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  • L'Ecole ménagère

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.09.22

     

    Couvrez vos casseroles, vos petits pois chaufferont plus vite. Prenez des douches, et non des bains, vous êtes des citoyens, que diable, et pas des satrapes ramollis. Eteignez les lumières, bande de gaspilleurs, là où elles ne sont pas nécessaires. Ces conseils puissants, qu’un chercheur en sciences sociales de l’Université de Lausanne qualifierait volontiers « d’injonctions », le mot à la mode pour faire le beau au milieu des ploucs, ne viennent pas d’un dialoguiste de la Revue, mais… du Conseil fédéral ! Les sept lumières qui gouvernent notre pays, et ne s’éteignent jamais.

     

    Le Conseil d’Etat genevois n’a pas grand-chose à envier à nos ministres fédéraux dans le registre du paternalisme énergétique. Quant au Conseil administratif de la Ville de Genève, le vieux fond de charité chrétienne qui persiste à gésir en moi depuis mes lointaines années de catéchisme me retient de vous livrer le fond de ma pensée. Vous me traiteriez d’homme cruel. Et vous auriez raison.

     

    Bref, face à la crise, nos gouvernants, que font-ils ? De la stratégie ? De l’anticipation ? De la Blitzkrieg ? De la Ligne Maginot ? Rien de tout cela ! En vérité, ils nous paternent. Ils nous maternent. Ils remplissent le vide de leur programme par des conseils avisés d’Ecole ménagère. Dans l’ombilic de leurs préoccupations, des histoires d’eau, de couvercles, d’interrupteurs. A quand un rapport du Conseil fédéral sur les temps de cuisson ? Je connais un magistrat qui pourrait le rédiger à merveille : les casseroles, il connaît.

     

    Pascal Décaillet

  • La prospérité oui, la surchauffe non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.09.22

     

    Des poussins, derrière la vitre d’une couveuse, qui naissaient en direct, perçant l’œuf de leur bec, sous l’œil émerveillé des dizaines de milliers de passants. J’étais l’un d’entre eux, j’avais six ans. C’était en 1964, l’Expo Nationale de Lausanne. Par deux fois, avec ma famille, nous avions, de Genève, emprunté la toute nouvelle autoroute pour aller nous plonger dans cette Suisse de la croissance, sur les bords du lac, à Vidy. Par deux fois, j’avais adoré. Mon père était ingénieur, partisan du développement des sciences et des techniques. C’était une époque folle : moins de vingt ans après la guerre, la Suisse était prospère, les bébés n’en pouvaient plus de naître, les poussins de l’Expo en étaient évidemment l’allégorie. A six ans, je ne connaissais ni le mot croissance, ni le baby-boom, je n’avais aucune idée de la manière dont j’étais moi-même venu au monde, mais je contemplais l’éclosion des poussins, j’étais émerveillé. C’est mon souvenir le plus fascinant de cette Expo, celui qui a marqué ma conscience.

     

    Tout cela, pour vous parler d’Antonio Hodgers. Le ministre, au cœur de l’été, a eu des mots sur la nécessité, selon lui, de ralentir quelque peu la machine économique genevoise. Chez les libéraux, pas seulement ultras, mais aussi chez des libéraux humanistes, on lui est tombé dessus. Le patron des patrons, à la Rentrée des Entreprises, a rétabli la doxa de la croissance à tout prix. Je ne suis pas un homme de gauche, je suis même sacrément un homme de droite. Mais désolé, la surréaction du patronat en dit plus long sur la dimension dogmatique d’un certain libéralisme, celui qui depuis trente ans ne tolère aucun aménagement au libre-marché. Et, désolé encore, les propos du conseiller d’Etat chargé du Territoire, donc des équilibres et de la qualité humaine de la vie, méritaient autre chose qu’un tel tollé, en guise de chiquenaude.

