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  • La Suisse doit produire pour les Suisses !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.05.24

     

    Je signalais ici même, la semaine dernière, l’absolue nécessité de sauver l’industrie suisse. Entre-temps, un événement particulièrement inquiétant s’est produit en Suisse romande : la fermeture brutale de Vetropack, la légendaire « Verrerie de Saint-Prex » (VD), fleuron d’un travail de pointe, très particulier, exigeant savoir-faire, imagination, innovation. Une entreprise longtemps performante, séculairement ancrée au bord du Léman. On l’imaginait éternelle. On avait tort.

     

    Allons-nous longtemps, dans ce pays, de Saint-Prex à Chippis (VS), en passant par les Ateliers Mécaniques de Sécheron, les Charmilles, et tant d’usines en difficulté dans notre Arc jurassien, et même dans le Triangle d’or ou en Suisse orientale, assister impuissants à cette mort de l’industrie suisse ? Comme si elle était inéluctable ! Comme s’il fallait, nous les Suisses, nous les citoyens, nous les entrepreneurs, rester de marbre face à un destin scellé. Par qui ? Quelle force supérieure ? Quelle divinité vengeresse, qui s’acharnerait contre notre pays, comme Poséidon contre Ulysse ?

     

    Non, il n’y a pas d’inéluctable. Il faut à tout prix lire Karl Marx. En pleine Révolution industrielle, il y a plus d’un siècle et demi, il démonte les événements économiques en leur assignant une chaîne, claire et précise, de causes et d’effets, de la même manière que l’historien grec Thucydide, il y a 25 siècles, nous décortique les intérêts économiques ayant conduit, entre Sparte et Athènes, à la Guerre du Péloponnèse.

     

    Les causes, les effets. L’industrie suisse ne s’est pas écroulée toute seule. Bien sûr, certains n’ont pas vu venir la nécessité vitale d’innover, et là on peut se ranger derrière le darwinisme de l’adaptation aux besoins nouveaux. Mais tant d’autres firmes ont été purement et simplement, comme dans d’autres pays d’Europe, à commencer par la France, délocalisées dans des pays lointains, par exemple en Asie. Coûts de production infiniment moindres, conditions sociales qui seraient ici, à juste titre, jugées scandaleuses : on fabrique là-bas, et… on renvoie les produits chez nous ! Et nous les Suisses, bonnes poires, nous les achetons ! C’est cela que nous voulons, ce modèle-là, qui rabaisse l’humain, saccage l’environnement, nous relègue au statut de consommateurs de produits fabriqués à l’autre bout du monde ?

     

    Nous devons sauver l’industrie suisse. Relocaliser ce qui, pour pures raisons de juteux profit financier, ne profitant qu’à quelques-uns, a été transféré à des milliers de kilomètres. Et puis, à part pour des secteurs d’exception comme l’horlogerie, ou certaines machines-outils, nous devons revenir sur la sacralisation de l’exportation. Vendre à l’étranger certes, mais aussi vendre aux Suisses ! Je plaide pour une industrie suisse active chez nous, ciblée sur les besoins des Suisses, réhabilitant le marché intérieur, attachée à la dignité des travailleurs et au respect de l’environnement. Une industrie vivante, de proximité, centrée sur l’humain, et non sur le profit à tout prix.

     

    Pascal Décaillet

       

     

  • Ce qui m'intéresse ? Le sort de mes compatriotes !

     
    Sur le vif - Lundi 21.05.24 - 09.34h
     
     
    Ne venez pas vers moi avec des sujets de société, vous n'aurez aucune chance. La quasi-totalité de la presse en Suisse en est totalement obsédée, elle sera enchantée d'en discuter avec vous.
     
