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  • Trump est vulgaire. Et alors ?

     

    Sur le vif - Mercredi 18.07.18 - 09.43h

     

    Trump ne fait pas de la politique comme les autres.

     

    Il ne fait pas de la politique comme Obama. Il est moins élégant, moins à l'aise dans un salon. Il se comporte comme un rustre avec la Reine d'Angleterre, là où son prédécesseur avait su se montrer parfaitement bien élevé.

     

    Oui, Trump est un peu vulgaire.

     

    Et alors ?

     

    On va passer toute la législature (déjà trois semestres accomplis, sur huit) à s'en étrangler, comme on l'avait fait pendant la campagne électorale ?

     

    Moi aussi, je préfère les personnes bien élevées. Je reconnaissais à Obama, au milieu d'un bilan de politique étrangère quasiment inexistant (à part Cuba et l'Iran), une incontestable classe lorsqu'il apparaissait en public.

     

    Mais cette classe d'Obama, c'était juste de l'apparence. Du visuel, pour peaufiner la fabrication d'une icône. C'est sur son bilan qu'il faut le juger.

     

    De même, la vulgarité de Trump.

     

    Aux trois huitièmes du mandat, l'essentiel n'est certainement pas l'éducation lacunaire du Monsieur au registre des bonnes manières.

     

    Non, l'essentiel, c'est que Donald Trump est en train de bouleverser les paradigmes qui ont régi, disons depuis 1945, les rapports entre les nations.

     

    Depuis 1945, cela signifie depuis la fin de la guerre. Depuis l'ONU, qui succédait à la calamiteuse Société des Nations, celle d'Adrien Deume, qui taille ses crayons, en s'ennuyant dans son bureau, pendant qu'Ariane...

     

    Depuis 1945, cela signifie depuis l'avènement du "multilatéral", entendez la toile tissée mondialement pour faire oublier à la planète qu'il n'y avait désormais que deux patrons, les USA et l'URSS. Cela, pour une bonne quarantaine d'années.

     

    Le multilatéral, comme paravent, comme pansement de l'âme, comme baume sur les consciences pour tenter de se convaincre qu'à l'ONU, celle de New York ou celle de Genève, le représentant de la plus oubliée des nations, la plus pauvre, bénéficiait de la même voix que les deux super-puissances, ce que bien entendu personne n'a jamais cru.

     

    Ce projet, pourtant, j'aurais pu y croire. Je suis fasciné par le Discours tenu à Brazzaville, en janvier 1944, donc en pleine guerre, par Charles de Gaulle, où sont posés, avec une éloquence hors du commun, les principes du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Anticipation de la décolonisation, mais aussi de de qu'on appellera plus tard le mouvement "des non-alignés". Que ce Discours ait été tenu au cœur de l'Afrique, continent qui m'est cher, est à mes yeux essentiel. Et cela, seize ans avant la première grande vague (1960) de décolonisations.

     

    Mais le "multilatéral", hélas, ce ne fut pas du tout cela. Jamais la toile n'a réussi, une seule seconde, à mettre en minorité, encore moins à désavouer, les vrais maîtres du monde : USA + URSS, puis USA tout seuls. A la moindre mise en danger, droit de veto. Ou pire : retrait du financement. Regardez, à Genève, où se trouve l'ONU, et où se trouve la Mission permanente américaine : un jet de pierre. Cette proximité veut tout dire.

     

    La réalité des trois premiers huitièmes du (premier ?) mandat de Trump, c'est bel et bien une prise de congé de cette toile d'araignée multilatérale. Pour réhabiliter la seule réalité véritablement mesurable : celle des rapports de forces, des alliances bilatérales modulables et révocables (comme sous Louis XV, à l'époque de la Guerre de Sept Ans, 1756-1763, si complexe et si passionnante), celle des intérêts supérieurs des nations.

     

    Ce dessein, jamais Trump ne pourrait l'accomplir s'il n'était profondément voulu par un nombre de plus en plus important de peuples et de personnes. Ce petit monde du multilatéral, des "ONG", où tout se passe en anglais (la langue du Maître), et où rien de concret n'advient jamais, si ce n'est la pointe parfaitement taillée des crayons d'Adrien Deume, n'intéresse en priorité que lui-même.

