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  • Le mécène, la masse, le dindon

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.05.23

     

    Un week-end, c’est le Marathon. L’autre week-end, c’est le Triathlon. L’autre encore, c’est le Feu Ô Lac. Un autre, c’est telle Fête des Fiertés. Un autre, c’est la Fête de la Musique. Un autre, c’est la Course de l’Escalade. Puis, le Cortège de l’Escalade. Un autre, c’est telle course à but caritatif. Sans compter le ballet des diplomates, les ultimes tentatives de discussions entre Joe et Vlad, et tant d’autres manifestations, populaires et sportives (ah, les abords de la route des Jeunes, ceinturés comme en état de siège, à l’occasion du moindre match important !), j’en oublie, elles sont légion, tout au long de l’année.

     

    Toutes ces réjouissances ont un point commun. Elles plaisent au public, donc sont réputées faire du bien au moral du grand nombre. C’est exactement pour cela que nos autorités, cantonales ou en Ville de Genève, les multiplient : du pain et des jeux. Plus on distrait le grand public avec des fêtes populaires, plus il trouvera les autorités formidables, des gens charmants, attentionnés, qui s’occupent de nos loisirs. Le jour venu, on pensera à les réélire. Pas belle, la vie ?

     

    Dans ce pacte entre les édiles et le bon peuple, on oublie juste, en passant, un petit détail : les dizaines de milliers de résidents genevois qui, désireux ou non de participer à la fête, se voient littéralement confisquer l’espace public au profit de la clientèle électorale escomptée par nos autorités organisatrices. Cet espace, pourtant, notamment les chaussées, qui les finance, sinon justement ces mêmes résidents genevois, ceux de la Ville par exemple, tondus à longueur d’année par les impôts, les taxes ? Parmi eux, des dizaines de milliers d’automobilistes, des familles modestes souvent, qui aimeraient bien, le week-end, pourvoir utiliser leur véhicule pour sortir de chez eux, ou y revenir, sans tomber systématiquement sur des kilomètres de bouchons, créés par la générosité du Prince à dépenser, pour des Fêtes, l’argent qui n’est pas le sien.

     

    Car c’est bien là le problème. Les édiles ne dépensent pas leur argent. Mais le nôtre. Celui des contribuables. Le Genevois de la Ville qui paye ses impôts, cantonaux et municipaux, et qui en plus paye les plaques du véhicule qu’il a le mauvais goût de posséder, celui-là, je vous le dis, est la pire des vaches à lait. Non seulement il paye, mais en plus les autorités multiplient les week-ends où on lui confisque littéralement ce pour quoi il sort ses deniers. Un pacte, oui, entre le Prince et la masse, sur le dos du bon vieux Genevois qui se lève le matin pour aller bosser, entretenir sa famille, fait partie des 64% de gens qui payent des impôts, ne bénéficie jamais de la moindre subvention. Et en plus se fait engueuler, les jours de fête, parce qu’il se permet de maugréer contre la fermeture quasi-totale du centre-ville aux véhicules !

     

    Un pacte, entre le mécène qui ne verse pas son argent, mais le nôtre, et le bon peuple qu’on distrait avec des spectacles. Il y a juste, dans l’histoire, un dindon de la farce. Vous me permettrez d’avoir une pensée pour lui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

       

     

  • Les Enfants des Grognards et ceux des Patriciens

     
    Sur le vif - Mardi 23.05.23 - 15.42h
     
     
    Issus, l'un et l'autre, de la Révolution française. Oh pas sur le moment, pas tout de suite, mais assez vite quand même : dès la fin du quart de siècle révolutionnaire (Révolution, Directoire, Consulat, Empire, 1789-1815), donc dès la Restauration, apparaissent ceux que nous appelons aujourd'hui les radicaux et les libéraux.
     
    Ils apparaissent en France. Et aussi dans une Suisse romande beaucoup plus marquée par l'épisode révolutionnaire, notamment la République Helvétique de 1798, que par le treizième siècle largement mythifié de la Suisse primitive.
     
    Ils apparaissent par courants de pensée. Par clubs. Par réunions plus ou moins clandestines. Par opuscules, ou journaux. Par gazettes, ou libelles.
     
    Les radicaux, ce sont les Républicains. Fidèles, dans les grandes lignes, aux valeurs de la Révolution, avec la conception jacobine d'un Etat fort. Des colbertistes, après la lettre. Nombre d'entre eux, nostalgiques de l'Empire, ont la fibre grenadière, la moustache fière du peuple en armes, celui qui avait "passé les Alpes et le Rhin", et dont l'âme "chantait dans les clairons d'airain".
     
    Les libéraux, c'est plus compliqué. Moins populaire. Plus patricien. Mais sacrément passionnant dans le legs intellectuel. En Suisse romande (Genève, Vaud, Neuchâtel) comme dans quelques Salons français, ils s'inscrivent certes dans l'héritage révolutionnaire, mais dans sa tradition plus douce, girondine, décentralisée, ouverte à la grande aventure industrielle, avec participation du Capital. Benjamin Constant, Tocqueville : de grandes figures.
     
