Sur le vif - Mercredi 27.07.11 - 13.03h
C'est de nouveau la charrue avant les bœufs ! Le peuple ne votera que dans trois mois (le dimanche 23 octobre) pour les élections fédérales, et déjà, ici et là, on trame, on ourdit, on vaticine, pour savoir s'il faut maintenir ou non, le 14 décembre (réélection complète du Conseil fédéral), Eveline Widmer-Schlumpf, dégommer ou non l'un des deux conseillers fédéraux du PLR. Dans un intéressant papier du Temps, ce matin, Bernard Wuthrich évoque ces ficelles et manigances.
En Suisse, l'élection exécutive, hélas, procède du Parlement. Partisan, depuis toujours, de l'élection par le peuple, je le regrette, mais enfin c'est ainsi, et tant que le système n'est pas changé, il s'agit évidemment de le respecter. Pour l'heure, la composition du Conseil fédéral relève d'une bonne dose d'arithmétique. Là aussi, on souhaiterait un changement, de vraies plateformes politiques, avec un programme de législature, penchant à droite (tous, sauf les socialistes) ou à gauche (tous, sauf l'UDC), mais manifestement ça ne sera pas pour cette fois. Ca n'est jamais pour cette fois ! Donc, la cuisine mathématique demeurera. Donc, rien ne sert de spéculer sur la composition du Conseil fédéral, le 14 décembre prochain, sans avoir le rapport de forces législatif voulu par le peuple le 23 octobre. Que va-t-il voter ? Franchement, je n'en sais rien.
Voilà pour le côté prématuré. Mais il y a pire. Si vraiment, comme l'articulent d'avertis commentateurs, certains chefs de parti en sont déjà à des projections d'apothicaires sur le maintien ou le renvoi de Mme Widmer-Schlumpf, l'exécution d'un PLR, c'est vraiment que la caste parlementaire, en Suisse, tient à se discréditer davantage encore. Le pronunciamiento du 12 décembre 2007 vibre encore dans bien des mémoires. Les erreurs de casting, lors des successions Couchepin puis Merz, aussi. Le coup de la souris grise qu'on porte au pouvoir, parce qu'elle incarne les subtilités de la technique parlementaire, certes un homme très bien, mais qu'avons-nous à faire des « hommes bien », s'ils ne communiquent pas quelque chose de fort à la population ? Dans l'autre cas, renvoyer chez elle Mme Keller-Sutter, la meilleure de tous, parce que sa tête dépasse, dévoile une peur du Parlement face à tout ce qui lui est étranger. Quatrième République, dans le pire sens du terme ! Que le Parlement fasse des lois, qu'il contrôle sévèrement le Conseil fédéral et l'administration, qu'il se montre sourcilleux face aux abus de pouvoir, tout cela oui, c'est sa mission, sa noblesse. Mais désolé, l'élection du gouvernement, cet archaïsme du milieu du dix-neuvième siècle, ne doit, à terme, plus être de son ressort.
Alors, qui vaticine ? Les socialistes, je n'en sais rien. Les Verts, je n'en sais rien, ils essaient simplement de placer l'un des leurs au Conseil fédéral, ce qui est de bonne guerre. L'UDC, je n'en sais rien. Pour le reste, suivez mon regard. Contemplez ce centre-droit qui fit la Suisse, et aujourd'hui, ne fait plus grand-chose d'autre que tirer dans ses propres pattes. Mme Widmer-Schlumpf n'est pas nécessaire à la Suisse. Sa légitimité à son poste, issue de la combinazione du 12 décembre 2007, est pour le moins douteuse. À l'UDC, elle incarne la trahison. À gauche, elle incarne une politique parfois pire encore que celle de l'UDC. Quant aux deux conseillers fédéraux du PLR, on cherche en eux, avec beaucoup d'intérêt, un quelconque souffle d'Etat ou de grandeur. La vraie politique, comme d'ailleurs dans n'importe quel pays du monde, lorsqu'on a affaire à un casting aussi peu convaincant, ne serait-elle celle du grand coup de sac ?
Mais que les tenants de l'épicerie, du savant château de cartes où rien ne bouge, ne s'inquiètent pas. Le système actuel, aussi absurde soit-il, perdurera sans problème. Le jour où il s'effondrera, ce sera sans doute d'un coup. Par exemple, sous une pression venue de l'extérieur. Comme en 1848. Comme en 1919. Pour les grandes réformes, nous sommes, hélas, un pays de suiveurs.
Pascal Décailet