Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 5

  • Les fausses nouvelles ? Mais elles sont partout !

    colin-powell-onu.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.01.18

     

    D’abord, efforçons-nous de parler français. On nous permettra donc de préférer les mots « fausses nouvelles » à « fake news ». Et puis surtout, conservons toujours un œil critique sur le pouvoir, toutes les formes de puissance en ce monde, leurs outils de manipulation de l’opinion. C’est l’une des fonctions du journalisme politique que d’exercer cette vigilance, inviter au décryptage, pour mieux comprendre. Depuis quelque mois, les mots « fake news » se multiplient dans le monde comme des petits pains. Alors parlons-en oui, mais avec la distance de ceux qui refusent d’être dupes.

     

    L’homme qui a fait déborder le vase, c’est Emmanuel Macron. En annonçant sa volonté de légiférer sur les fausses nouvelles, le jeune Président français laisse entendre qu’il appartiendrait au pouvoir politique, donc à lui et ses affidés, de statuer sur ce qui est vrai ou faux, juste ou exagéré, digne d’être publié, ou jeté à la poubelle. Tout cela, en invoquant la foison de mensonges sur les réseaux sociaux, qui en effet constitue un problème. « ll y a des choses fausses, donc nous allons faire une loi », nous assène-t-il en substance. D’aucuns applaudissent, parmi les plus candides, comme si on n’avait jamais vu un texte législatif, dans l’Histoire, avoir raison de la bonne ou de la mauvaise foi, de la vérité sur l’invention, de l’intérêt public sur la manipulation.

     

    Que nous devions, tous ensemble, pas seulement les journalistes mais toute la société civile, lutter contre les fausses nouvelles, est une certitude. Mais pas comme cela. Pas par une loi, décidée par la majorité de pouvoir d’un moment. Seule l’auto-régulation de chaque espace d’expression (journal, chaîne radio ou TV, blog, site internet) doit exercer la responsabilité éditoriale de ce qui est publié. Si, dans ces espaces, il est contrevenu à la loi, chacun est libre de saisir le juge. Si une contre-vérité est proférée, chacun doit être libre de le souligner. Mais de grâce, pas avec la loi, pas avec des juges ! Ou alors, en ultime ressort, en cas d’attaques à la personnalité. Mais pas sur la base d’un simple désaccord politique. Nous avons besoin d’une société du respect et de la confiance mutuelle (qui n’exclut nullement l’affrontement, même vif), et non d’une République des juges.

     

    Enfin, il convient de rappeler que les fausses nouvelles, dans l’Histoire humaine, n’ont rien de… nouveau ! Toujours et partout, là où il y a un Prince et ses vassaux, là où s’affrontent des intérêts, là où il y a de quoi s’enrichir, elles ont existé. Dans les communiqués du pouvoir, dans les conférences de presse, dans l’amabilité feinte des puissants, dans la presse écrite, dans les bons vieux quotidiens papier, à la radio, à la TV, sur les sites, et en effet (parmi tout cela), sur les réseaux sociaux. Une vraie vigilance citoyenne s’appliquera en effet à ces derniers. Mais pas plus, au fond, qu’aux médias traditionnels, aux circulaires ou directives d’un ministre, ou à tout acte de parole émanant de celui – ou celle – qui détient une parcelle de pouvoir. Excellente Année à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Radio : la Révolution ou la Mort

     

    Sur le vif - Lundi 08.01.18 - 06.24h

     

    Avec mes collègues du Palais fédéral, j'ai lancé en février 1991 la revue de presse alémanique, tous les matins en direct 07.20h et 08.20h, à la RSR. Auparavant, elle était diffusée à 18.20h, et n'était pas en direct : une revue de presse, le soir !

     

    C'était un autre monde, internet n'existait pas, notre lieu de travail était le studio RSR du Palais fédéral, au troisième étage, directement sous la Coupole. Nous adorions ce minuscule espace, vétuste, où régnait une odeur de "cheval mort". J'y ai pris le micro des milliers de fois, construit ma passion du direct, laissé certains de mes plus beaux souvenirs radiophoniques. Nous vivions en consanguinité avec les élus fédéraux, c'est vrai. Les uns sur les autres.

     

    J'habitais près du Palais. Le matin, lever un peu avant 5 heures. Je devais passer prendre physiquement un gros paquet ficelé de journaux alémaniques, au sous-sol de la gare de Berne, puis trimbaler le colis au Palais fédéral, à travers les rues désertes et magnifiques de la Vieille Ville de Berne. Souvent, j'entrais au Palais en même temps que Jean-Pascal Delamuraz, Adolf Ogi ou Flavio Cotti, le plus matinal de tous. Nous nous adressions toujours un cordial salut.

     

    Et puis, dans le studio encore désert, seul avec la machine à café, pour décortiquer le Bund, la NZZ, le Tages Anzeiger, le Blick, la Basler Zeitung, etc. A 07.20h et 08.20h, le direct antenne, en duplex avec Lausanne.