    Pendant tout le dix-neuvième siècle, puis tout le vingtième, radicaux et libéraux chemineront ensemble. Ils s'affrontent, parfois violemment, la Genève fazyste en sait quelque chose. Ils se rapprochent aussi parfois, notamment lorsque surgit le larron socialiste, puis communiste. Ou, dans les Cantons, lorsque les catholiques-conservateurs occupent le pouvoir. En Valais, à certains moments, libéraux et radicaux, jusqu'à la dénomination (celle de leurs journaux, par exemple), donnent l'impression de se confondre. Mais pas toujours, loin de là.
     
    Au moment où le PLR genevois s'apprête à changer de présidence (après-demain, jeudi 25.05.23), deux remarques s'imposent.
     
    D'abord, un hommage à Bertrand Reich. Son parti a certes perdu des sièges le 2 avril, mais il en a regagné un le 30 au Conseil d'Etat. Et surtout, cet homme intelligent, cultivé et apaisant, a réussi à calmer les esprits au coeur de la tourmente. Libéral, ouvert au débat, disponible pour en découdre, respectueux des partenaires. Il fallait, à ce moment-là, cet homme-là.
     
    Ensuite, un constat : tant Natacha Buffet-Desfayes que Pierre Nicollier ont l'étoffe de la fonction. La première est chevillée au radicalisme, et elle a mille fois raison : c'est le grand parti qui a fait la Suisse moderne, et d'ailleurs aussi Genève. Le second se veut héritier de l'ensemble des valeurs libérales et radicales, il est un homme de lucidité et de synthèse. Dans tous les cas, ce parti, qui demeure le premier du Canton malgré la cure d'amaigrissement du 2 avril, sera en de bonnes mains.
     
    Elle ou lui, le futur chef du PLR sera l'héritier des deux grandes traditions qui ont abouti à la fusion de 2011. Le Grand Vieux Parti, profondément républicain, attaché aux institutions, à l’École, à l'apprentissage, aux PME, aux classes moyennes, à un "Etat solide, ni plus, ni moins" (Pascal Couchepin, sur le plateau de GAC, il y a une quinzaine d'années). Et puis, la richesse intellectuelle et philosophique du courant libéral. Son apport à l'Histoire genevoise, je pense évidemment à mon ancien professeur Olivier Reverdin. Le futur chef du PLR devra tenir ces deux courants, comme deux lévriers, juste avant la course. Pas toujours facile !
     
    Surtout, cette perle aura comme mission de ne pas laisser échapper la base radicale, populaire, allez ceux de Saint-Gervais, ou de la Place des Augustins, émigrer sous d'autres cieux. Un ancien Conseiller d'Etat, qui s'est absenté deux ans mais est revenu brillamment, est demeuré profondément radical dans l'âme, et constitue, sous une autre bannière, un pôle d'attraction redoutable pour les nostalgiques de ce qui fut pendant plus d'un siècle et demi, le grand parti populaire de la Suisse moderne.
     
    Bref, le nouveau président, elle ou lui, aura besoin de souffle. De mémoire. De nostalgie, non pour se lover dans le passé, mais pour se propulser dans les défis d'aujourd'hui et de demain. A lui, à elle, comme à tous les militants politiques de bonne volonté, de tous bords, je souhaite bonne chance.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Lavage, essorage, 60 degrés

     
    Sur le vif - Mardi 23.05.23 - 07.47h
     
     
    RSR : Karin Keller-Sutter maîtresse d’école, tendue, sur la votation fiscale fédérale de juin. Où est passée l’extraordinaire Conseillère d’Etat saint-galloise qui osait défriser la doxa sur les flux migratoires ?
     
    Elle était elle-même, défendait ses choix politiques à elle, audacieux, à rebours des grandes leçons des médias, de la gauche et de la droite timorée.
     
    Elle existait, avec une incroyable présence, et personne, en Suisse romande, ne connaissait le nom des autres membres du gouvernement saint-gallois. Elle émergeait.
     
    Aujourd'hui, on lui demande de s'exprimer sur un sujet. Elle répond par cette énormité : "J'attends que le Conseil fédéral ait un avis".
     
    Crétinerie de "collégialité". Comme si l'appartenance à un gouvernement était une machine à uniformiser. Blanchir les différences. Une fabrique d'anges disciplinés.
     
    Christian Grobet, Jean-Pascal Delamuraz, Pascal Couchepin, bref les grands exécutifs que j'ai eu l'honneur de côtoyer, n'ont cessé, dans les interviews individuelles, de mettre en avant leur personnalité, leur différence, leurs aspérités, de laisser entendre leurs désaccords avec le diapason du Collège. Tout le monde comprenait. Et c'était très bien. Il faut être un peu voyou - ou voyelle - dans l'entretien politique : un peu d'humour, de dérision, de second degré, que diable ! On n'est pas juste une machine programmée sur "lavage, essorage, 60 degrés".
     
    Dans les conditions d'impuissance impersonnelle que nous venons d'entendre à la RSR, pourquoi continuer à donner la parole aux ministres ? A interviewer l'un d'entre eux, en particulier ? On prend note du communiqué hebdomadaire du gouvernement, on dit ce qu'on en pense, et on va se coucher.
     
     
    Pascal Décaillet