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Sur le vif - Page 711

  • Culture en Ville : des priorités, SVP !

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    Sur le vif - Dimanche 13.12.15 - 17.26h

     

    « Gouverner, c’est choisir », avait dit le seul véritable homme d’Etat de la Quatrième République, Pierre Mendès France. Et choisir, c’est se faire des ennemis. Par exemple, lorsqu’on est magistrat, responsable de la Culture, dans une ville comme Genève, et qu’on tient les cordons de la bourse. L’offre est impressionnante, c’est vrai, mais au fond pourquoi l’est-elle ? Parce que nous serions, à Genève, plus naturellement disposés aux choses de l’art et de l’esprit ? Ou, plus prosaïquement, dans la logique de l’œuf et de la poule, parce que la manne y est répartie plus généreusement qu’ailleurs ? Un peu à tous. La politique de l’arrosoir.

     

    Prenez la peine d’observer de près le projet de budget 2016 de la Ville de Genève. Il y règne une grande générosité dans l’ordre de la subvention culturelle. Mais surtout, à l’intérieur de l’enveloppe globale, on est frappé par la multiplication des petits postes. Quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers de francs, à chaque fois. Cela n’est certes rien à côté, par exemple, du coût du Grand Théâtre, mais enfin, le tout additionné, on arrive à des sommes importantes. Reconduites d’année en année, sous le lobbying pressant des principaux intéressés, et parce qu’il est préférable de ne pas trop se faire d’ennemis, conserver une clientèle électorale.

     

    Cette politique n’est pas la bonne. Gouverner, c’est choisir. Non pas, bien sûr, choisir les programmations à la place des directeurs de théâtres, ni les politiques d’expositions à la place des patrons des musées. Mais établir des choix politiques clairs entre ce que la Ville entend soutenir, et ce que, ma foi, l’enveloppe étant limitée, elle doit se résoudre à laisser au privé. Dans cette optique, il faut accepter de renoncer à des politiques de soutien, pour en favoriser d’autres. Cela fera des jaloux ? Oui. Cela créera des ennemis, des ruminations, des vengeances, des biffages au moment de la réélection ? Oui. Mais gouverner, c’est choisir. Et en assumer les conséquences.

     

    Gouverner, c’est choisir. Et pas seulement administrer. Choisir, et pas seulement saupoudrer. Choisir, et parfois déplaire. A cet égard, le magistrat en poste depuis bientôt cinq ans, Sami Kanaan, malgré ses éminentes qualités et sa maîtrise des dossiers, donne l’impression de ne pas suffisamment choisir. On ne peut pas donner à tout le monde, on ne peut pas plaire à tous. Dans la jungle des petites subventions, il n’est pas exclu qu’un ménage s’impose. Opérer des priorités : si le politique s’y dérobe, qui le fera à sa place ?

     

    A cela s’ajoute une étrange attitude, hier samedi, face au délibératif. Oh certes, le magistrat avait face à lui une droite élargie (PDC-PLR-UDC-MCG) qui n’était pas disposée à lui faire de cadeaux. Pour l’exécutif, c’est assurément pénible. Mais enfin, c’est le jeu. Et surtout, c’est le reflet de la volonté populaire, au printemps dernier. Dans ces conditions, se braquer constamment face aux élus du peuple, leur faire la morale, leurs asséner de grandes leçons sur leur œuvre de démantèlement, tout cela fait sans doute plaisir au camp du magistrat, qui ne manque pas de l’applaudir, mais ne sert strictement à rien en termes d’efficacité. On a pu avoir l’impression d’un choc frontal mal préparé en amont : en politique, un minimum de ductilité, dans les relations avec l’adversaire, n’est pas inutile.

