Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.05.17
Anne Emery Torracinta, Sandrine Salerno, Thierry Apothéloz seront les candidats socialistes au Conseil d’Etat, au printemps 2018. Carole-Anne Kast, Romain de Sainte Marie et Carlo Sommaruga n’ont pas été retenus sur le ticket. Ainsi en a décidé, samedi 13 mai au Petit-Lancy, le congrès du parti socialiste genevois. Nous avions déjà souligné, ici, la qualité des six candidats à l’investiture : tous les partis, à Genève, n’ont pas nécessairement le luxe d’un tel choix. Aujourd’hui, il nous faut constater l’élection d’un trio cohérent, équilibré, composé de trois personnalités exécutives, qui savent ce que gouverner dans un collège veut dire, ce qui eût été aussi, en passant, le cas de Mme Kast. Ce choix, en lui-même, est un signal : en ces temps difficiles pour la gauche, face à une droite de plus en plus forte, la stratégie consistant à aligner des profils exécutifs ayant fait leurs preuves n’est certainement pas la pire.
Le 13 mai, dans l’Histoire, est une date aux saveurs multiples. A Lancy, en cette première quinzaine d’un mois béni, on respire plus volontiers le parfum du muguet que celui de la rose. Allusion, bien sûr, à la célèbre Kermesse, si chère au cœur des Lancéens, qui chaque printemps réinvente la vie. Mais le 13 mai, un peu plus loin vers le Sud, c’est aussi le coup d’Alger, en 1958, qui permet (en forçant un peu) le retour aux affaires, après douze ans, trois mois et dix-sept jours, de Charles de Gaulle. De mauvaises langues (dont nous nous garderons de faire partie) murmurent qu’à Lancy, ce samedi, il y avait décidément beaucoup de Verniolans. Ou, tout au moins, beaucoup de convertis du dernier jour à la grâce socialiste. C’est possible. Mais cette raison, jamais, ne suffira à expliquer seule le véritable exploit commis ce jour-là par Thierry Apothéloz, conseiller administratif de Vernier depuis 2003, maintes fois Maire de la quatrième ville (eh oui !) de Suisse romande, infatigable militant, homme de terrain, de contacts, de concret. Bref, l’anti-caviar.
Son exploit ? C’est d’avoir été désigné candidat dès le premier tour, avec une majorité absolue de 257 voix ! Dans un parti où règnent les clans et où pleuvent les dagues, c’est un résultat remarquable. Là aussi, il faut décrypter le signal : la base socialiste perçoit qu’elle a besoin, pour la bataille de 2018, d’un bulldozer. Un candidat qui connaît le terrain comme sa poche. Avec, dans les tréfonds de l’âme, la rage militante. Car il s’agira, dans ces élections cantonales, face à une Entente en parfait ordre de bataille, de chercher la brèche. C’est la stratégie de Murat, et sa cavalerie, à la bataille d’Eylau, le 8 février 1807. Ça passe, ou ça casse : le Verniolan sera l’homme de ce pari.
Car enfin, au printemps 2018, les Genevois n’éliront pas trente-six socialistes. En vouloir deux au Conseil d’Etat est déjà bien gourmand, face aux lignes de défense de l’Entente. Et ma foi, s’il devait n’y en avoir qu’un, cela sera-t-il à tout prix la conseillère d’Etat sortante ? La principale intéressée, bien sûr, refuse d’entrevoir toute autre hypothèse. Mais l’électorat, le jour venu ? Dans un an, à Genève et ailleurs, refleuriront les roses. Et à Lancy, le miracle du muguet. Ainsi la vie, toujours recommencée.
Pascal Décaillet