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  • Constitutionnelle ? Et alors !

     
    Sur le vif - Mercredi 12.10.22 - 15.32h
     
     
    De toute ma vie, je n'ai jamais aimé lorsque une certaine droite, lâche et capitularde, interpellée sur une grève, se contente de répondre "Que voulez-vous, c'est un droit constitutionnel.".
     
    Désolé, ça n'est pas une réponse. La grève est un droit, OK. Mais est-elle opportune ? Est-elle décente, par rapport à d'autres catégories de population, moins favorisées ? Dans le cas d'une grève de fonctionnaires, à Genève, ces questions-là sont éminemment pertinentes. Faut-il rappeler ici l'angoisse perpétuelle qui mine les indépendants, privés de toute protection ? Faut-il rappeler le statut de tant d'employés du privé, qui peuvent gicler à tout moment ?
     
    Et puis, il y a le principe de manifestation. Là aussi, les lâches et les capitulards nous rappellent, résignés, l'ordre constitutionnel. Mais ce dernier se heurte méchamment à d'autres libertés fondamentales : celle de circuler librement, par exemple, sans se faire bloquer par des énergumènes. Sans compter la loi, si souvent bafouée : sécurité des personnes et des biens, protection du patrimoine, droits de propriété, etc.
     
    Alors, désolé ! Quand on a un minimum de courage politique, à droite, on ne se contente pas de prendre acte d'une grève, en affichant benoîtement son impuissance. Non, non et non ! On a le droit de s'y opposer. Le droit de la condamner publiquement. Le droit de dire à quel point elle est indécente, par rapport à d'autres catégories de travailleurs, tellement moins protégés. Le droit d'exiger des réparations, en cas de déprédations. Le droit de connaître le nom de ceux qui portent la responsabilité juridique. Le droit de les attaquer en justice. Pour qu'ils réparent, jusqu'au dernier centime.
     
    Seulement voilà. Les grèves, les manifestations, l'occupation parfois illégale de l'espace public ont acquis, à Genève, au fil des décennies, une quasi-impunité. La droite, pourtant majoritaire dans la représentation politique législative, fait le dos rond. Elle attend que ça se passe.
     
    Et, pour les fonctionnaires, une majorité du Grand Conseil, à l'approche de Noël, finit par céder. C'est mécanique.
     
    La gauche, elle, se frotte les mains. Rumine déjà sa prochaine grève. Et prépare sa victoire pour avril 2023. Elle l'aura méritée, face à une droite qui n'ose même plus se battre.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Croquer la pomme

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    L’Ecole genevoise est un champ de ruines. Tout est à reconstruire. D’innombrables profs, pourtant, font admirablement leur boulot, bossent, adorent leur matière, la transmission, ont une haute idée de leur mission, déploient des efforts d’imagination pour faire passer leurs branches, parfois ingrates. Les élèves, eux, ne sont absolument pas plus sots que les générations les ayant précédés. Les parents, certes parfois insupportables dans leur comportement. Mais enfin, le problème n’est pas là. Il est ailleurs.

     

    Le problème, ce ne sont pas les intervenants. Ni ceux qui transmettent, ni ceux qui reçoivent la connaissance. Il reste, partout, d’excellents élèves, certains travaux de Matu sont de petits chefs d’œuvre. Non, il faut chercher ailleurs. Dans la structure du Département. Dans l’encadrement, devenu une machine étouffante. Dans l’absence de vision claire sur les objectifs de transmission. Dans l’obsession du contrôle, qui atteint chez certains apparatchiks des proportions dantesques. Les profs font leur boulot. Les élèves ne demandent que la puissance de séduction née d’une autorité sur la matière, et d’une passion de transmettre. Mais l’Appareil, avec un grand A, à la manière d’une nouvelle de Kafka, paralyse les énergies, au lieu de les galvaniser.

     

    Le défi premier de celui – ou celle – qui reprendra le DIP, c’est rendre l’espoir. Faire régner la joie de la connaissance partagée. Leur faire croquer la pomme, à tous. Et si le fruit est défendu, la saveur intellectuelle, la jouissance spirituelle, n’en seront que décuplées.

     

    Pascal Décaillet

  • L'allemand, l'italien, pas l'anglais !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.10.22

     

    D’abord, tordons le cou à la langue anglaise : elle ne mérite que cela. En quel honneur nous, à Genève, Canton membre de la Suisse, pays où l’on parle quatre merveilleuses langues (l’allemand, le français, l’italien, le romanche), aurions-nous à nous plier à l’usage de mots anglophones ? On parle anglais en Angleterre, aux Etats-Unis, dans pas mal de pays certes, mais enfin nous sommes ici au cœur d’une Europe continentale dont nous ont façonnés deux mille ans d’Histoire. Nous sommes au carrefour des mondes latins et germaniques. Chaque Suisse romand devrait, en plus du français, parler couramment l’allemand et l’italien. Pourquoi ce culte de l’anglais ? Pourquoi, sinon par génuflexion, depuis 1945, face à la toute-puissance des Etats-Unis d’Amérique, son impérialisme ? Les réseaux de domination, de colonisation des esprits, ça passe par la langue. Que le dominant essaye, c’est ma foi son rôle. Qu’un petit pays neutre, libre et souverain, comme la Suisse, se prête au rôle du dominé, n’est pas digne de notre ambition nationale.

     

    Tenez, il suffit qu’un type me parle de « start-up » pour que je voie rouge. D’abord, sur le fond : à quoi rime cette valorisation de la seule naissance, alors qu’une entreprise doit justement être jugée sur sa capacité à durer, de longues années, ayant conquis les cœurs et les confiances, l’estime de ses partenaires. C’est le fruit d’un long travail, recommencé, sacrificiel, à des années-lumière des éphémères de cocktails. Et puis, pourquoi l’anglais ? On pourrait, que sais-je, parler de « jeune pousse », ça passe bien, c’est court, imagé, facile à dire. Mais non, dans ces ineffables années 90 où régnaient le prétendu triomphe définitif du capitalisme (après la chute du Mur), des sottises comme « la fin de l’Histoire », l’argent facile, les flux spéculatifs mondialisés, la religion du boursicotage, il a fallu gonfler la cuistrerie ambiante jusqu’à désigner d’un mot anglais une entreprise n’ayant pour seule vertu que d’être à peine née. La plupart étant d’ailleurs, on l’a vu, mort-nées avant que d’être, mais c’est sans doute un détail.

     

    Car la plupart ne survivent pas. On en aura juste parlé au début, pour faire mode, réunir des capitaux, éblouir la galerie, échanger des mots anglais devant une coupe de champagne. Moi, je condamne le mot « start-up », je condamne la vanité prématurée de ce qu’il désigne, je condamne la soumission colonisée de ceux qui nous imposent la langue anglaise, avec leurs costards-cravates, leur code de dressage vestimentaire, leurs fantasmes de l’Ouest, sans avoir le centième du génie d’un Kafka, au début de « L’Amérique », ou d’un Cassavetes, en amorce du films « Gloria », lorsqu’ils nous décrivent les splendeurs d’une entrée dans la Jérusalem Céleste appelée New York. L’Ouest oui, mais transfiguré.

     

    Je nous invite tous à parler allemand (vous connaissez mon tropisme pour cette langue), mais aussi italien. Lire Thomas Mann, Hölderlin, ou les saisissants poèmes du cinéaste Pasolini. Je nous invite tous à aimer notre Europe continentale, lire le grec, ancien et moderne. Ne pas craindre l’archaïsme. Fuir la langue des dominants. Et de leurs complices.

     

    Pascal Décaillet