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  • Céline Amaudruz, le curseur, les alliances à droite

     

    Sur le vif - Samedi 09.11.19 - 15.58h

     

    Le seul véritable intérêt de ce second tour, demain, mais il est de taille, sera de jauger la redistribution des cartes au sein des droites genevoises. En prenant de l'ampleur et du recul dans l'analyse, au moins depuis 1936. C'est pour cela que j'annonce, depuis plusieurs jours, le nombre de voix de Céline Amaudruz, en valeur absolue, comme un paramètre déterminant.

    Céline Amaudruz est partie seule, et elle a eu raison. Son résultat, demain, pourra ainsi refléter l'exacte représentation de la droite souverainiste et protectionniste, à Genève, fin 2019. Si son résultat est bon, et représente une percée par rapport aux années précédentes, on pourra parler d'une évolution du curseur vers la droite, à Genève.

    Mais pas n'importe quelle droite ! Il est temps, je l'ai dit plusieurs fois cette semaine, que l'UDC, en Suisse romande, choisisse son camp entre le libéralisme et l'Etat, entre libre-échange et protectionnisme, entre proximité avec tous les gens, notamment les plus modestes, et ronds-de-jambe devant les ultra-libéraux zurichois. On n'envoie pas des UDC genevois siéger à Berne pour qu'ils soient copains avec les libéraux.

    Demain, nous en saurons plus. Capital sera le rapport de forces entre PLR et UDC. Non que ce dernier dépasse le premier. Mais qu'il gagne un ou deux points, sur le curseur, et les alliances à droite, dans les années qui viennent, pourraient changer. Depuis la fin des années trente, une nouvelle donne, dans cette famille politique, pourrait voir le jour.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • KKS : bien sûr qu'il existe une alternative au libéralisme !

     

    Sur le vif - Samedi 09.11.19 - 09.20h

     

    "Il n'y a pas d'alternative au libéralisme" : pour avoir prononcé cette phrase, qui dénote une absence totale de compréhension du besoin profond, aujourd'hui, de retour à l'Etat, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, dont j'ai toujours été un fervent admirateur, perd mon estime.

    Non seulement il y a une alternative au libéralisme, mais cette alternative revient en force, avec une incroyable puissance, après trois décennies de dédain de l'Etat, de rejet de l'intérêt commun, au profit d'une idéologie délirante autour de la réussite individuelle, de la déification du Marché, du culte de l'Argent-roi, avec comme grands-prêtres les spéculateurs et les usuriers.

    Madame Keller-Sutter, vous venez du grand parti qui a fait la Suisse, le Parti radical. Il a fait la Suisse, et il a fait l'Etat. Il a été au centre de la genèse de nos assurances sociales. Il a fait nos voies ferrées et nos routes, il a jeté des ponts, creusé nos tunnels. Il fut le parti du Gotthard et des Écoles polytechniques fédérales.

    Comment pouvez-vous ramener à ce seul mot, "libéralisme", tellement dévoyé par les trente dernières années, l'aventure commune de la société suisse vers son destin ?

    La Suisse, notre pays, a besoin de solidarité interne et de cohésion sociale. Elle ne survivra, comme nation, qu'au prix d'une attention extrême portée aux équilibres. Entre riches et pauvres. Entre générations. Entre régions du pays. Toutes choses que le libéralisme déchire. Et qu'au contraire, une vision d'Etat, solidaire et inventive, régénère. Il ne s'agit pas de multiplier les fonctionnaires, surtout pas ! Il s'agit de définir ensemble les objectifs d'un espace commun.

    Allez encore parler de libéralisme aux retraités ne touchant que le minimum de la rente, aux assurés des Caisses étouffés par les primes, aux jeunes sans emploi, aux Suisses oubliés par la libre-circulation. Mais ce modèle, Madame la Conseillère fédérale, a lamentablement échoué, partout en Europe ! Comment pouvez-vous pousser le décalage jusqu'à en faire encore l'éloge ?

    En ce trentième anniversaire de la chute du Mur, allez expliquer à un chômeur saxon, ou prussien, ou de Thuringe, dont le pays a été brutalement dévasté par un capitalisme envahissant surgi de l'Ouest, qu'il n'y a "pas d'alternative au libéralisme".

