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Sur le vif - Page 1153

  • Brumaire ? – Non! Seulement le MCG…


     

    Sur le vif - Samedi 06.12.08 - 19.25h

     

    Non, Monsieur le Président du Grand Conseil, les trois hommes que vous avez exclus de votre séance hier soir ne sont pas des enfants, comme vous venez de le déclarer avec un paternalisme papillon à Forums (ce soir, 18.05h), ce sont des élus du peuple. Turbulents peut-être, pas très bien élevés, plutôt saucisse foraine que tisane de salon, hâbleurs, bretteurs, grassouillets dans la pesée des syllabes, tout cela j’en conviens. Mais ce sont des élus.

     

    Le contrat qui les amène dans l’enceinte que vous présidez leur vient, comme le vôtre, comme celui de Monsieur Brunier, directement du suffrage universel. Les empêcher de siéger est sans doute possible (je ne doute pas que le règlement ait prévu la chose), mais ne doit être décrété que dans des circonstances d’une extrême gravité. Très franchement, étiez-vous, hier soir, dans ce cas de figure ? Le colonel Tejero avait-il fait son entrée dans le sanctuaire ? Quelques improbables grognards brumairiens commençaient-ils à poindre dans les Pas perdus ? Lucien Bonaparte s’apprêtait-il à vous neutraliser ?

     

    Quid, au juste ? L’un des députés MCG s’en prend de façon un peu virile, certes inélégante, à un confrère de gauche, ou à l’épouse de ce dernier. Le ton monte, le verbe devient braise. Et alors ? N’est-ce pas dans l’essence des parlements que de laisser une certaine latitude aux échanges un peu vifs ? Le passionné d’Histoire que vous êtes a-t-il lu les comptes-rendus des débats sous la Troisième République ? Sous Panama, l’Affaire Dreyfus, Stavisky ? Traiter Monsieur Beer de bonnet d’âne ? La belle affaire ! Toute la presse genevoise, la veille encore, filait et dévidait l’animale métaphore, presque naturelle en cette période de l’Avent.

     

    Monsieur Leyvraz, le chef de file historique de votre parti, Christoph Blocher (que vous admirez), n’est-il pas précisément l’homme qui a su réhabiliter, quitte à se faire haïr, une certaine verdeur dans la prise de parole publique, un discours affectif et imagé, blessant par ci, lacérant par là, transperçant de flèches parfois. L’avez-vous déjà entendu, en zurichois, à L’Albisguetli ? MM Stauffer, Golay et Rappaz, en comparaison, c’est encore Madame de Sévigné, ou la Carte du Tendre, l’amour courtois, les génuflexions rosacées devant l’être aimé.

     

    Et puis quoi ? Un parlement doit-il n’être que pesées de laboratoires, rapports de minorité, motions d’ordre, juristeries consensuelles ? Où est-il écrit qu’il faille y parler dans le seul dessein d’y faire bailler aux corneilles ? Le monde de M. Stauffer et celui de M. Brunier sont, bel et bien, aux antipodes. Pourquoi cet antagonisme ne se traduirait-il pas par quelques éclats de voix, des attaques, des piques, des éclairs et des coups de tonnerre ? Imaginer qu’un texte lu dans l’enceinte ait pu être écrit par un autre, cela, franchement, relève-t-il du renvoi de séance ? A cette question, je réponds non.

     

    Vous avez eu, hier soir, Monsieur Leyvrat, la main trop lourde dans la sanction. Puissiez-vous au moins, par cohérence, appliquer le règlement avec la même rigueur lorsque les écarts viendront des partis des notables. Gauche caviar ou droite cassoulet, gauche Brunier ou centre dodu, plus assis que nos forains et nos mauvais garçons, davantage dans le système, champions toutes catégories dans l’art de se tenir par la barbichette sans esquisser le moindre rictus. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Libéraux genevois : la passion du suicide



    Sur le vif – Vendredi 21.11.08 – 00.30h

    En refusant, il y a deux heures, de désigner Olivier Jornot, l’un des fauves les plus racés de la faune politique genevoise, pour la candidature au Conseil d’Etat, les libéraux genevois viennent de commettre une erreur historique. Par confort, par adoubement du douillet, par peur de l’homme fort et de la tête qui dépasse, par une mixture de provincialisme communal (où le seul mot « péréquation » préfigure l’extase salée d’un coït) et de génuflexion féministe, ils viennent d’éliminer rien moins que le meilleur des leurs. Les libéraux genevois auraient-ils la passion du suicide ?

    Ils ont cru qu’ils allaient pouvoir gagner par la sagesse de l’équilibre (jusqu’à celui, tellement convenu, des sexes), là où la politique a besoin de dépassement, de sales tronches, de rêves de gloire et de nuits blanches, de caractères de rats, et surtout d’une incomparable compétence sur les dossiers, bref j’ai nommé Olivier Jornot. L’homme capable, à la même vitesse de lumière, de vous réciter Quinte-Curce et de vous pondre, sur une nappe de papier, un projet de loi sur la police. Jornot est un fou de politique, un fou de pouvoir, et c’est justement pour cela qu’il fallait le désigner.