    Mais pas chez moi. Habité depuis un demi-siècle par l'Histoire de mon pays, ayant consacré toute ma carrière, de Berne à Genève en passant par Lausanne, à débattre de politique, d'économie, de cohésion sociale et de culture en Suisse, j'ai d'autres priorités que me jeter tête baissée dans le premier sujet à la mode. Y compris - c'est important - pour le dénoncer, malgré tout le mépris qu'il m'inspire. Ce dernier point me distingue de pas mal de proches, auxquels me relie une complicité intellectuelle et spirituelle, voire une amitié personnelle, mais ayant à mes yeux le tort originel d'entrer en matière sur ces sujets. Fût-ce pour les pulvériser.
     
    Pour moi, c'est simple, Soit un sujet est important, et j'en parle. Soit il ne l'est pas, et j'ai autre chose à faire que de l'évoquer.
     
    Dans le débat politique, je privilégie depuis tant d'année ce qui touche la vie quotidienne des Suisses, mes compatriotes. Et notamment le sort économique, social, fiscal, des classes moyennes. Alors, vous trouverez toujours chez moi des débats sur le remboursement des frais dentaires, le prix des médicaments, les primes d'assurance-maladie, l'avenir du système de santé, la dignité de nos retraites, la fiscalité des classes moyennes, le sort de notre agriculture, la survie de notre industrie.
     
    Le reste, vous le trouvez partout ailleurs. Donc, dans 99% de l'offre médiatique. Mais pas chez moi. J'ai d'autres priorités, vous les partagez ou non, chacun est libre. Mais nul ne m'en fera dévier d'un seul millimètre.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Aime et parle ta langue, tu seras Pentecôte

     
    Sur le vif - Dimanche 19.05.24 - 11.28h
     
     
    Tu veux parler toutes les langues ? Un seul chemin : commence par parler la tienne. Que ton verbe soit le feu, dans la propre langue qui est celle de ta naissance, de ta mère, de tes premières années. Ensuite, que tu deviennes un génial polyglotte ou le porteur d'une seule langue, peu importe. Si tu parles ta propre langue avec amour et précision, avec ce frisson de la syllabe juste, du rythme, du souffle, du silence, si ta phrase est musique, alors tu parleras toutes les langues. Et chaque jour pour toi sera Pentecôte.
     
    Bien parler - ou bien écrire - sa langue, ça n'est pas aligner les imparfaits du subjonctifs. Ni d'ailleurs, à l'inverse, se les interdire. Non. C'est sentir le mot juste, écouter la petite voix intérieure qui nous le murmure. Car la langue, c'est la voix. Car le langage, c'est la voix. Car la musique, c'est la voix. L'écriture seule, sèche, silencieuse, le texte écrit lèvres fermées, coupé de son origine vocale, c'est la tristesse des insensibles, des démonstratifs, des rationalistes qui ne voient en elle que l'instrument d'une pensée. Mais la langue, le langage, l'écriture, c'est autre chose que cela. C'est une musique. Et c'est un souffle de la vie.
     
    Ne te tracasse pas trop avec des soucis d'universalité planétaire. Si tu parles ta langue avec ferveur, la langue de ta mère, alors devant le non-dit, devant le néant des choses, toi la goutte d'eau tu parleras toutes les langues. Si au contraire tu en parles cinq ou six, ou dix, sans la moindre sensualité, sans musique, sans les justes silences, juste pour instrumentaliser ton érudition, alors tu n'en parleras aucune. Tu seras Babel, et non Pentecôte.
     
    Ne te tracasse par pour le monde. Il n'a nul besoin de zombies cosmopolites, ces déracinés de la musique. Il a juste besoin que chacun, là où il est, dans telle forêt d'Amazonie, telle steppe du grand Nord, telle vallée latérale du Valais, tel village de Toscane ou de Provence, telle colline de la Forêt de Thuringe, parle sa langue à lui. Nationale ou dialectale, normée ou patois, rugueuse ou chantante. Sa langue. Celle de sa mère. Celle du premier être qui, penché sur lui, lui a souri. Et a commencé à lui dire quelques mots. Celui qui porte amour à cette langue-là, maternelle, première et primale, originelle, ventrale, viscérale, celui-là sera Pentecôte.
     
     
    Pascal Décaillet