     

    D’un homme qui venait de la haute administration municipale, où il avait, admirablement d’ailleurs, servi un élu princier dans l’art de la politique, on savait que le risque de « rester haut fonctionnaire dans l’âme » existait. Après une première législature d’essai, on s’est dit que la deuxième devait maintenant être celle des choix politiques. Elle ne l’est pas encore clairement. C’est dommage. Pour l’intéressé. Et pour la Ville de Genève.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Hurler au "populisme" ne résout rien

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    Sur le vif - Samedi 12.12.15 - 18.52h

     

    Les éditoriaux se multiplient, en Suisse comme en France, pour nous donner les recettes visant à "vaincre le populisme". Toujours, le même argumentaire : les partis qualifiés de "populistes" (dont, en Suisse, l'UDC) seraient nécessairement dans un succès provisoire. Il y aurait bien un moment où tout "rentrerait dans l'ordre".

     

    Quel ordre ? Celui des partis qui, jusqu'à peu, avaient pignon sur rue. Et qui, aujourd'hui, l'ont un peu moins. Comme si la vague "populiste" (je reprends leurs termes) n'était qu'une parenthèse. Un vilain cauchemar. Et qu'un beau jour, le moins tard possible selon leurs voeux, l'électorat allait bien se réveiller. Revenir dans le giron. Dans l'ordre d'avant. Celui de ces partis "traditionnels". Bref, la Restauration.

     

    Je ne partage pas du tout cette lecture. L'Histoire des partis politiques montre que ces derniers naissent, vivent, et meurent, ainsi que des personnes humaines. Regardez, en France, le Parti Radical, qui a dominé toute la vie politique de la Troisième République. Au point qu'un moment, au tournant des deux siècles (j'ai beaucoup travaillé sur cette période), il n'y avait que lui, on ne voyait que lui. Eh bien, ce magnifique parti est mort deux fois : la première en 1940, au moment de la Défaite. La seconde, en 1958, lors du retour aux affaires de Charles de Gaulle. Oh, il existe bien, aujourd'hui, ici et là, quelque Valoisien esseulé, souvent d'ailleurs de riches personnalités. Mais le parti, comme masse, comme machine de conquête du pouvoir, s'est fracassé.

     

    Idem, le MRP, les démocrates-chrétiens français de la Quatrième République. Brillante composante de la Résistance, des hommes-clefs à la Libération, des Présidents du Conseil sous la Quatrième, des Pères de l'Europe. Et aujourd'hui, presque plus rien. D'autres partis sont venus, avec l'Histoire, ils ont balayé ceux d'avant, personne ou presque ne s'en est plaint, le personnel politique s'est reconverti avec une capacité d'adaptation étonnante, et plus personne n'en a parlé.

     

    Je ne dis pas ici que les partis "populistes" d'aujourd'hui effaceront les autres. A vrai dire, je n'en sais rien. Mais je ne crois pas une seule seconde à une "rentrée dans l'ordre ancien". Parce que les paramètres qui sous-tendent l'éclosion des partis "populistes" indiquent un profond bouleversement de nos sociétés. En un mot, je pense que la Révolution conservatrice que nous connaissons ne fait que commencer. Pourtant, je ne ne prédis pas, à mon tour, le retour à un ordre ancien. Non, nous allons vers quelque chose de nouveau. Quelque chose d'Autre. Que nul (en tout cas pas moi) n'est capable de prévoir avec exactitude. Il ne s'agit pas de revenir aux temps anciens. Mais les temps nouveaux ne seront sans doute pas aussi "modernes" que ceux dont avait rêvé, dans une Europe opulente et pacifiée, la génération des Glorieuses.

     

    Oui, je crois que cet "Autre" vers lequel nous allons sera, pour un sacré bout de temps, imprégné de valeurs plus conservatrices que celles de 1945 à aujourd'hui. Cela, avec ou sans les partis qu'on qualifie aujourd'hui de "populistes". Cette perspective, évidemment, exaspère la génération de Mai 68, elle pulvérise ses grilles de lecture. Alors, ils préfèrent qualifier de "populistes" des mouvements de fond qui leur échappent complètement. Et plus ils usent de ce mot, tellement creux, tellement inapte à l'appréhension des vrais problèmes, plus la réalité leur échappe. Ils vont finir par devenir fous. Non la folie de l'éclair, avec ses fragments de lumière, mais la folie du déni. Celle qui aveugle, celle qui isole.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Tiens, une élection normale !

