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Liberté - Page 1310

  • Quand les radicaux excommunient

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    Sur le vif - Et face au peloton - Mardi 29.03.11 - 11.31h

     

    Viré du parti radical, parce qu’il brigue la Mairie de Vernier aux côtés du MCG et de l’UDC! François Ambrosio, vieux militant radical de Vernier, fait l’objet d’une procédure d’exclusion de la part de son président cantonal, Patrick Malek-Asghar. Le candidat à l’exécutif de la deuxième ville genevoise jouerait « solo » en s’alliant au MCG, parti « dont les radicaux ne partagent pas les valeurs ».

     

    Une excommunication fort singulière. D’abord, parce que le même parti cantonal applaudit la candidature du libéral Pierre Ronget, qui part, toutes voiles dehors, avec la gauche (Verts + socialistes). Ces valeurs-là seraient-elles davantage « partagées » par les grands penseurs radicaux que celles du MCG ? Si oui, il faut le dire franchement, avec cohérence cantonale, voire fédérale, et songer une bonne fois à passer à gauche.

     

    Et puis, et surtout, à entendre, hier soir, le représentant de l’Association radicale de Vernier, le fidèle militant Jean-Claude Huggel, expliquer comment se passe la procédure d’exclusion (qu’il qualifie de quasi-stalinienne), on découvre le vrai visage d’un parti cantonal aux ordres d’un seul cabinet noir, au service exclusif des écuries électorales d’une ou deux stars.

     

    Huggel : « Le président et le comité directeur ne nous ont jamais approchés pour nous dire de ne pas aller avec celui-ci, ni celui-là… Il n’y a eu aucune discussion préalable. A aucun moment, on ne nous a appelés pour nous faire part d’un problème. Ce que nous avons eu, ce sont des propos comminatoires dans la presse, et c’est tout. »

     

    Avec Ambrosio, « on » a voulu, comme dans le film de Losey, faire un exemple. En temps de guerre, on ne pactise pas avec l’ennemi. Soit. Mais alors, pourquoi avec la gauche ? La sélection des traîtres, serait-elle, chez les radicaux genevois, comparable à la membrane de nos cellules : sélective et orientée ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Teresa et ses disciples

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    Lundi 28.03.11 - 16.17h

     

    La chaîne s’appelle « Mezzo », et c’est justement la tessiture de Teresa Berganza. Elle fut l’une des plus grandes. Et là, elle transmet aux plus jeunes. C’était en 2008, à la Villa Viardot. Et c’était, samedi, de 23h à minuit, un inoubliable documentaire musical de 57 minutes, signé Dominique Brard.

     

    La chaîne « Mezzo », d’un bout à l’autre de ses programmes, est un enchantement. Avec « Une leçon de chant de Teresa Berganza », c’est une petite heure d’intense bonheur, d’infinie précision sur l’art du chant, sa composante physique, anatomique, ce qui vient du ventre et court se caler jusque sous les résonances voutées du crâne. Le chant, musique issue du corps, destinée aux corps des autres. Il n’y a plus ni chair ni esprit, plus de démarcation, il n’y a plus que l’extase matérielle, sa durée, son rythme, ses coupures. La musique.

     

    Il faut voir la fusion de cette immense cantatrice avec ses quelques élèves venus des horizons du monde. Note après note. Syllabe après syllabe. Le sens d’une attitude, dans « Carmen » : fierté d’une cambrure, possibilité d’un sourire, fureur d’un regard. Triés sur le volet, ces disciples d’un jour sont déjà des surdoués de la musique. Auprès de Teresa, que viennent-ils chercher de plus ? L’élévation. La rigueur. La précision. La folie du personnage.

     

    Folie qui se crée. Se compose. Se restitue. S’extrapole. Au prix de milliers d’heures de travail. Toute la vie des élèves. Toute celle du maître. Pour un jour, sur une scène, oser prétendre, quelque part à Séville, que l’amour n’a jamais connu de loi.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Salika Wenger

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    Lundi 28.03.11 - 10.15h

     

    Salika Wenger ne pleurniche jamais. Les soirs de votations, qui sont souvent des soirs d’échec, elle ne vient jamais se lamenter, accuser le peuple d’avoir mal voté, la partie adverse d’avoir eu trop d’argent, le monde d’être méchant. Salika Wenger est une combattante. Elle se bat.

     

    Salika Wenger ne sombre jamais dans la scélérate, la mortifère confusion entre le grave et l’aigu, infantile maladie d’une certaine gauche genevoise. Elle ne dit jamais « dèbat », ni « compètente », ni « dèfavorisè », n’utilise d’ailleurs aucun de ces trois mots, et quand bien même elle faiblirait à en user, elle placerait l’aigu là où il faut. Avec la précision d’une broche, sur un tailleur.

     

    Salika Wenger est l’une des rarissimes personnes de la classe politique genevoise à parler juste et bien, un français clair en simple, sonore. Rien de précieux pourtant : le subjonctif imparfait, style ancien bâtonnier, n’est pas pour elle. Elle a mieux à faire.

     

    Salika Wenger écoute l’adversaire, ne l’attaque jamais personnellement, se délecte simplement à en démantibuler l’argumentaire, un peu comme un enfant cruel qui arracherait, une à une, les ailes des guêpes, en sifflotant. Ses phrases ont un début, un développement et surtout une fin, cette fameuse chute qui manque tant chez les leaders politiques.

     

    Chez Salika Wenger, chaque syllabe est posée. Dans son phrasé, il y a des notes et il y a des silences, la consonne est mise en valeur, la voyelle, en couleur. Une virgule est une virgule, la respiration l’accompagne. Un point est un point. La joie, la colère, l’indignation, n’existent que redoutablement théâtralisées.

     

    Il y a quelques milliards d’années-lumière entre l’efficacité rhétorique d’une Salika Wenger et l’aphasie de certains politiques genevois, jusqu’au plus haut niveau. Elle n’a pas besoin, elle, d’engager des boîtes de communication, ni dans le privé, ni dans le public.

     

    Salika Wenger ne nous emmerde pas avec l’épicène, elle est de cette génération où on étudiait encore la grammaire, le masculin tient du neutre, et on n’en fait pas une maladie. Féministe, elle déteste les jérémiades. Femme de gauche, elle abhorre le relâchement vestimentaire. Elle a juste envie, très fort, de vivre et de se battre. Et cela se sent. Et cela se voit. Dans la chambrée des torpeurs, elle sonne le réveil. Le tocsin. Et cela s’entend. Très fort. Et très loin.

     

    Pascal Décaillet