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Sur le vif - Page 804

  • "Emotionnel" : le mot si facile des perdants

     

    Sur le vif - Lundi 24.02.14 - 08.58h

     

    J'en ai assez d'entendre dire - par les perdants - que le scrutin du 9 février était "émotionnel". C'est scandaleusement faux. Le texte de l'initiative était sobre, clair, factuel. Il évoquait un contrôle et une régulation des flux migratoires. Rien d'autre.


    Si on était pour, on votait oui. Si on était contre, on votait non. C'était parfaitement rationnel. L'étranger, l'Autre, l’altérite au sens philosophique ne s'y trouvaient ni qualifiés, ni disqualifiés. Une majorité a voté pour. Parce qu'elle estime, exactement comme le stipule le texte, qu'il est préférable pour l'intérêt supérieur du pays, de son corps social, de réguler les flux migratoires. Rien d'émotionnel. Juste une décision du souverain pour l'avenir de la collectivité suisse.



    Le mot "émotionnel" est l'argument désespéré de perdants qui ne savent plus quoi inventer pour justifier leur campagne catastrophique, déléguée à des "milieux de l'économie" dont la pauvreté de discours était flagrante, et finalement leur défaite.



    Je suggère aux partisans du oui, dans les débats, de ne plus jamais laisser passer ce mot, "émotionnel", sans contraindre, par le jeu de la rhétorique et de la maïeutique, celui qui le prononce à s'expliquer avec exemples, images et illustrations. L'acculer. Jusque dans les ultimes retranchements d'une sémantique par lui-même tentée. La plus puissante posture, dans une discussion contradictoire, est de brandir à l'adversaire le miroir de ses propres mots. Le reflet de ses maux.


    Parce que juste jongler avec des vocables, comme des torches dans la nuit, c'est trop facile.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La vie en rose

     

    Sur le vif - Dimanche 23.02.14 - 10.53h

     

    En peinture comme en journalisme, il y a les modes et les courants. Depuis le 9 février, nos éditorialistes de Suisse romande, ceux-là même qui avaient si passionnément prôné le non, sont dans leur période rose. Passage obligé sur le chevalet de l'artiste: le panégyrique de Didier Burkhalter. Pas un mot sur l'échec de six semaines d'une campagne lancée à grand fracas le jour de l'an, pétaradante de dollars, et finalement fracassée contre la volonté du souverain. Non, pas un mot.



    En revanche, dire et redire, à n'en plus finir et se copiant les uns les autres, à quel point nous assistons à l'éclosion d'un "homme d'Etat". L'échec, comme chrysalide. Et le Transfiguré, papillonnant dans les chancelleries d'Europe pour sauver notre pays. Il y aurait donc une vie après la mort, de lumineuses statues de la Renaissance, Didier Imperator, toge romaine, licteurs. On imagine un bronze, Musée du Vatican, porte ouverte sur les jardins ensoleillés, chant d'une mésange.



    Je ne serais pas complet si je ne confessais ici avoir fait exactement la même chose, il y a 22 ans, avec Jean-Pascal Delamuraz. Sitôt l'échec du 6 décembre 1992, je fais partie de ceux qui ont culbuté le réel en idéalisant le vaincu. Et je l'ai fait jusqu'à sa mort, en 1998, et au-delà de sa mort.



    Je dirais simplement que Delamuraz n'était pas Burkhalter. L'un des deux me faisait rêver. La  vie est courte, on tente de choisir ses songes. Même si c'est sans doute le contraire. Bon dimanche à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Il est vivant !

     

    Sur le vif - Samedi 22.02.14 - 19.44h

     

    Il faut d'urgence créer en Suisse romande un nouveau journal.



    Entendez par "journal" non pas le simple vecteur papier que nous avons tous connu, et Dieu sait si nous le chérissons. J'en ai encore des tonnes, dans toutes mes caves. J'ai vraiment entamé cette collection dans les jours qui ont suivi la mort de Charles de Gaulle, le 9 novembre 1970. J'avais un peu plus de douze ans. Toute ma vie, j'aurais voulu avoir écrit le papier de Jean Cau, dans Paris Match, sur la journée des funérailles. Oui, ma passion du journalisme est née d'une oraison funèbre, se terminant par ces trois mots: "Il est vivant". Oui, c'est christique. Oui, c'est pascal. On ne se refait pas.



    Non, plus seulement le papier. Il faut aujourd'hui une appréhension plus large.



    Petite équipe, visionnaire et passionnément travailleuse. Au tréfonds de son âme, la "journaliste attitude", qui est d'abord de dimension passionnelle, je dirais presque sacrificielle, mais aussi de jouissance à l'ouvrage. Je ne suis pas loin de penser qu'on entre en journalisme comme en religion. Non dans l'aspect métaphysique de cette dernière, mais dans l'horlogère précision de sa liturgie. D'abord, on apprend à calibrer. Un papier, un son, une image. On apprend à écrire, ou à parler dans un micro. Après, on discute.



    Laudes, matines, vêpres, il y a des prières du matin comme des journaux de l'aube, des recueillements du crépuscule comme des journaux du soir.



    Ensuite, de multiples supports, totalement adaptés à la modernité, et même la précédant. Surtout, fureur d'écrire, ou de radiophoner, ou de téléviser, ou de bloguer, ou de tout ce qu'on voudra. Pourvu que cela, aimé ou haï, procède d'un angle, d'un courage, d'une solitude assumée, d'une originalité d'approche. Que l'écrit fleure la belle ouvrage, que le micro s'offre à des voix qui ont des choses à dire. Que les gens nous détestent, nous ne sommes pas là pour être aimés !



    Aucune concession. Jamais de cocktail. Juste la constante, la révolutionnaire réinvention du métier. Jamais acquis. Toujours recommencé.


    Le métier appartient à celui qui le pratique. La prière, à celui qui prie. Le micro, à celui qui en a passionnément envie. La puissance de solitude, à celui qui veut bien la tenter.

     

    Pascal Décaillet