Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 9

  • Les manifestants professionnels

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.01.20

     

    Il y a un sketch extraordinaire, de Jean Yanne et Daniel Prévost, qui s’appelle « Le manifestant professionnel ». En un demi-siècle, ce dialogue n’a pas pris la moindre ride. Jean Yanne s’y livre à l’interview d’un bonhomme ayant choisi pour métier de descendre dans la rue, ayant même suivi pour cela deux ans d’une école très sérieuse, « l’Institut des Hautes Études en Manifestation », avec cours théoriques, exercices pratiques, comme « confection des pancartes » ou « lancer du pavé ». Ce sketch, qui date juste d’après Mai 68, aurait pu être écrit aujourd’hui, à la virgule près.

     

    Car à Genève aussi, nous avons nos manifestants professionnels. Ils ne sont pas les défenseurs d’une seule cause, mais de toutes, pourvu qu’ils puissent descendre dans la rue, provoquer bruit et fureur, se donner l’illusion des barricades de 1830 ou 1848, voire – suprême frisson genevois - du 9 novembre 1932. Ils ne manifestent pas pour un objet précis, non, ils assument leur destin de manifestants éternels, comme si cette fonction relevait de la naissance, d’une nature, de prédispositions génétiques : je manifeste, donc je suis.

     

    Le manifestant professionnel se trouve être, dans 99 % des cas, une personne de gauche. C’est ainsi : la droite, à Genève comme en France, a un peu perdu le contact avec la rue, depuis 1945. La gauche s’y est installée, y règne en maître, s’y sent chez elle, descend même dans la rue contre des pouvoirs de gauche, considérés comme sociaux-traîtres. Surtout, la gauche genevoise aime religieusement prendre l’air, avec sa liturgie, ses processions, en exhibant ses idoles à elle. A cet égard, le cérémonial du 1er Mai apparaît comme une version profane et sécularisée de la Fête-Dieu, avec son soleil, son printemps, ses couleurs, l’organisation de son cortège, les Clercs tout en avant, les servants, et toute l’armada processionnelle qui se déploie dans l’espace public.

     

    Le manifestant professionnel est un être ayant profondément besoin de prendre l’air. Ah, sortir, posséder la rue, bouffer le bitume, laisser jouir d’extase ses cordes vocales, s’insérer comme un percussionniste dans la scansion des slogans, se sentir en phase avec le groupe. Alors, peu importe la cause : allons-y pour les Kurdes, le climat, la libération des genres, le congé-paternité, les soins dentaires remboursés, la retraite à 60 ans. Sortons, hurlons, faisons le plein de couleurs et de tintamarre, plongeons corps et âme dans la liturgie du Grand Soir, il en restera bien quelque chose.

     

    Le manifestant professionnel passe une partie de sa vie dans la rue, à rêver la Révolution. Il arbore, comme dans les saintes processions, le rouge écarlate, sanguin, sacrificiel. Il tient le pavé comme d’autres, le Missel. Il prie ses slogans, en chœur, d’une même voix. Il sanctifie la colère, annonce le combat pour des lendemains qui chantent. Il est entré en manifestation comme d’autres, en religion. Il a toujours raison. Rien ne le détourne. La vérité, pour toujours, est avec lui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Algèbre, angoisse, jouissance

     

    Sur le vif - Mardi 07.01.20 - 13.20h

     

    Sans pour autant devenir un Fouché, ni un Carl von Linné, passe ta vie, tout de même, à récolter un maximum de renseignements. Le savoir, jamais, ne pourra te nuire. L'ignorance, le vide intellectuel ou la béatitude, si.

    Il faut d'abord avoir cent millions de choses dans sa tête, qui se bousculent, se contredisent et s'entrechoquent, pour élaguer, simplifier.

    La clarté ne surgit pas du néant, mais d'un puissant travail de simplification de ses équations internes. On construit sur du matériau, pas sur le vide, ni sur le vent. Face à ce défi, chacune de nos solitudes, indépassables. Nul, pour un autre, ne peut faire le job.

    La vie est une algèbre. Complexe, angoissante, jouissive. Avec, parfois, de sublimes inconnues.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • France, souviens-toi de l'Orient compliqué !

     

    Sur le vif - Mardi 07.01.20 - 09.18h

     

    Face aux événements du Proche-Orient et du Moyen-Orient, une grande voix fait défaut : celle de la France. La voix de Charles de Gaulle, ou même encore celle de MM Chirac et Villepin, qui avaient su dire non à l'impérialisme américain, et rappeler la proximité intellectuelle, spirituelle, culturelle, affective, de la France avec les mondes arabe et persique, qui constituent la richesse de l'Orient compliqué.

    Hélas, Macron est un atlantiste. Comme l'avaient été Mitterrand, ou Sarkozy. Dans l'affaire iranienne, il multiplie (bien avant l'assassinat de Soleimani) les déclarations d'obédience à la "coalition" (terme totalement foireux) occidentale au Proche-Orient, entendez qu'il se donne en valet des Américains. Soleimani assassiné, il s'empresse d'appeler l'Iran à ne surtout pas riposter. Imaginez qu'un général cinq étoiles français soit froidement liquidé par une puissance étrangère : la France devrait rester inerte ?

    Sur l'obédience atlantiste de Macron, pour comprendre, il faut remonter à sa campagne électorale de 2017, à ceux qui l'ont financée. Il faut remonter aux adhésions libérales, financières, de Macron, à ses liens avec la haute finance internationale. Eh oui, cet homme qui se dit indépendant est en réalité celui d'un clan bien précis, d'une faction, de l'adhésion politique déterminée à un système militaro-industriel, financier aussi, qui tient les Etats-Unis sous sa coupe et fait à peu près ce qu'il veut, en laissant les locataires successifs de la Maison Blanche discourir ou pérorer.

    De la France, celle de l'expédition d'Egypte en 1798, celle de Champollion, celle des grands diplomates, celle de Jules Ferry, Mendès France, Claude Cheysson, Chevènement, celle de Jean Lacouture, et bien sûr avant tout celle de Charles de Gaulle, nous attendons une autre voix, d'autres intonations, que l'alignement derrière la simplicité manichéenne, impérialiste, et finalement destructrice des liens du cœur et des âmes, de l'Oncle Sam.

     

    Pascal Décaillet