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Sur le vif - Page 1151

  • Les mignonnes incisives du député Deneys

     

    Député socialiste, Roger Deneys nourrirait-il pour ma personne une passion cachée ? L’une de ces inversions du désir qui amènent certains êtres, tout à leur pékinoise exaltation, à mordiller les mollets de certains passants, toujours les mêmes, avec une récurrente frénésie. Bien disposé ce matin, et généralement d’excellente humeur d’ailleurs, je veux y voir comme un sautillement de vie, auquel je rends hommage.

    Sauf que là, j’ai vraiment de la peine à suivre celui qui me fait si souvent l’honneur de ses mignonnes incisives. Que me reproche-t-il ? De trop insister pour faire venir sur mon plateau des… socialistes ! D’avoir tout entrepris, vendredi, pour arracher une émission spéciale intégralement consacrée à… son propre parti ! Ce qui fut d’ailleurs obtenu, à la satisfaction générale de tous les participants, très heureux finalement de mon insistance. 25 minutes d’émission avec seulement des socialistes : mon aimable mordilleur devrait s’en féliciter, non ?

    Que l’émission suivante, celle d’hier, fût intégralement consacrée à une conseillère fédérale… socialiste, puis vingt minutes de celle de ce matin à recevoir les trois candidates… socialistes au Conseil d’Etat, rien de cela ne semble calmer notre candidat au tressautement permanent. Sans doute ce dernier souhaiterait-il un univers médiatique intégralement consacré aux socialistes. Pourquoi pas ? Moi aussi, ces temps, pour mille raison, j’ai envie de voir la vie en rose.

    Pascal Décaillet

  • Christian Brunier nous aime. Nous non plus.

     

    Rester, partir ?

     

    Pour Christian Brunier, le mandat politique, c’est « Je t’aime, moi non plus » : ça va, ça vient. Un aller, un retour, un départ, et déjà la promesse d’un renouveau. Le désir qui commence à poindre, et déjà la fatigue. Je te quitte parce que je t’aime, je te quitte parce que je m’ennuie, je t’aime de m’ennuyer, je m’ennuie de t’aimer. Sans doute une histoire d’élection précoce, ou de désir monté trop vite : un mandat trop long, c’est comme une débandade, alors on meurt ou bien on part. En l’espèce, on part. Non sans de longs roulements de tambours et trompettes, des adieux qui n’en finissent plus, et, en primeur, la promesse de retrouvailles. Pourquoi pas à l’exécutif ? Dans cinq ans, lorsque le temps aura passé et que l’ardeur, à l’image du phénix, aura trouvé sa renaissance.

     

    A un détail près, qui pourrait d’ailleurs abréger l’insoutenable stage dans le désert du stylite Brunier : pourquoi diable cinq ans ? La succession évoquée est celle de Charles Beer. N’y a-t-il pas, déjà, des élections cet automne ?

     

     

    Pascal Décaillet

  • Les apparatchiks 2009



    Ils sont là depuis l'aube des temps, l'Egypte ancienne, Byzance la complexe, la Russie tsariste, la Suisse de la culture: ils sont assis, sûrs d'eux, conscients de leur éternité, ils ont l'arrogante tranquillité des espèces qui auraient précédé l'humanité et seraient pénétrées par la génétique certitude, le jour venu, post-apocalyptique, de lui survivre. Pour les désigner, il faut rendre hommage à la langue russe, sonore et métalliquement charnelle, qui a su leur inventer un nom: les apparatchiks.

    Ils existent évidemment partout, dans toutes les sociétés, toutes les entreprises, les grands corps de l'Etat, les médias, les réseaux associatifs, les syndicats d'enseignants, les suppôts professionnels du patronat, les Offices fédéraux, et tout autant dans le privé, ce qui est encore plus surréaliste, comme si tout groupement humain sécrétait  son quota, peut-être invariant d'ailleurs, d'Abyssinie à la Prusse orientale, d'apparatchiks. 