    Au nom de quelle étrange conception la politique devrait-elle se résigner à n’être qu’une flasque aspiration au juste milieu ? Poitevine et marécageuse, quand elle pourrait être de terre ferme et de soleil, ouverte à la férocité des vents. Pas les zéphyrs : les vents ! Là encore, j’ai nommé Olivier Jornot, homme de voiles latines, de lettres et de droit, de poèmes épiques et de textes de loi. Prétorien ? Et alors ! L’Histoire retient-elle le bruit parfois coupable des bottes, crottées de la glaise du temps, ou l’innocent cliquetis des sandales ?

    Au pouvoir personnel, les libéraux ont donc préféré les délices plus castratrices de l’impuissance impersonnelle. N’ayant pas osé le coup de force contre les éminences acquises, installées, ni contre le conformisme de l’équilibre, ils ont pris le risque de barrer la route du pouvoir à un homme qui génétiquement, était programmé pour l’exercer. Beau gâchis. Pour les libéraux. Et pour Genève.


    Pascal Décaillet



  • Vincent Pellegrini, l’un des meilleurs des nôtres


    Depuis plusieurs années, je considère mon confrère Vincent Pellegrini, rédacteur en chef adjoint du Nouvelliste, comme un journaliste d’une rare qualité en Suisse romande. Pourquoi ? – Parce qu’il est un homme seul. Il a des convictions, très fortes, n’a nulle peur de les afficher. Il se fiche comme d’une guigne de tout ce qui fleure la mode, jusqu’à la plus frêle paramécie de modernisme, ou l’idéologie du progrès, qu’il voit et entend bêlante comme agneaux byzantins. Il est un peu fou, comme nous le sommes tous, comme l’était Léon Bloy, l’Imprécateur, comme le sont tous les minoritaires, de gauche comme de droite, croyants ou athées, qui grattent le papier contre l’esprit du temps. Sa plume est simple et précise, toujours soucieuse d’informer.

    Eh oui :  Vincent Pellegrini, avant que d’être catholique pratiquant (ce qui relève bientôt du Code pénal), passionné d’Histoire religieuse, avant d’être l’un des rares éditorialistes de droite de ce coin de terre, osant s’assumer comme tel, et dans toute la palette culturelle de ce choix politique, avant tout cela, Vincent est un journaliste. Son blog, très étoffé (http://religions.blog.lenouvelliste.ch/), l’un des rares lieux où on ose encore nous parler du culte marial, nous livre avant tout des faits, des informations, amenées, expliquées, mises en contexte. Puis aussi des commentaires, toujours nourris de compétence. On partage ou non ses analyses, mais il y a du solide, du répondant.

    Homme de droite, Valaisan, catholique de tendance plutôt conservatrice : on en fusille éditorialement pour moins que ça, dans la moderne pâleur de nos aubes ! Notre superbe cumulard, que je soupçonne un peu de désirer les flèches comme Saint Sébastien en son martyre, a donc eu droit, tout récemment, à une philippique d’une rarissime finesse, dans le « Peuple valaisan », l’hebdomadaire socialiste de ce canton, dont je vous laisse apprécier le merveilleux esprit d’ouverture et de tolérance :

    « C’est le rédac’ en chef adjoint du Nouvelliste (un petit chanoine agressif et teigneux qui a dû recevoir, petit, le calendrier liturgique avant son abécédaire) qui nous gratifie ce vendredi (veille de Toussaint) d’un merveilleux “Non-dits” sur le dernier bouquin post-mortem de Soeur Emmanuelle, récemment canonisée saint patronne des onanistes. Passe encore qu’il lui pique la moitié du texte de son article (si à Halloween on peut même plus détrousser les cadavres encore fumants, on va le faire quand?) mais qu’on mette son charabia d’illuminé en page “Suisse”, moi ça me laisse perplexe… (…) Peut-être que Vincent c’est un gros feignant qui n’arrive pas à lâcher son missel pour s’intéresser à son boulot de journaliste? ».

     
    Je ne connais pas le ci-devant Boris Michel, signataire de ces lignes, et ne brûle pas d’impatience de déboucher un blanc surmaturé en sa compagnie. Mais je m’interroge : les responsables du « Peuple valaisan », hebdomadaire socialiste, le parti des gentils, des tolérants et des donneurs de leçons, ont-ils relu ce texte avant parution ?  Si oui, quel signal ont-ils voulu donner ? Affaiblir la « nouvelle orientation de droite » du Nouvelliste, courageusement défendue par le rédacteur en chef, Jean-François Fournier ? Si c’est le cas, c’est étonnant : les socialistes, hommes de gauche, devraient se féliciter d’avoir face à eux un vrai journal conservateur. A moins – je n’ose imaginer cette hypothèse – qu’ils ne croient déjà advenu, en forme de parousie, un monde dégagé de l’Histoire et de ses luttes, où la noirceur de la nature humaine aurait enfin cédé la place à la blanche enfance des anges.

     

    Bref, Vincent, et aussi Jean-François, je n’ai qu’un mot à vous dire : n’ayez pas peur. Et battez-vous.

     

     

    Pascal Décaillet