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  • La gauche, la morale, l'imitation des Clercs

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    Sur le vif - Dimanche 25.10.15 - 18.09h

     

    Une partie de la gauche, en Suisse, ne fait plus de politique, elle ne fait plus que de la morale. Sur les migrants, elle nous fait la morale. Sur notre manière de voter, elle nous fait la morale. Sur la notion de frontière, elle nous fait la morale, nous conspuant de ne pas partager sa vision planétaire, ou mondialiste. Sur l’usage que nous faisons de notre liberté d’expression, elle nous fait la morale : si nous abondons dans son sens, c’est bien, si nous plaidons contre ses idées, c’est mal.

     

     

    Cette gauche ne livre plus combat, la bonne vieille bataille sociale, ô combien nécessaire, pour que les plus faibles, les plus fragilisés, nos chômeurs, nos personnes âgées, nos malades puissent vivre mieux. Non, elle nous fait la morale. Dépourvue de son ancestralité guerrière, celle de la Grève générale de 1918 ou des grands mouvements de masse, elle n’a plus pour discours que de brandir le Bien. Elle n’est plus combattante, mais cléricale.

     

     

    Prenez l’affaire des migrants. Des dizaines de milliers de personnes, venues de Syrie ou d’ailleurs, viennent frapper à nos portes, oh pas seulement celles de la Suisse, celles des pays d’Europe qui nous entourent, l’Allemagne principalement. C’est un phénomène de masse, assurément capital, il s’agit de lui donner une réponse politique. Personne, ou presque, ne prétend qu’il faille rester sourds, et fermer les frontières. Très peu, en revanche, plaident pour l’ouverture totale des vannes, sans discernement, au nom du poids total d’une misère du monde, que nous Suisses (on se demande bien en vertu de quelle singularité, quelle élection) devrions porter en absolue priorité. La réponse sera donc quelque part entre deux. Accueillir oui, le Refuge oui, c’est chez nous une tradition, mais recevoir tout le monde, non.

     

     

    Si vous dites cela, qui est de l’ordre du curseur et de la négociation, toutes choses inhérentes à notre manière de faire de la politique en Suisse, la gauche moralisante viendra tout de suite vous faire la leçon. Elle vous traitera d’égoïste, vous brandira les pires heures de la Seconde Guerre Mondiale, le « J » sur les passeports, la circulaire Rothmund, la fermeture des frontières. Elle fera de vous un collabo en puissance, elle vous fera miroiter le risque de devenir un salaud. Cette gauche-là (qui n’est certes pas toute la gauche de Suisse), au lieu d’entrer, par la dialectique, dans le combat pour placer le curseur du nombre d’admissions au mieux de ce qu’elle souhaite, règle le problème dès le départ, en diabolisant ceux qui ne partagent pas son rêve d’ouverture totale. Vous êtes le Mal, elle est le Bien.

     

     

    Elle a tort. Parce qu’en Suisse, les gens en ont marre. Ils en ont plus qu’assez. Alors que tout, dans notre Histoire démographique, montre notre très grande ouverture à l’Autre, malgré les théories du début du siècle sur l’Überfremdung, malgré les années Schwarzenbach, et aujourd’hui encore, il faudrait que les gens qui sont déjà ici, ceux de l’intérieur, Suisses ou étrangers peu importe, bref les résidents, se sentent immédiatement coupables de vouloir réguler les phénomènes migratoires (dont l’asile ne représente d’ailleurs qu’une faible proportion). La gauche moralisante a tort : plus on fera aux gens la leçon morale, plus ils se braqueront. Et ils auront la raison : la politique, ça n’est pas la morale. Ca n’est certes pas, non plus, l’absence de morale, ou l’immoralité. Les deux domaines doivent faire l’objet d’une constante dialectique, se nourrir mutuellement d’arguments. Mais non se confondre.

     

     

    Pour décidément ne pas comprendre cela, la gauche moralisante ne cesse de perdre des voix. C’est dommage : la Suisse a impérativement besoin de mouvements de pensée qui se mobilisent pour défendre la dignité du travail, celle de ceux qui en cherchent, parfois désespérément, mais aussi celle des laissés pour compte. C’est cela, la grande vocation de la gauche. Et non de nous brandir quotidiennement le Bien. Comme si, le Clergé ayant perdu toute son influence dans nos villes et nos campagnes, il eût à tout prix fallu que de grandes âmes profanes en prissent le relais. C’est un tort, une erreur : la politique n’a besoin ni de prêtres ni de pasteurs, ni de confesseurs ni de pourfendeurs, ni de promesses de salut ou de damnation. Elles a juste besoin de combattants compétents, concrets, constructifs. Ce sont eux, depuis les pères fondateurs radicaux de 1848, qui font avancer notre destin fédéral commun.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • C'est ça, le scrutin majoritaire ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.10.15

     

    Enfant, puis adolescent, j’étais un fervent partisan du système majoritaire. Notamment l’uninominal à deux tours des législatives françaises, depuis la Cinquième République. C’était sous de Gaulle. Dans ce mode électoral, j’admirais la clarté du choix, puis la cohérence des décisions prises à l’Assemblée.

     

    Eh bien cette admiration, c’est du passé. Quand je vois ce qui se passe chez nous, tiens par exemple à Genève pour le second tour de l’élection au Conseil des Etats, tout ce jeu de dupes, tout cet incroyable maquignonnage, toutes ces chutes de masques, me donnent la nausée. A moi, comme à l’immense majorité de l’électorat.

