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  • La vie commence à Kitzbühel

     

    Sur le vif - Samedi 21.01.12 - 16.54h

     

    D'abord, le vertige de la pente. Droit en bas. Même amputée, aujourd'hui, pour cause de neige qui tombe, de sa folie initiale, celle qui faisait peur jusqu'à Collombin (« Bon, on rentre à l'hôtel, ou quoi ? »), la Streif, c'est un morceau de folie. Pas celle des monts. Celle des hommes. Il n'est pas plus naturel de s'y élancer que de sauter en parachute. Pour jaillir quand même de ce portillon-là, faut quelque part une sacrée fêlure. Une zébrure.

     

    Parce que le départ, c'est juste le prénom. Autant le Lauberhorn exige perfection technique, intelligence des virages, autant la Streif appelle la folie. Celle des plus grands. Killy, Schranz, Collombin, Klammer, Zurbriggen, Heinzer, Maier. Et un certain Didier Cuche. Wengen, c'est pour les cerveaux. Kitzbühel, pour les fadas. La zébrure. L'écorchure. La tare originelle. La Streif, c'est une tentative de rachat du péché. La mort est là, toute proche, qui t'attend et qui t'aime. Oui, la vie commence à Kitzbühel. Parce qu'elle pourrait très bien s'y terminer.

     

    Avec mon père, qui m'a appris à skier, on était rivés à l'écran, les samedis midi. A écouter Christian Bonardelli, fantastique commentateur. Et puis, des courses, on est allés en voir, en vrai, des craquées. La Streif, à la télé, c'était la messe. Schranz, le pape. Collombin, le contorsionniste. Le déséquilibré permanent, toujours limite chute, mais qui finissait par gagner (1973, 1974). La folie créatrice de ce désordre, nous l'avons retrouvée chez Cuche. Quand ? Mais aujourd'hui, pardi ! Oui, ce samedi 21 janvier 2012, sur le coup de 13 heures. Réellement, à certains moments de la course, j'ai eu peur. C'est comme quand Bode Miller s'est mis à danser : lever la jambe à 120 km/h, plaque de verglas sous la couche de neige fraîche, le coup classique, et le type qui ramène le ski droit, et la course qui continue. Il y a un dieu pour les voltigeurs, un dieu pour les fous.

     

    Oui, peur. Il la voulait, cette cinquième et dernière victoire. Gagner Kitzbühel à 37 ans ! Schranz, déjà, en remportant le doublé à plus de 33 ans, en 1972, nous apparaissait comme un extra-terrestre. Mais Cuche ! Ce courage. Cette carrière. Cette caboche. Cette tronche de combattant solitaire. Cet enfant chéri de la victoire, pour être tellement allé la chercher. Il est l'un de nos plus grands skieurs. Et si sa dernière saison, l'air de rien, était la plus belle ? La vie commence à Kitzbühel. Parce qu'elle pourrait, à chaque centième de seconde, s'y terminer.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Robert Cramer insulte le Maire de Genève

     

    Sur le vif - Vendredi 20.01.12 - 18.50h

     

    Comment Robert Cramer, conseiller aux Etats en exercice, a-t-il pu se laisser aller à tant d'arrogance et de mépris envers le Maire de Genève ? Citation, tout à l'heure, sur la RSR : « Pierre Maudet, un jeune magistrat, réélu de justesse pour s'occuper des poubelles ». Lapidaire. Et franchement dégueulasse.

     

    La pomme de discorde ? Maudet, à très juste titre, s'était permis de laisser entendre que les deux conseillers aux Etats genevois (Mme Maury Pasquier, socialiste, et M. Cramer, Vert) n'avaient pas fait leur boulot de lobbying, à Berne, pour défendre la traversée du lac. Un projet vital pour accorder enfin une ceinture périphérique à Genève. Et qui fait partie, d'ailleurs, du fameux plan directeur cantonal, dont on parle tant. Mais un projet, ça n'est un secret pour personne, torpillé, pour raisons idéologiques, par certains élus de gauche. Le résultat : le Conseil fédéral, avant-hier, n'a pas retenu la traversée du lac dans le réseau des routes nationales. La Confédération, donc, ne paiera pas.