     

    L’univers intellectuel et philosophique de la droite ne se résume de loin pas, Dieu merci, au libéralisme, comme je l’esquissais ici la semaine dernière. Il existe une droite non-libérale, fraternelle, populaire, patriote et nationale : j’en fais partie. Ses sources sont multiples, il y a une souche catholique (Léon XIII), mais il en est d’autres, du côté d’Emmanuel Mounier, de la Revue Esprit, et d’autres encore. Il ne s’agit pas, de mon point de vue en tout cas, de nier la nécessité de croissance, je suis moi-même un petit entrepreneur, partisan de la concurrence. Il s’agit de trouver des équilibres. Une Genève à un million d’habitants, c’est non. Une Genève surbétonnée, au détriment de la zone agricole, d’espaces de respiration, c’est non. Une Genève surdensifiée, c’est non. Une société humaine n’ayant pour seules valeurs que la croissance économique, oubliant le lien social, la cohésion des âmes, le sentiment d’appartenance à la patrie, c’est non. Ces idées-là, depuis l’adolescence, ont toujours été miennes, y compris il y a trente ans, lors de la folle Révolution néo-libérale. Je ne suis pas un partisan de M. Hodgers, mais désolé : ses propos d’été méritent d’être étudiés. Le débat qu’il a lancé est même passionnant.

     

    Pascal Décaillet

  • La Suisse n'a strictement rien à faire dans l'OTAN !

     
    Sur le vif - Mardi 06.09.22 - 15.26h
     
     
    Le voilà donc, le vrai visage du PLR suisse : "rapprocher" la Suisse de l'OTAN ! Nous pourrions pérorer sur toute l'hypocrisie de cet euphémisme, "rapprocher", édulcoration pour dire : passer dans la zone d'attraction, en un mot se subordonner. Être sensible aux mots, décrypter les effets de langage, c'est aussi la tâche de toute citoyenne, tout citoyen. Cela s'appelle l'esprit critique.
     
    Le PLR pourrait y aller franco. Et nous dire : "Adhérons à l'OTAN". Il préfère demeurer dans sa zone grise des trois dernières décennies : "Collaborons". Comme si la "collaboration" d'un minuscule pays neutre avec la première organisation militaire mondiale relevait d'un pacte inodore, insensible, sans le moindre effet sur l'indépendance et la souveraineté du petit.
     
    Pour ma part, je suis clair. Je dis : "La Suisse n'a strictement rien à faire dans l'OTAN". On partage ou non ma position, mais au moins j'annonce la couleur, sans la moindre ambiguïté.
     
    L'OTAN, c'est quoi ? C'est, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale et l'arrivée de la Guerre froide, bref dès 1949 et la création des deux Allemagnes, le club des affidés des Etats-Unis d'Amérique. De l'autre côté, il y avait le Pacte de Varsovie, le club des satellites de Moscou. Dans ce monde séparé en deux, la toute petite Suisse a choisi de préserver son indépendance, sa neutralité. Elle dialoguait avec Moscou, avec Washington, organisait des Conférences internationales sur son territoire neutre et apprécié de tous, se frayait un chemin au milieu des géants. A-t-elle eu tort ?
     
    L'OTAN, aujourd'hui, c'est toujours - et plus que jamais - le fan's club de l'Oncle Sam. Lorsque le Mur est tombé, le Pacte de Varsovie s'est dissous, l'OTAN a continué. Pire : elle n'a cessé d'avancer ses pions vers l'Europe centrale et orientale, avec les résultats que nous connaissons aujourd'hui. Si cette politique impérialiste vous convient, si vous estimez que notre petite Suisse doit jouer ce jeu-là, s'intégrer dans cette vision du monde manichéenne et belligérante, alors OK, foncez avec le PLR suisse vers l'OTAN.
     
    Si, au contraire, vous avez encore, dans votre âme patriote, ce minimum de non-alignement aux grandes puissances qui a fait l'essence de la Suisse, alors dites non. Car notre pays, que j'aime infiniment, n'est petit que par la taille. Il est grand par son Histoire, complexe et passionnante. Il est grand par les idéaux du Printemps des Peuples, en 1848. Il est grand par ses assurances sociales, dont l'AVS de 1948 est le fleuron. Il est grand par l'intimité de son rapport à sa nature, à son patrimoine. Il est grand par ses institutions. Par son fédéralisme, son respect des différences. Il est immense par sa démocratie directe, qui fait du peuple citoyen, le démos, la pierre angulaire des grands arbitrages du destin national.
     
    Il ne s'agit pas de savoir si nous aimons les Russes ou les Américains. Non. Il s'agit de savoir si nous avons encore la capacité de nous aimer nous-mêmes. Comme nation souveraine. Comme patrie. Comme lieu commun de cohésion sociale et humaine. Cela implique la volonté de défendre toutes ces valeurs par nous-mêmes. Et non en nous subordonnant à l'un des géants, éternellement belligérants, de la planète.
     
    C'est pourquoi je vous dis : "La Suisse n'a strictement rien à faire dans l'OTAN".
     
     
    Pascal Décaillet