     

    Ainsi, la "Genève internationale" passe beaucoup trop de temps à se contempler dans le miroir du monde, reléguant l'occasion d'aller à la rencontre des Genevois. On semble y vivre en boucle, comme dans un Palais des Glaces. Tiens, celui de Versailles, par exemple, où fut signé le calamiteux Traité de 1919, l'une des causes de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Trump prend congé du multilatéral, il a contre lui les fonctionnaires du multilatéral, donc l'Appareil, et une myriade de journalistes et d'observateurs formés (notamment à Genève) dans le culte du multilatéral. Intellectuellement, ce petit monde ne peut imaginer une planète sans ces immenses organisations, ces machines à siéger, palabrer, décréter, prendre l'avion, parler anglais, griller des millions de tonnes de kérosène. Avec, comme résultat, du vent.

     

    Il a contre lui ce petit monde. Mais il n'est pas exclu qu'il ait AVEC lui, jusqu'au coeur du Vieux Continent européen, le ralliement croissant des âmes. Parce que les peuples sont de plus en plus las de l'impuissance impersonnelle du "multilatéral". Et de plus en plus demandeurs de communautés nationales, avec des contours précis, des valeurs définies, des lieux de mémoire (lire Pierre Nora, Gallimard, Bibliothèque illustrée des Histoires, 3 volumes, 1984-1992), des immigrations contrôlées, et surtout des citoyennes et citoyens qu'on écoute.

     

    A cet égard, la "vulgarité" de Trump pourrait bien passer, devant l'Histoire, comme un infini détail, face à la révolution des rapports qu'il aura, peut-être, instaurée entre les nations.

     

    Pascal Décaillet

     

     
  • On ne signe pas avec des fantômes

     

    Sur le vif - Samedi 14.07.18 - 08.57h

     

    La Suisse, en l'état, ne doit plus rien signer du tout avec l'entité en liquéfaction nommée "Union européenne". Le Conseil fédéral doit jeter au panier ses projets délirants "d'Accord institutionnel", dont personne ne veut. On ne signe pas avec des fantômes.

     

    À Bruxelles, le château de cartes s'effondre. Depuis trente ans, on a procédé à l'envers. On a voulu construire d'en haut, juste avec la tête, avec des concepts abstraits de philosophes. On a fait passer les nations pour ringardes, dépassées. On a méprisé la voix des peuples.

     

    On a secrété des galaxies de directives. On a grillé des millions de tonnes de kérosène pour balader des dizaines de milliers de ministres, de chefs d’État et de gouvernement, de fonctionnaires, d'un "Sommet" à l'autre. Jamais l'un de ces "Sommets" n'a accouché d'autre chose que du plus chétif des souriceaux.

     

    Le château de cartes, pendant la guerre des Balkans, n'a jamais rien réussi. Il s'est juste aligné sur les positions historiques d'une Allemagne en pleine renaissance politique, diabolisant tout ce qui venait d'un camp, pour mieux sanctifier l'autre.

     

    Il faudra, un jour, construire l'Europe. C'est notre continent, nous l'aimons. Mais pas comme cela. Pas comme depuis trente ans. Pas avec cette monnaie, qui n'est qu'un nouveau nom du Deutschmark.

     

    Non. La nouvelle Europe devra se construire d'en bas. De nos racines à tous. De nos terreaux, nos terroirs. En respectant chaque peuple, chaque nation qui la composeront. Il faudra pour cela du temps, de l'écoute, du respect. Tout ce qui a si cruellement manqué à l'édifice actuel. Celui qui s'écroule.

     

    Pascal Décaillet

     

  • M. Trump a-t-il entendu parler de l'Ostpolitik ?

     

    Sur le vif - Vendredi 13.07.18 - 10.31h

     

    L'attaque de Donald Trump contre l'Allemagne, au sommet de l'OTAN, est extraordinairement révélatrice de la volonté américaine, bien avant Trump, d'étendre son influence à l'Est de l'Europe, sous le paravent apparemment multilatéral de la bannière OTAN, entendez les États-Unis et leurs dominions stratégiques, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Vaincue en 1945, l'Allemagne est divisée en deux. A l'Ouest, capitalisme américain, plan Marshall, injection massive de fonds, intégration à l'OTAN. A l'Est, l'équivalent symétrique, sous influence soviétique : enrôlement de force dans le Pacte de Varsovie, régime communiste, inféodé à Moscou.