    Un apparatchik n'est pas nécessairement un inutile. Il doit bien avoir une fonction, puisqu'il existe, jusque dans les firmes les plus sélectives, et qui ne sont pas spécialement enclines, en ces périodes difficiles, à faire des cadeaux. L'apparatchik, généralement, ne s'intéresse que très peu, et de très loin, au produit fabriqué par l'entreprise. Il n'est pas un créatif, encore moins un imaginatif, son enthousiasme est gris comme un stratus d'automne, et pourtant il est là, comme un meuble. L'entreprise le garde.

    Car la fonction première de l'apparatchik, et nul n'est besoin d'être spécialiste de Pouchkine pour le saisir, c'est la conservation, l'entretien jaloux, opiniâtre, de l'appareil. Chez Fiat, côtoyant sans les voir les meilleurs dessinateurs de prototypes, l'apparatchik s'occuperait sans doute du journal d'entreprise, ou du cahier de doléances des mécontents, ou du rayon végétarien de la cafétéria, ou de la collecte pour la baignade de bureau sur les bords du Pô, toutes choses éminemment respectables, mais d'un rapport assez lointain, vous en conviendrez, avec la fabrication de voitures. Laquelle me semble tout de même, pour Fiat, une activité assez importante.

    Les apparatchiks sont souvent sociables, attachent de l'importance à la bonne ambiance de l'entreprise, n'oublient pas les anniversaires de leurs collègues, les pressent de rester au lit et de ne surtout pas venir travailler au-delà de 37,5 de température corporelle. Comme ils sont là pour l'éternité, ils prennent le temps. Les apparatchiks marchent lentement. Certains d'entre eux fument la pipe, qu'ils ont soin, d'ailleurs, de bourrer avec application et minutie, car, un être humain n'étant jamais totalement imparfait, un apparatchik peut s'avérer d'un rare et appréciable perfectionnisme. Les apparatchiks sont des horlogers, avec juste un point un peu gênant: ils ne produisent jamais la moindre montre. D'ailleurs qu'importe de savoir l'heure, quand on est soi-même éternel?

    Les apparatchiks s'associent et s'assemblent. Ils aiment évoquer leurs problèmes, ensemble, devant une tisane, si possible pas trop chaude. Chez Fiat, à Turin, ils ne parleraient jamais du tout dernier modèle, le dernier cri, la voiture de rêve pour tous les Italiens et toute la planète, celle qui partirait à la conquête du monde et ferait exploser les parts de marché. Non. Ils auraient des soucis plus intérieurs: le prochain repas du comité d'entreprise, par exemple. Ou la demande d'un meilleur équilibre nutritif dans les menus de la cantine. Car un apparatchik est très soucieux, toujours, du rapport chiffré entre protéines et glucides, et, si les lipides s'y mettent aussi, il sort immédiatement sa calculette. Dans la poche extérieure gauche. A côté du tabac pour pipe. On est éternel, mais on se conserve, tout de même.

    Un apparatchik, prenons toujours notre Turinois de chez Fiat, déteste généralement le cambouis des chaînes de montage. C'est vrai, ces ateliers salissants et bruyants, ces milliers de voitures en devenir, toujours désespérément les mêmes, le bleu de travail de ces prolétaires piémontais, tout cela, se demande l'apparatchik, est-il bien nécessaire à l'entreprise? Car notre apparatchik de chez Fiat a ceci de particulier qu'il n'aime guère les voitures. Il se déplace d'ailleurs toujours en tram, ce qui lui permet d'apprécier plus sereinement les richesses architecturales de Turin. Il éprouve, de plus, un souverain mépris pour la légendaire fascination exercée par la bagnole sur ses compatriotes italiens. Au fond de lui, il en veut à la Fiat de fabriquer des voitures, de caresser, dans le sens du poil, l'égoïsme automobile de la Péninsule.

    Car l'apparatchik n'est pas une brute. Il aimerait bien, du haut de ses sandales, une humanité changée. Plus douce. Voluptueuse comme peut l'être la dernière volute de la dernière pipe d'une journée d'été. Le soir, sur les rives du Pô. Loin de ces brutes épaisses, pleines de cambouis, qui s'obstinent, allez savoir pourquoi, à construire des voitures.

    Pascal Décaillet