     

    De Berne, le revuiste de presse assumait lui-même la régie, avant l'arrivée de Renato, notre technicien, d'une humanité et d'une gentillesse que je n'oublierai jamais. Mes collègues s'appelaient Romaine Jean, cheffe d'équipe à mon arrivée, Alain Hertig et André Beaud, trois remarquables journalistes. C'était une très belle époque, fructueuse, imaginative. Nous avons bossé comme des cinglés, beaucoup ri, tellement appris.

     

    J'aimais passionnément l'exercice de la revue de presse alémanique. Il s'agissait de parler aux Romands de journaux dont ils n'avaient qu'une idée très lointaine. Jeter des ponts, entre des visions différentes du pays. Oui, cela, ainsi que tout notre boulot au Palais, c'était du service public. Oui, là, on pouvait parler de petit coup de main à la cohésion nationale.

     

    27 ans après, à quoi rime encore une pure "revue de presse" des seuls journaux ? Pourquoi pas les blogs ? Pourquoi pas une plus grande ouverture aux réseaux sociaux ? Ces derniers recèlent des trésors : il suffit d'aller les chercher. Ne privilégier que les bons vieux quotidiens papier, ou ce qu'il en reste, les mettre encore exagérément en exergue par rapport aux nouveaux vecteurs d'idées, donne l'impression d'un corporatisme de l'archaïque. Pour faire tenir, encore un peu (comme dans la chanson de Piaf), un château de cartes dont on feindrait d'ignorer l'effondrement.

     

    L'exercice radiophonique majeur de la revue de presse doit être repensé de fond en comble. Moins corporatiste, plus ouvert, plus audacieux, plus de transgression.

     

    La radio, dans ses modes d'action, doit être révolutionnaire, ou n'être pas. Elle doit être debout, fière, tonique, réveillée. Elle ne doit jamais donner l'impression de se reposer sur ses lauriers. Là, dans cet enthousiasme et cette passion, gisent les enjeux fondamentaux de ce média magique et troublant, vif comme l'éclair, bouleversant comme l'éclat d'une première rencontre. Allez, disons celle de Julien Sorel, tôt dans le roman, avec la femme de son destin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La Vérité du dimanche a parlé

     

    Sur le vif - Dimanche 07.01.18 - 11.50h

     

    L'éditorialiste de la Bible hebdomadaire nommée Matin dimanche nous gratifie d'une vive condamnation des "fake news", qui infestent les réseaux sociaux.

     

    Il est vrai que dans son journal, vérité unique et révélée du Septième Jour, tout est, tout a toujours été, parfaitement exact.

     

    Jamais manipulés par un conseiller d'Etat genevois expert en communication. Jamais versé dans l'hystérie au sujet de thèmes de société à la mode, tiens le harcèlement, par exemple. Jamais de foi aveugle dans des "témoignages anonymes". Jamais collaboré à l'entreprise de démolition d'un magistrat valaisan, UDC, ou PDC bien conservateur.

     

    Des fausses nouvelles sur les réseaux ? Assurément. Comment dire le contraire ? Mais surtout, des fausses nouvelles partout. Et toujours. Dans la communication politique. Dans tout acte de pouvoir. Dans les conférences de presse, qui ne sont que mise en scène de la vérité imposée par les puissants. Dans l'usage de "témoignages anonymes" pour détruire la carrière et la réputation d'un homme. Dans la foi aveugle accordée, au printemps 2003, par une majorité de la presse romande, à la théorie des "armes de destruction massive", pour justifier l'invasion de l'Irak. Dans la reprise fidèle de l'actuelle doxa américaine, sur l'Iran. Dans la manière dont ont été couverts les évènements des Balkans, dans les années 1990.

     

    Faut-il ici rappeler les gentils reportages de gentils envoyés spéciaux auprès des gentils combattants de l'UÇK, la si gentille Armée de libération du Kosovo, en 1999 ?

     

    Que les réseaux soient encore bien peu crédibles à cause de la possibilité de ces abus, c'est une certitude. C'est leur maladie infantile, comme le bavardage privé, dénué de tout intérêt, était celui des premiers postes à galène, ancêtres de la radio, juste au lendemain de la Grande Guerre. Oui, les réseaux doivent s'auto-réguler (mais pas avec des lois imposées par le pouvoir politique !), s'ils veulent devenir - ce que je crois possible - le mode de communication fédérateur et informateur de demain.

     

    Mais les médias d'aujourd'hui ? Nos bons vieux journaux ? Tiens, la presse dominicale, par exemple ? En quoi leur nature de papier les préserverait-elle d'une immense fragilité face au risque de fausse nouvelle ? Ou, tout au moins, de nouvelle sous influence, de manipulation par les puissants, de collaboration à des vagues d'hystérie de l'opinion publique, à des chasses aux sorcières ?

     

    Dans cet édito du Matin dimanche, perle une volonté désespérée de sauver la peau du papier, celle des bonnes vieilles rédactions hiérarchisées, avec leurs armées d'archanges et leurs légions de séraphins, en discréditant par nature les modes de communication et d'information qui montent. Et qui leur font de l'ombre.

     

    Pascal Décaillet