Sur le vif - Jeudi 16.01.20 - 15.05h
Il y a juste quinze ans, le dimanche 16 janvier 2005, je me suis, pour la première fois de ma vie, senti un peu faible, et peut-être même un peu plus que cela, sur le plan physique.
Un dimanche, oui. J'attaquais ma cinquième année comme producteur responsable de l'émission Forum, à la RSR. J'adorais ça, physiquement ! J'étais à la radio, justement, à m'exciter sur l'édition dominicale, ma préférée de la semaine. J'étais dans une forme olympienne, je me pensais invulnérable. La maladie, c'était pour les autres, pas pour moi. Je bossais comme un cinglé, je dormais peu, je bouffais la vie.
Mais là, oui, ce dimanche, vers 15.30h, je suis allé voir le rédacteur en chef de jour, je lui ai juste dit : "Je ne sais pas ce qui m'arrive, une lourde fatigue, j'espère que ça va aller pour l'émission".
Ces mots, de ma part, ont provoqué chez lui une grande frayeur : "Pascal, tu es sûr que tu ne veux pas rentrer chez toi ?".
Je suis resté. J'ai fait l'émission. Elle s'est parfaitement déroulée. Dans le feu du direct, tout se passe toujours bien, rien ne peut arriver. De 19h à 20h, je l'ai encore réécoutée, comme tous les soirs, puis j'ai pris ma voiture, je suis rentré à Genève, j'ai parlé de ma fatigue à mon épouse. Lundi et mardi, je suis resté chez moi. Sans trop me faire de soucis.
Le mercredi 19, je suis allé voir mon médecin généraliste. Et très vite, j'ai su. Ce fut confirmé, de façon irréfutable, dès le vendredi 21, par une biopsie à la Tour. Puis, toute la série des scanners, je ne vous fais pas un dessin. Puis, cinq mois de "traitement lourd" (je vous épargne les détails). Puis, après une pause estivale, deux mois de rayons.
Alors, quoi ? - Alors, rien ! Aidé par les miens, j'ai fait ce qu'il fallait. Dans un esprit d'attaque, et non de défense. C'était la guerre, il fallait la mener. Ceux qui sont passés par là savent de quoi je parle. Alors, j'ai fait la guerre.Totale. Pendant six mois. Et j'ai obtenu un armistice aux conditions favorables.
Ceux qui sont passés par là ? Ceux qui PASSENT (ces temps !) par là ? Ils se reconnaîtront. En écrivant ces lignes, c'est à eux que je pense. Il ne faut jamais - je dis bien jamais - abandonner le combat.
Oui, d'autres ont eu moins de chance. Avec eux, moi, plutôt solitaire, je me sens dans une communauté d'appartenance, invisible, indicible, mais d'une puissance inouïe dans l'ordre de l'être sensible. Jamais je n'ai autant senti la force de l'humain que dans cette période physiquement un peu difficile. Après, si on guérit, on redevient con, c'est la vie.
Ces quelques lignes, c'est à eux, ceux qui souffrent maintenant, que je les dédie.
Pascal Décaillet