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    Sur le vif - Mercredi 09.12.15 - 14.34h

     

     

    Les six conseillers fédéraux sortants réélus sans problème, le septième choisi dans le trio proposé par l’UDC, nous venons d’assister à une forme d’événement que nous avions un peu perdue de vue, depuis deux décennies : une élection normale. Prélude, peut-être, à une législature apaisée, en tout cas sous la Coupole fédérale, entre l’UDC et les autres partis, notamment le PLR, ce que nous annonçons ici depuis des semaines.

     

    Une élection normale ? C’est loin d’être toujours le cas ! Et il n’y a pas à mythifier un passé, qui aurait été plus sage : le grand Tschudi, socialiste bâlois élu en 1959, n’était pas le candidat officiel des socialistes (c’était Bringolf) ; le radical vaudois Georges-André Chevallaz, lui aussi, avait grillé la politesse en 1973 au Genevois Henri Schmitt ; le socialiste bâlois Otto Stich à la Zurichoise Lilian Uchtenhagen en 1983; sans parler de la tragi-comédie Brunner-Matthey-Dreifuss en 1993; les exemples sont nombreux.

     

    Élection normale : pour la première fois depuis la montée en force de l’aile Blocher, l’Assemblée fédérale fait l’économie d’un psychodrame : en 1999, Christoph Blocher, non élu, cite Plutarque, et nous donne « rendez-vous à Philippes ». En 2003, il ravit la place de Ruth Metzler, en 2007, c’est la conspiration autour de Mme Widmer-Schlumpf, en 2011 la Grisonne est réélue, donc pas de deuxième conseiller fédéral UDC.

     

    Élection normale : l’heureux élu, Guy Parmelin, n’est autre que le premier conseiller fédéral vaudois non-radical depuis Henri Druey, dans la toute première équipe de 1848. Il est aussi le premier UDC romand à occuper un tel poste. C’est important, pour la progression du curseur, au sein des familles de droite, dans notre vie politique suisse. Cela parachève l’ancrage de l’UDC en Suisse romande, lui donnera des relais, permettra d’éviter l’immense erreur de la lecture ethnique : « UDC = Suisse alémanique ». En clair, comme parti national, ayant été capable de présenter des candidats dans trois régions linguistiques de notre pays, l’UDC s’affirme non seulement comme le premier parti du pays, mais commence à étendre ses réseaux avec un œcuménisme qui rappelle les très riches heures du Grand Vieux Parti.

     

    Élection normale : nous sortons de l’ère d’une double opposition qui a trop longtemps plombé les esprits. La première, sémantique, fondamentale, sur le degré d’ouverture du pays, entre Jean-Pascal Delamuraz et Christoph Blocher, scellée par le verdict du 6 décembre 1992. La seconde, chaotique, clochemerlesque, entre deux coqs de combat, Pascal Couchepin et Christoph Blocher.

     

    Élection normale : à supposer qu’en plus de ce pas franchi, le PLR et l’UDC parviennent, dans la législature 2015-2019, à entrer ensemble, par des concessions mutuelles, dans le fond du dossier de la mise en application du 9 février 2014, alors, comme ils sont d’accord sur quasiment tout le reste, nous aurions là le début d’une normalisation fructueuse, au sein de ces deux grands courants de la droite suisse. Une telle perspective fait blêmir de peur la gauche : elle pourrait en effet la mettre en minorité, sur les principaux sujets de législature fédérale, pour les quatre ans qui viennent.

     

    En attendant, même si le nouvel élu n’est pas Merlin l’Enchanteur, souhaitons-lui bonne chance. Il en aura besoin.

     


    Pascal Décaillet