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  • Christian Grobet, combattant d'exception

     

    Sur le vif - Jeudi 03.10.13 - 10.17h

     

    C'est toujours avec respect, admiration et émotion que je reçois Christian Grobet sur mes différents plateaux. J'ai commencé ma vie journalistique avec lui, et il est toujours là, dans une forme physique remarquable pour un homme de 72 ans. Et je crois que toujours il demeurera, tant l'habite le démon politique, entendez ce mot, "démon", au sens de la Grèce ancienne, source de vie et d'invention.


    La première fois que j'ai interviewé Christian Grobet, c'était en 1978, pour le Journal de Genève, qui m'avait envoyé couvrir un débat politique aux Pâquis. J'avais tout de suite été saisi par l'intensité de présence de ce député socialiste, qui deviendrait trois ans plus tard conseiller d'Etat. Sa manière d'occuper le discours, précise et concrète, tendue vers l'objectif, à mille lieues de la langue de bois, m'avait déjà frappé.



    Il fut, je l'affirme ici avec certitude, un grand conseiller d'Etat. Habité par le souci du bien public. Inflexible, incorruptible, immensément travailleur. On peut contester ses options, c'est un autre débat, mais il avait la hauteur du magistrat. Il a été un homme d'Etat.


    Retraité de l'exécutif depuis vingt ans, il aurait pu couler une douce vie, dans l'une ou l'autre fondation. Il a préféré repartir au combat. Au National, à la députation, à la Constituante. Là où il y a une lutte à mener, le vieux combattant s'annonce présent. Eh bien moi je dis que cette opiniâtreté force l'admiration. Il n'est pas un homme de cocktails. Il n'est pas un homme de réseaux. Il est aimé ou détesté, mais il vit, et il se bat. Alors, voyez-vous, moi qui ai composé à la main ma liste des Cent et ma liste des Sept, et qui n'ai rien dévoilé de nominatif, je vais faire ce matin une exception, une seule: sur la bleue comme sur la jaune, j'ai voté Christian Grobet.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Parler de soi, pas des concurrents

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.10.13

     

    Face au mouvement qu’ils se contentent depuis des années, avec mépris, de qualifier de populiste, les représentants des partis du pouvoir sortant, qui tiennent les rênes de la République depuis près de huit décennies, ne cessent de commettre une erreur majeure, la pire de toute : ils passent leur temps, non à parler d’eux-mêmes, mais à nous dire pis que pendre de leur adversaire, ce parti-là, justement.

     

    Dans une campagne, c’est un péché mortel. Parce que parler de l’adversaire, y compris pour le noircir, le diaboliser, c’est lui donner de l’importance, dévoiler sa propre peur face à lui. Aucun politicien intelligent ne fait cela. C’est une erreur de débutant, telle l’incantation d’un enfant face au loup, dans la forêt : « Le loup n’y est pas ! ». C’est le degré zéro de la stratégie politique.

     

    A ces touchants apprentis, qui passent leur temps à nous dire à quel point le parti « populiste » est mauvais, on a juste envie de dire : « Et toi, qui es si génial, qui es-tu, d’où viens-tu, quel est ton parcours, quels sont tes combats, tes passions, quelle est ta solitude ? ». Et sur les thèmes que soulève ce fameux parti damné, la souffrance des sans-emploi, des précaires, tu proposes quoi, très concrètement ? Et à part nous désigner ce parti comme le mal absolu, toi, tu veux quoi, tu fais quoi dans la vie, quels succès tu as obtenus jusqu’à maintenant ? ».

     

    Candidats, parlez-nous de vous. Noircir le concurrent ne sert à rien. Si ce n’est souligner vos propres faiblesses.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Des problèmes de mélancolie

     

    Chronique publiée dans Tribune (Le Journal du PLR vaudois) - No 8 - Mercredi 24.09.13

     

    Depuis plus d’un quart de siècle, je couvre l’actualité politique. Avec une passion que n’altèrent ni les années, ni les cheveux qui blanchissent. Citoyen concerné, je prends position. Alors, de plus en plus, les gens me disent : « Et si, au lieu de seulement observer et commenter, tu te lançais ? ». La réponse, jusqu’ici, a toujours été non. Pour une bonne raison : l’exercice de la politique, celui d’une campagne comme celui du pouvoir, exige des vertus que je n’ai pas. Tout au plus pourrais-je être un bon parlementaire. Mais bon, je préfère mille fois, malgré tous ses risques et tout son inconfort, mon métier de journaliste indépendant, responsable d’une entreprise pour laquelle je me bats sept jours sur sept.

     

    Prenons la campagne. Je les vois, à Genève, ils y sont jusqu’au cou. Sincèrement, je les admire, ces 476 candidats au Grand Conseil et 29 au Conseil d’Etat. Ils ont enfin compris que tout se jouait sur le terrain, avec les vraies gens, les poignées de mains, le tintement des verres quand on trinque. Alors, ils y vont. Et certains d’entre eux y passent le plus clair de leur temps libre. Et ils ont raison, c’est comme ça qu’on est élu. Mais la niaque, le tempérament, le feu de générosité et de don de soi, il faut les avoir ! Pour ma part, je ne les ai pas. J’aime les gens, pourtant, mais crois être trop fier pour aller leur quémander quelque chose. Même si une voix, un suffrage, étant totalement parties du mécanisme démocratique, n’ont rien d’une aumône. Mais ces gens-là, oui vous les politiciens qui me lisez dans ces colonnes, qui osent surmonter leur amour-propre et s’immerger dans la candidature, je les admire.

     

    Au fond, il y faut comme un oubli de soi. Et je respecte cette posture, qui est d’action pure, en vertu d’une stratégie, d’un but à atteindre, de moyens à mettre en œuvre. D’ailleurs, si cela ne relevait pas de l’art de la guerre, pourquoi parlerait-on de « campagne », de « terrain », « d’adversaire », de « victoire », de « défaite » ou de « triomphe » ? Bien sûr que le combat politique s’est calqué sur ce modèle-là, impliquant courage et ténacité, ruse et rouerie, alliances et pourtant solitude. Toutes choses qui me parlent. Mais parallèlement, il y a tout ce dont je suis incapable : j’éprouve une haine viscérale des cocktails, déteste me trouver au milieu de gens que je ne connais pas, courbettes par ci, échanges de cartes de visite par-là, ce que l’immonde plouquerie moderne appelle « réseautage ». En vérité je vous le dis, si je tenais le snobinard qui a inventé ce mot, je serais capable du pire : l’inviter à l’une de mes émissions. Et là, croyez-moi, il ferait beaucoup moins le malin, le gaillard.

     

    Et puis, candidat ou élu, il y a toute cette vie sociale, indispensable si vous voulez survivre. D’interminables soirées à aller écouter pérorer des muets, toujours ces milliers de mains à serrer, à vous broyer le cartilage, toujours sourire, même à des gens qui ne vous inspirent rien, et comment vas-tu Roger, et te voilà Julie, et on se revoit, et on déjeune ensemble, et tralali, et tralalère, et moi je vous dis que ce cirque-là, c’est physique, je ne peux tout simplement pas. Misanthropie ? Possible. Et pourtant, je crois que j’aime les gens. Mais pas comme ça. Plutôt comme Léo Ferré, dans sa sublime chanson Richard : « Les gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles, à certaines heures pâles de la nuit, près d'une machine à sous, avec des problèmes d'hommes, simplement, des problèmes de mélancolie ».

     

    Pascal Décaillet