Sur le vif - Mardi 22.08.23 - 10.03h
J'ai toujours été opposé à l'existence d'un "chef de l'armée", en Suisse. Je suis républicain, à la française : le "chef de l'armée", cela doit être le Conseil fédéral. L'armée n'a aucune décision propre à prendre en termes stratégiques : elle applique les orientations décidées par l'autorité politique élue.
Les déclarations hallucinantes de l'actuel "chef de l'armée", Thomas Süssli, donnent raison à ma vision, justifient mes craintes. Aussi étoilé qu'il soit, aucun homme en uniforme n'a à se substituer au politique. C'est très exactement, pourtant, ce qu'a fait M. Süssli en prônant une "intensification" des relations entre la Suisse et l'OTAN, allant jusqu'à des manœuvres terrestres communes.
L'OTAN, ça n'est pas une gentille organisation au service du bien. C'est le club, depuis l'immédiate après-guerre, des alliés de Washington. "Alliés", le mot est faible : aujourd'hui, l'impérialisme américain ayant pris un tel ascendant sur l'Europe, les membres de l'OTAN sont des affidés.
Or, les Etats-Unis sont en guerre en Europe. Dans l'affaire ukrainienne, ils dépensent des milliards - et en font dépenser d'autres par les États européens - pour ce qui n'est rien d'autre que LEUR GUERRE. Depuis la chute du Mur, les Etats-Unis appliquent un plan précis, patient, déterminé, de progression de leur influence en Europe orientale. C'est dans ce contexte qu'il faut placer le conflit entre Russes et Ukrainiens.
"Se rapprocher de l'OTAN", pitoyable euphémisme pour dire qu'on se range du côté de l'Empire qui détient la force, n'a donc rien d'un acte technique, non, c'est un choix politique. Il est déterminant. Et il est catastrophique. C'est le renoncement pur et simple à notre neutralité. A notre indépendance. A notre souveraineté. La Suisse entend-elle devenir le 51ème Etat américain ?
Dans ces conditions, de deux choses l'une. Soit le "chef de l'armée suisse" a totalement outrepassé ses compétences, et cela doit lui être sèchement rappelé. Soit il avait le feu vert de Mme Amherd. Dans cette deuxième hypothèse, beaucoup plus grave, il faut d'urgence rappeler à la ministre de la Défense qu'un tel virage stratégique n'est pas de son seul ressort. Ni même de celui du Conseil fédéral. Mais du peuple suisse tout entier, jusqu'à nouvel ordre seul souverain, dans ce pays.
Pascal Décaillet