Sur le vif - Samedi 09.11.19 - 09.20h
"Il n'y a pas d'alternative au libéralisme" : pour avoir prononcé cette phrase, qui dénote une absence totale de compréhension du besoin profond, aujourd'hui, de retour à l'Etat, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, dont j'ai toujours été un fervent admirateur, perd mon estime.
Non seulement il y a une alternative au libéralisme, mais cette alternative revient en force, avec une incroyable puissance, après trois décennies de dédain de l'Etat, de rejet de l'intérêt commun, au profit d'une idéologie délirante autour de la réussite individuelle, de la déification du Marché, du culte de l'Argent-roi, avec comme grands-prêtres les spéculateurs et les usuriers.
Madame Keller-Sutter, vous venez du grand parti qui a fait la Suisse, le Parti radical. Il a fait la Suisse, et il a fait l'Etat. Il a été au centre de la genèse de nos assurances sociales. Il a fait nos voies ferrées et nos routes, il a jeté des ponts, creusé nos tunnels. Il fut le parti du Gotthard et des Écoles polytechniques fédérales.
Comment pouvez-vous ramener à ce seul mot, "libéralisme", tellement dévoyé par les trente dernières années, l'aventure commune de la société suisse vers son destin ?
La Suisse, notre pays, a besoin de solidarité interne et de cohésion sociale. Elle ne survivra, comme nation, qu'au prix d'une attention extrême portée aux équilibres. Entre riches et pauvres. Entre générations. Entre régions du pays. Toutes choses que le libéralisme déchire. Et qu'au contraire, une vision d'Etat, solidaire et inventive, régénère. Il ne s'agit pas de multiplier les fonctionnaires, surtout pas ! Il s'agit de définir ensemble les objectifs d'un espace commun.
Allez encore parler de libéralisme aux retraités ne touchant que le minimum de la rente, aux assurés des Caisses étouffés par les primes, aux jeunes sans emploi, aux Suisses oubliés par la libre-circulation. Mais ce modèle, Madame la Conseillère fédérale, a lamentablement échoué, partout en Europe ! Comment pouvez-vous pousser le décalage jusqu'à en faire encore l'éloge ?
En ce trentième anniversaire de la chute du Mur, allez expliquer à un chômeur saxon, ou prussien, ou de Thuringe, dont le pays a été brutalement dévasté par un capitalisme envahissant surgi de l'Ouest, qu'il n'y a "pas d'alternative au libéralisme".
Il faut choisir son modèle de société : le libéralisme semble être le vôtre, fort bien. Il n'est assurément pas le mien.
Pascal Décaillet
Commentaires
Il n'y a tout simplement pas de libéralisme.
Au niveau économique, il n'y a pas de libéralisme, il y a des oligarchies, tantôt concurrentes tantôt alliées, qui se partagent les ressources, en faisant bien en sorte que des acteurs nouveaux ne puissent entrer dans leurs "chasses-gardées", tout en obligeant économiquement et légalement les petits qui voudraient simplement faire leurs petites affaires tous seuls et entre eux à rester englués dans le système.
Au niveau sociétal, il n'y a tout simplement pas de libéralisme, quelle liberté, quelles libertés offre un système qui rejette tout ce qui est philosophiquement et culturellement en dehors de lui? C'est par exemple au nom des grandes valeurs "libérales" que la véritable liberté d'association n'existe plus aujourd'hui dans le domaine du travail. Puis-je engager qui je veux dans mon entreprise selon mes critères et mes valeurs, donc en excluant de fait bien des "minorités protégées" aujourd'hui par le libéralisme sociétal ? C'est une évidence que cela n'est plus possible, de même qu'il est évident que sous nos régimes "libéraux", il n'est plus permis de penser librement et de dire ce que l'on pense à voix haute.
PS: j'attends beaucoup du chômeur saxon ou prussien, qu'il nous montre la voix et que ses cris de colère réveillent enfin l'empereur qui dort sous la montagne...
Très très intéressante interview de Michel Onfray où il s'exprime sur Orwell, le libéralisme et le totalitarisme:
https://bit.ly/2pVMowM
Bien sûr qu’il existe des alternatives au libéralisme. Il en existe même au capitalisme
Mais des alternatives viables et crédibles? On les attend toujours, hélas.
D’autant que le libéralisme, jusqu’à plus ample informé, n’a jamais été réellement tenté en Europe. Juste quelques faire-valoir qui, sous couvert de libéralisme, représentent en réalité des formes de corporatismes. D’ailleurs il n’y a rien de plus mal nommé que les « libéraux » suisses qui sont au libéralisme ce que la musique militaire est à la musique.
Quant au retour à l’Etat... il n’y a jamais eu, en Suisse, autant d’Etat que maintenant, dès lors je peine à comprendre ce plaidoyer pour un quelconque « retour »...
Monsieur Décaillet, je suis étonné qu’il vous a fallu beaucoup de temps pour constater que Madame Karin Keller-Sutter n’est qu’une potiche dans les mains du radicalisme zuricois.
Dès le départ, et heureusement qu’un industriel paternaliste bernois, formé par son beau-père entrepreneur, riche mais social, ancien conseiller national alors le mieux élu dans le canton de Berne, à l’allure et à la démarche si emmentaloise du paysan bernois (un peu comme Christophe Blocher, bernois de Meiringen avant d’être élu à Zurich !), Monsieur Ulrich Amman, je parle de Monsieur Johann Schneider Amman, a été élu conseiller fédéral contre l’actuelle KKS, je savais que cette conseillère aux États du Canton de St-Gall (même si elle a été conseillère d’État aussi !) n’a pas la formation de base pour se prévaloir d’un poste de conseiller fédéral. Simple « traductrice » sans diplôme universitaire à une époque où tout le monde muni des capacités intellectuelles requises pouvait sans autre accéder à l’Université, il lui manque les réquisits de base pour revêtir la fonction suprême.
De fait, « on » lui prépare dans les officines zuricoises ses interventions et comme un perroquet, elle les ressert quand on le lui demande. Suivez ses exploits depuis qu’elle est conseillère fédérale et vous constaterez la vacuité de cette personne. Elle a été élue parce que femme et que le parti radical devait en présenter une ; vu son manque de formation de base qui ne lui permet pas d’appréhender les choses comme une personne académiquement formée, notamment par la philosophie, et son caractère d’ambitieuse ayant aujourd’hui atteint le seuil de Peter, elle devenait la candidate idéale pour suivre obstinément les directives de la « Bahnhofstrasse » et en rapporter fidèlement les injonctions.
Si un conseiller fédéral radical devait être éjecté du Conseil fédéral pour changer la répartition entre partis de la célèbre formule magique, elle sera toute désignée pour être la victime expiatoire, le médecin tessinois faisant du bon boulot et cela en restant proche de la ligne de l’UDC !
Je ne dis pas qu’un non-universitaire ne puisse faire un bon conseiller fédéral (regardez comme le vaudois UDC, de très bonne formation en latin et grec classique, maître agriculteur, est conspué par la bien-pensance de gauche comme de droite même s’il fait un excellent travail aussi à l’économie publique) et il y en a eu aussi dans le passé qui furent très appréciés, mais les manques dans la formation globale de la personne l’accompagnent sa vie durant et, une fois qu’elle a atteint les sommets de la Cité n’en ressortent que plus gravement.