dogmatique, dans l’avènement de l’Empire du Bien. Il faudrait que toute Charte fondamentale, à tout prix, entonne la liturgie incantatoire de tout un fatras de « droits », droit au logement, droit des fonctionnaires à être députés, droit à ceci, droit à cela, univers où le citoyen serait remplacé par l’ayant-droit. On pourrait se réveiller, heureux, en fin de matinée, en bêlant : « J’ai droit à ma grasse matinée ! ».

     

    Ils croient aussi, ces gens-là, René Longet en tête, que tous les futurs matins du monde seront nécessairement chanteurs, et de ce chant-là qu’ils ont rêvé, parce qu’il serait inéluctable. Leur catéchisme, c’est le progrès, enfin leur définition du progrès, celle de leur chapelle à eux. Et comme ce progrès DOIT advenir, sous le seul prétexte qu’ils l’ont annoncé, rien ne doit s’y opposer, même pas ce petit obstacle passager qui s’appelle démocratie, majorité d’une Assemblée souverainement élue pour accoucher d’un projet.

     

    Ce qu’ils refusent de voir, ces gens-là, René Longet en tête, c’est que la société suisse a profondément changé. Et même aussi la société genevoise. Et que les fameux lendemains qui chantent pourraient bien s’avérer beaucoup plus conservateurs qu’ils ne l’imaginent. Ils peuvent hausser les épaules tant qu’ils veulent, se dire que les 29% de l’UDC aux élections fédérales d’octobre 2007 ne sont qu’une parenthèse, et que tout rentrera dans l’ordre, LEUR ORDRE A EUX.

     

    Ils peuvent se dire cela, si ça les rassure, ou encore que les 17% du MCG, le 11 octobre 2009 à Genève, ne seraient qu’un accident passager. Que la victoire de la droite, ce même jour, serait purement fortuite et provisoire. Ils se ferment tant les yeux qu’ils ne voient pas le succès probable de l’initiative de l’UDC du 28 novembre prochain. Pendant que certains font de la politique, eux font de la morale. C’est cela, le syndrome René Longet, au demeurant le meilleur des hommes.

     

    Dans un papier publié ce matin dans la Tribune de Genève, mon excellent confrère Claude Torracinta, qui défend Longet tout en voulant sauver la Constituante, appelle les membres de cette Assemblée à « revenir à des réformes raisonnables ». « Raisonnables », cela signifie conformes aux lunettes roses de René Longet ? Il y aurait donc d’un côté la Raison (Vernunft), celle des grands idéaux socialistes et du douillet confort des « droits ». Et de l’autre, la barbarie de ceux qui pensent autrement ? Barbarie, ou infidélité ? Alternance, ou mécréance ? Droit chemin, ou hérésie ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • René Longet a un problème avec la démocratie

     

    Sur le vif - Lundi 04.10.10 - 12.06h

     

    Ce matin, ma consœur Alexandra Cohen, sur Radio Cité, animait un débat entre le président du parti socialiste genevois, qui veut dissoudre la Constituante, et l’une des étoiles montantes des radicaux, Murat Julian Alder, membre de cette noble Assemblée. Débat où il se confirme clairement que M. Longet a un problème avec la démocratie, avec la notion de majorité, avec quelques principes républicains majeurs qu’il semble oublier, au profit de sa logique partisane.

     

    Ne nous étendons pas sur les vocables, comme ce sommet du gnangnan, bien gentil, bien socialiste genevois, « la Charte du vivre ensemble », qui sonne davantage comme le règlement interne d’une garderie avec moniteurs en sandales que comme le socle fondamental d’une législation.

     

    Non, analysons le fond. M. Longet, expressis verbis, se fâche que les Constituants se mettent à dos « les anti-nucléaires, les fonctionnaires, les syndicats ». Est-ce à dire qu’il soit dogmatiquement obligatoire de sauvegarder la bonne humeur de ces gens-là ? Une Constitution pour les corporatismes, M. Longet, ça n’est pas la République. Et puis quoi : que signifient ces passages contraints, ces obligations d’adhérer que viendrait dicter le chef d’un parti à 80 membres libres de nous proposer souverainement un modèle sur lequel, de toute manière, le peuple aura le dernier mot. Peut-être que le peuple refusera la Constituante. Mais ça n’est pas à M. Longet, ni à aucun d’entre nous, de venir anticiper sur ce vote final et souverain.

     

    Ailleurs, René Longet parle de respect des minorités. Que fait-il, lui, du respect le plus élémentaire en République, celui d’une majorité ? Que se passe-t-il, en fait ? La Constituante élue par le peuple se trouve être plutôt à droite. Et c’est cela qui fâche tant M. Longet. Il y aurait eu une majorité de gauche, qui aurait fait passer le droit au logement, l’interdiction définitive du nucléaire, toutes les thèses féministes du PS, M. Longet n’y aurait vu aucun inconvénient. Il aurait même applaudi des deux mains ! Donc, il y a d’un côté la Constituante du Bien, celle qui avalise la pensée socialiste (15% de l’électorat genevois), et de l’autre la Constituante du Mal, celle qui les combat.

     

    Encore plus étrange, ce reproche adressé au plénum de ne pas écouter les commissions. Mais enfin, dans toute assemblée du monde, le plénum l’emporte sur les commissions. Et, en Suisse, le peuple l’emporte sur le plénum, ce qui est très bien. M. Longet ne semble aimer la démocratie que lorsque cela l’arrange. C'est-à-dire lorsqu’elle va dans le sens des socialistes. Etrange, non ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Impair et passe

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 04.10.10

     

    Madame la Chancelière, vous êtes  bien brave de porter le chapeau dans l’affaire des funérailles de l’évêque. Monsieur Mark Muller, bien brave aussi d’affronter la presse pour d’autres, mercredi dernier. La vérité n’est pas celle qu’on nous dit : elle ne relève ni du couac, ni de l’oubli.

     

    Le lendemain de la fameuse absence, se tenait le repas de l’Association des Communes Genevoises. A cette occasion, plusieurs maires ont demandé des explications à une conseillère d’Etat. Il leur fut répondu que Genève était une République laïque, avec régime de séparation. Donc, volonté délibérée, assumée. Et non un couac.

     

    Pourquoi, en trois jours, le Conseil d’Etat est-il passé de la posture laïque revendiquée à la thèse de l’oubli ? Réponse : parce lundi, il y eut, dans ces mêmes colonnes, dénonciation. Mais aussi parce que beaucoup de téléphones, de dimanche à mercredi, ont sonné. A quoi s’ajoute, en fin de semaine, la découverte du règlement du protocole.

     

    Ce qui est gênant, c’est le manque de courage du gouvernement. La raideur laïque eût été une explication, elle n’aurait pas manqué d’allure, avec ses relents de Garde noire et de fierté hussarde. Mais la thèse de l’oubli technique manque singulièrement de dignité. Il eût été plus simple de dire : « L’évêque, on s’en fout, et ce samedi-là, il faisait si beau ».

     

    Pascal Décaillet