    Il faut choisir son modèle de société : le libéralisme semble être le vôtre, fort bien. Il n'est assurément pas le mien.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Eté 1972 : la DDR, juste devant la porte

     

    Sur le vif - Vendredi 08.11.19 - 16.55h

     

    Eté 1972 - Long séjour en Allemagne, tout au Nord. Plus de quatre mille kilomètres, en un été, dans une Coccinelle vert bouteille, conduite par un ancien combattant du Front de l'Est, un Allemand de Pologne (Posen), ayant fait la guerre, perdu trois doigts en Russie, passé l'Elbe en catastrophe en mai 45, passé une année de captivité abominable (on commence à parler de ces choses-là) dans un camp de prisonniers allemands tenu par les Américains. Puis, dès la fin des années 40, reparti de zéro, construit seul sa maison de briques rouges, en Basse-Saxe. Seul, avec ses sept doigts.

    Eté 1972. Mon troisième séjour en Allemagne, il y en aura de nombreux autres. Nous habitions tout près du Mur de Fer. Nous allions le visiter, comme nous serions allés au zoo. Nous nous rendions sur un savant système de miradors et de blockhaus, avec une impressionnante largeur, entre les deux Allemagnes, de fils de fer barbelés, de tranchées. On appelait cela : "Die Sperrgürtel der DDR". J'en ai gardé des croquis, des photos, des dessins réalisés par moi-même.

    Eté 1972. Du sommet de nos miradors, nous contemplions la DDR. Nous étions près de l'Elbe, exactement sur la frontière historique entre la Saxe et la Prusse, la même que pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Nous croyions être sur la ligne Niedersachsen / Mecklenburg, ou encore à la frontière BRD-DDR, nous nous trouvions en réalité sur la très vieille ligne de partage entre la Saxe et la Prusse ! Mais cela, à 14 ans, bien que je connusse à fond, déjà, la Seconde Guerre mondiale, je ne le savais pas. Comment l'aurais-je su ? Je ne m'étais pas encore plongé dans les entrailles de l'Histoire allemande.

    Eté 1972. La propagande de l'Ouest multipliait les panneaux ridicules nous annonçant que nous étions aux confins du monde libre. Et que, derrière les barbelés, commençait l'Enfer. Le "monde libre", vieille crétinerie de Kennedy, Berlin 1963, et dire que ça avait marché ! Ni mon hôte, ni moi, n'y avons jamais cru. Nous contemplions la DDR, il me parlait du Front de l'Est, il était Allemand, mais Polonais ; Polonais, mais Allemand. Il a fallu, bien plus tard, que je lise Günter Grass, pour comprendre. Il a fallu que je me renseigne sur la conquête de la Silésie et de la Poméranie, au moment de la Guerre de Sept Ans, par l'immense Roi de Prusse Frédéric II. A 14 ans, je ne savais rien de tout cela, mais j'étais habité par l'intuition que les Américains nous mentaient.

    Eté 1972, ligne de démarcation, Sperrgürtel der DDR. Miradors, barbelés, journal de la DDR, sur notre TV noir-blanc, tous les soirs, puis interminables discussions sur la Guerre à l'Est. Pour le reste, Brême, Hambourg, Lübeck, Baltique, week-ends chez d'autres anciens combattants, dont l'un avait fait la Campagne de France de mai-juin 40. Musées, avions militaires, U-Boots. Je tenais mon journal, inlassablement. Je ne sais faire à peu près que cela: tenir un journal. Avec ma voix, ou avec ma plume.

    Eté 1972, des milliers d'autres souvenirs encore. Passion grandissante pour la langue allemande, dizaines de visites d'églises luthériennes en briques rouges, Bach et Buxtehude, longues heures de tir à la carabine dans le jardin. Visite des usines VW à Wolfsburg, baignades dans le Mittellandkanal, avec d'autres anciens combattants, des "Kameraden". Et toujours, juste là, présence et immanence de la DDR. Nous n'étions absolument pas sur le parvis de l'Enfer, ni à la fin du "monde libre". Nous étions juste sur la frontière entre la Prusse et la Saxe. Nous étions en plein coeur de l'Allemagne. Là où vibre l'incandescence de son Histoire. Quelque part, sur la ligne d'incertitude, entre les fantômes de son passé et les promesses de son destin.

     

    Pascal Décaillet