     

    Le 9 novembre 1989, le Mur de Berlin s'effondre, le régime de la DDR suivra peu après, et l'ogre Kohl, sous prétexte de "réunification", en profitera pour engloutir la partie orientale : injection monstrueuse de capitaux, rachat d'un pays tout entier, oui rachat, pour le mettre sur orbite capitaliste. Il n'y a pas eu de "réunification" : il y a eu phagocytage, pur et simple, de l'Allemagne de l'Est par celle de l'Ouest. En cela, il y a eu rupture de l'équilibre de Yalta (1945) où la ligne de partage entre les deux grands vainqueurs du Reich passait par la ligne de démarcation entre les deux Allemagnes.

     

    A partir de ce moment-là, l'Occident a commencé à se croire tout permis, et cela tombait d'autant mieux pour lui que la Russie des années 1990, retrouvant son nom historique après l'éclatement de l'URSS (1991), a été, sous l'emprise de Eltsine, d'une incroyable faiblesse en termes de crédit international. Ce pays, qui avait vaincu le Reich, fait trembler la planète pendant des décennies, ne faisait soudain plus peur à personne.

     

    Les Américains en ont profité. Extension de "l'OTAN" (entendez l'influence stratégique des États-Unis) à l'Est, avec des pays comme la Pologne (trop contents de régler avec leurs voisins orientaux des comptes millénaires), irruption sur le théâtre d'opérations ukrainien, soutien aux occidentaux de Kiev contre la très importante minorité russophone.

     

    Dans ce domino, la nouvelle Allemagne, celle d'Angela Merkel, sous prétexte "d'OTAN" (décidément, ce sigle n'est qu'un paravent, pour camoufler des ambitions nationales), jouait tranquillement sa carte. Celle d'une Ostpolitik qui n'était hélas plus la grande jonction des âmes voulue par Willy Brandt (1969-1974), l'homme de la génuflexion de Varsovie (décembre 1970), mais celle des ambitions retrouvées sur les Marches de l'Est. Économiques. Commerciales. En attendant de redevenir stratégiques et politiques. Comme Helmut Kohl dans les Balkans, Angela Merkel entend signifier que la politique étrangère allemande, en Europe centrale et orientale, ne se décide à nul autre endroit que Berlin.

     

    Que l'Allemagne ait des intérêts économiques et commerciaux en Pologne, dans les Pays Baltes et en Ukraine, qu'elle ait signé un contrat gazier avec la Russie, il n'y a là rien d'autre que les premiers éléments de réalisation concrète, près d'un demi-siècle après le geste sublime de Willy Btrandt devant le Monument du Ghetto de Varsovie, d'une Ostpolitik voulue dès Frédéric II (1740-1786), avec les moyens qui sont d'aujourd'hui. L'étude de l'Histoire allemande indique très clairement ce tropisme vers l'Est comme un élément majeur du destin germanique.

     

    Ces enjeux internes aux équilibres de l'Europe centrale et orientale, Donald Trump en a-t-il connaissance ? Dispose-t-il, tout au moins, de conseillers capables de les lui rappeler, de même que Richard Nixon pouvait compter sur l'Allemand (de naissance) Henry Kissinger, pour lui expliquer la complexité du monde ?

     

    Ce qui est sûr, c'est que l'OTAN ne parle plus d'une même voix. Il y a la voix américaine, qui voudrait pour l'éternité demeurer le patron. Et il y a la voix de l'Allemagne. En répondant à M. Trump que les décisions sur les choix politiques à l'Est se prenaient à Berlin, et non à Washington, Angela Merkel a poliment rappelé aux États-Unis d'Amérique que leur passage sur le continent européen, entamé en 1943 (Italie) et 1944 (Normandie) n'était pas éternel. Pas plus, au fond, que le domino appelé "OTAN".

     

    Un jour, il se pourrait que les États-Unis quittent l'Europe. Ce jour-là, il faudra faire le compte des forces stratégiques bien réelles, et bien nationales, demeurant opérationnelles sur le vieux continent. Ce sera vite fait : il y aura un peu l'armée française. Et il y aura beaucoup l'armée allemande. Qui ne cesse de se reconstituer depuis 1989 (à vrai dire bien avant). Cela, dans l'indifférence générale des commentateurs.

     

    Pascal Décaillet