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Sur le vif - Page 114

  • Le Cervin, les aspirines, le Masque de fer

     
    Sur le vif - Vendredi 02.12.22 - 15.52h
     
     
    Résumons. Le secrétaire communal de Zermatt, ancien commandant de la Garde suisse du Pape, a disparu. Mais en fait, il n'a pas disparu. Sa disparition (qui n'en est pas une) serait due à une arrestation (qui ne s'est pas produite) dans un train (en panne), revenant de Zurich (ville qui n'existe pas plus que la Pologne chez Alfred Jarry), suite à une altercation avec un rival, au sujet d'une femme qui pourrait bien être un homme.
     
    L'affaire est claire. L'homme est un bon catholique (donc un espion protestant). Sa vie privée (qui est publique) est parfaite (donc vermoulue par le péché). L'homme fut un bon commandant (à vrai dire, exécrable) de la Garde suisse (où sommeille l'étranger).
     
    Quant au Cervin, il n'a rien vu, rien entendu. L'homme a disparu, mais il est parmi nous. Il est parti, mais il est là. Il est saint, mais torréfié par la chair. Et ce feuilleton journalistique, autour de cette affaire d'une clarté plus cristalline que l'eau du glacier, relègue le Masque de fer au rang de péripétie rouillée.
     
    Distribution d'aspirines à l’entracte. Avec les glaces, les esquimaux et les popcorns.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • L'eau et le vin

     
    Sur le vif - Vendredi 02.12.22 - 14.00h
     
     
    Quand un commentateur, ou un éditorialiste, n'a pas le courage d'aller jusqu'au bout, ni de prendre des risques, ni de s'engueuler avec ses pairs, ni de se mouiller, ni de faire parler les armes, quand il craint l'odeur de la poudre, quand il s'effraye de sa propre solitude, quand il veut demeurer copain avec ses ennemis, au lieu de les combattre frontalement, quand il préfère le marécage de la négociation à la clarté de la guerre, alors, ayant passé sa vie à doser l'eau et le vin, l'huile et le pastel, le dièse et le bémol, d'un geste désespéré qu'il sait lâche et qu'il croit salutaire, alors qu'il est mortel pour l'esprit, il intitule son texte "ANALYSE".
     
     
    Pascal Décaillet

  • Un film pour toi, un film pour nous, un film pour tous

     
    Sur le vif - Vendredi 02.12.22 - 00.25h
     
     
    Saisissante émotion, en ce moment même encore (j’écris alors qu’il est loin d’être fini), ce film de Philippe Macasdar sur Benno Besson. Sur RTS1. Il date de 1993.
     
    L’arrivée en DDR, au début de l’aventure de ce pays, dans un Berlin de ruines et de décombres. Les années de travail avec Brecht. Le Berliner Ensemble. Les brouilles. Les intrigues. La rupture. La Volksbühne. Le Deutsches Theater. Des scènes de répétition. Tenez, là, juste maintenant, des ouvriers de Berlin-Est qui travaillent « Die Ausnahme und die Regel », le célèbre Lehrstück de Brecht. Dans leur usine.
     
    Et cette langue. Brecht, l’inventeur de mots. Et Heiner Müller, avec son cigare. Et cette alternance d’archives DDR en noir-blanc, et Besson qui témoigne en couleurs, et ce Hamlet avec masques à Helsinki, noir-blanc à nouveau, et cette élasticité de la mémoire, en avant, en arrière, rückwärts, vorwärts, hin, zurück. Le passé, le présent, le monde rêvé, l’univers révolu. L’hyper-lucidité, pourtant le jeu total de l’inconscient. Sa puissance. Le dragon.
     
    Ce truc-là, magnifique, ça n’est pas un film sur le théâtre. Ni le théâtre qui nous ferait son cinéma. Non. C’est juste un saut dans les entrailles. Les coulisses. La machinerie du décor. La DDR, dans toute sa puissance littéraire de nostalgie. La langue allemande, son rythme, ses césures, ses syncopes, sa musique, sa respiration.
     
    Un film pour les écoles. Un film pour toi. Un film pour nous. Un film pour tous.
     
     
    Pascal Décaillet