     

    Au premier tour, Mme Maury Pasquier et M. Cramer sont en tête. L’élection est à deux tours, et les autres (Entente, Nouvelle Force) ont bien sûr le droit de recomposer leurs forces, c’est le jeu. Mais il y a la manière ! Ces présidents de partis qui disent blanc un jour, noir le lendemain, oui avec la tête, non avec le cœur, devant un public qui n’est évidemment pas dupe, quelle image de la démocratie ?

     

    Alors voilà, j’ignore qui sera élu aux Etats. Mais je préfère désormais la bonne et brave simplicité du scrutin proportionnel : ceux qui arrivent en tête sont élus. Ça nous évitera la vanité des paroles, le piment sucré des contradictions, la dissolution du politique dans l’illisible, le règne du trompe –l’œil et des salamalecs.

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • EWS : l'heure de l'addition

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    Édito publié ce matin, en italien, en première page du Giornale del Popolo - Jeudi 22.10.15


     
    29,5% ! Un résultat incroyable. Beaucoup plus fort qu’en 2007, car à l’époque, l’UDC comprenait encore les voix du futur PBD. La Suisse qui vire à droite : toute la barre à tribord, comme on dirait en termes de marine ! Cela, pour des raisons profondes, bien au-delà de la seule « peur des mouvements migratoires » mise en avant par de timides – ou perfides – analystes.
     


    C’est un véritable changement de paradigme pour notre pays, une mutation politique, mais aussi sociologique, culturelle même ! Sans doute, cette fois, enfin, l’adieu à Mai 68, à une toute une génération née de cette idéologie. Nous entrons maintenant dans autre chose. Une autre époque, qui rejette autant les rêves libertaires que le libéralisme financier sans entraves. Nous assistons au retour de valeurs traditionnelles. Le retour, aussi, puissant, de l’idée de frontière. Celle qui, à l’intérieur, protège le faible, le fragile, le chômeur, contre la concurrence trop facilement importée de l’étranger par certains employeurs hélas bien peu patriotes, ne voyant que leur profit immédiat.


     
    Face à l’étendue de cette mutation, face à l’importance du message délivré par l’électorat le dimanche 18 octobre 2015, je vous dirai franchement que le sort de Mme Widmer-Schlumpf m’est parfaitement égal. Elle peut rester au Conseil fédéral, partir, retourner respirer l’air (tellement plus sain !) des Grisons, cela n’a aucune importance. Et la focalisation des esprits, dans toute la presse suisse, sur le destin de cette dame révèle davantage les préoccupations de sérail de toute une génération de journalistes anti-Blocher, tellement heureux de son départ en décembre 2007, qu’ils ont passé huit ans, dans leurs circuits fermés, en adoration devant une ministre qui ne présente pas, en réalité, tant d’intérêt. Elle a peut-être fait de bonnes choses, et puis peut-être pas : cela n’a aucune importance !


     
    Pourquoi ? Parce que tout l’épisode Widmer-Schlumpf est né d’une trahison. A Berne, à l’approche du 12 décembre 2007, le socialiste Christian Levrat, le Vert Ueli Leuenberger, le PDC Christophe Darbellay ont aiguisé leurs poignards. On est allé chercher, à Coire, une ministre cantonale des Finances qui faisait sans doute du bon boulot, on l’a mise au parfum, elle est partie dans la combine, et au final le putsch anti-Blocher a pu se produire. Eh bien huit ans plus tard, Madame la Grisonne, voici venue l’heure de l’addition. Si, par hasard, elle devait s’avérer salée, je n’en serais, pour ma part, pas exagérément malheureux. Ai-je été assez clair ?


     
    Mais il y a maintenant, fin 2015, un tout autre son de cloche que celui de l’automne 2007 : il ne s’agit plus de Christoph Blocher. Elle s’est éloignée, l’ombre du Commandeur ! Au point qu’une nouvelle génération UDC, cella de sa fille Magdalena, par exemple, celle du brillant patron de la Weltwoche, Roger Koeppel, occupe maintenant la scène. Dès lors, l’ambiance entre l’UDC et les autres partis gouvernementaux paraît moins dramatique qu’il y a huit ans. L’UDC a gagné les élections, elle a réalisé son meilleur résultat historique, elle est en force, en puissance. C’est cela qui compte, et non le petit bal des prétendants au Conseil fédéral.


     
    Mieux que moi, mes confrères tétanisés pas le sérail de la Coupole fédérale vous diront tout de même qu’il y a un calendrier : 31 octobre, Assemblée générale du PBD, où Mme Widmer-Schlumpf pourrait nous éclairer sur ses intentions. 13 novembre : délai pour les candidatures des sections cantonales UDC pour un éventuel deuxième siège. 20 novembre : décision des groupes des Chambres fédérales. Enfin, mercredi 9 décembre, Jour J : réélection complète, comme tous les quatre ans, du Conseil fédéral.


     
    Mais rien de cela n’a de réelle importance. Intéressons-nous aux thèmes ! Le virage à droite du 18 octobre influencera directement l’avenir de nos assurances sociales, celui de nos retraites, nos rapports avec l’Union européenne, notre gestion des flux migratoires, nos décisions sur l’avenir de l’agriculture, de la défense nationale, toutes choses infiniment plus importantes que de savoir « quelle va être la décision de Mme Widmer-Schlumpf ». Ce que l’Histoire politique suisse retiendra de l’automne 2015, c’est le 18 octobre. Avons-nous simplement pris la mesure de ce qui s’est produit ce jour-là ?


     
    Pascal Décaillet