     

    Mais revenons à l'insulte. Les mots ne sont jamais gratuits. « Jeune magistrat » : en quoi l'âge joue-t-il un rôle, si ce n'est dans l'inconscient d'un notable ayant blanchi sous le harnais, à l'ombre des cépages ? « Réélu de justesse » : une fois qu'un magistrat est élu, il est élu ; on ne revient  pas sur le détail, ni sur sa place. « Pour s'occuper des poubelles » : oui, M. Cramer, les vraies préoccupations des gens, pendant que les bobos trinquent dans les cocktails du terroir. Et pendant que les notables, ceux qui ont trop blanchi sous trop de harnais, « fatigués de porter leurs misères hautaines » (Heredia), en viennent à oublier leur fonction. Merci, M. Maudet, de vos efforts pour la qualité de vie à Genève. Au-revoir, M. Cramer.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Sept personnages en quête de hauteur

     

    Sur le vif - Vendredi 20.01.12 - 16.21h

     

    Il n'existe pas, à Genève, de gouvernement. Il existe, aujourd'hui, sept personnes, dont une ou deux de qualité, jetées là pour tenter de faire quelque chose ensemble. Ces sept personnes ne nourrissent guère d'estime les unes pour les autres, ne montrent aucune espèce de solidarité - si ce n'est de façade - lorsque l'une d'entre elles se trouve en difficulté, proviennent d'horizons politiques, idéologiques, culturels profondément différents. Elles se tutoient, certes. Tout le monde se tutoie. Et ce tutoiement ne veut strictement rien dire : il n'est l'indice d'aucune affection, d'aucune vraie proximité, surtout d'aucune fraternité. A Genève, on se tutoie. Et on trinque dans les cocktails. Ça fait partie du jeu. De l'Etiquette. On se tutoie, et on se tue. On tutoie ceux qu'on tue. On les flingue, mais à la deuxième personne. Singulier, non ?

     

    Jetées là, par hasard. A l'automne 2009, il n'y a pas eu d'élection, on a juste procédé à un casting. Verrouillé par les listes électorales. On a reconduit les sortants, bien sagement. On a écarté l'emmerdeur. On s'est dit qu'on allait continuer de gouverner entre soi, entre gens de bonne compagnie. Ceux qui n'élèvent jamais la voix, ne trempent jamais leurs guêtres dans la boue, assistent, petit four en main, aux assemblées transfrontalières. Les gentils. La montée du mécontentement, les souffrances des gens, on n'a pas trop voulu les écouter. L'emmerdeur, notamment pendant l'année présidentielle du ministre des Affaires sociales, on l'a traité comme un gueux. Dans l'affaire libyenne, on l'a pris de très haut : on était sur la dune, il était dans la sable brûlant, on fermait les yeux. Le soleil était trop fort. Ce qui n'a pas empêché, tout récemment, qu'on lui pique allègrement l'une de ses idées, de type Julien Clerc, « Ma préférence », en se bouchant le nez s'il s'approchait  pour en revendiquer la paternité.

     

    Le vrai problème de Genève, ce ne sont pas les errances nocturnes de M. Muller. Ni les erreurs d'aiguillage de Mme Künzler. Non, le vrai problème, c'est la politique de ces gens-là, l'arrogance de ce ministre-là, et de son double. Les bricolages autour du centre, avec l'active collaboration des Verts, pour obtenir des majorités de fortune. Le mépris pour les Marges. Et le plus fou, c'est qu'on leur reproche, aux Marges, de faire de l'opposition ! Vous n'êtes pas d'accord avec une idée de l'équipe en place (l'Entente, avec l'active collaboration des Verts), on vous traite de destructeur d'institutions. Comme si la démocratie, ça n'était pas justement la mise en opposition des idées, la tension dialectique, et pourquoi pas une bonne engueulade de temps en temps. Mais non : leur démocratie à eux, c'est  être d'accord avec le pouvoir en place aujourd'hui. Il paraît même - j'ai appris ça hier soir - qu'il existe une opposition « constructive » et une opposition « destructrice ». Et qui, je vous prie, définit ce qui est « constructif » ? Ben, la clique au pouvoir, of course ! Elle est pas simple, la vie ?

     

    Sept personnes, jetées là. Sept singletons, en aucun cas un ensemble. Chacun, de son côté, fait ce qu'il peut. Et voilà qu'aujourd'hui, face à trois crises n'ayant certes aucun rapport entre elles (police, TPG, errances nocturnes), on nous promet un rafistolage. « Ça va mal, Monsieur, nous le savons, nous en prenons la mesure, mais croyez-moi, tout va changer : nous allons faire des dé-lé-ga-tions". On n'ose pas dire tutelle, on n'ose pas se désavouer en allant jusqu'à la rocade, alors, au sein de l'ensemble à sept éléments, on s'apprête à créer tout un fatras et un fracas de sous-ensembles, avec des intersections, A inter B, A union B, A différence B. Intellectuellement, j'adore, tout comme j'ai adoré les maths modernes. Politiquement, foutaise.

     

    Sept personnes, dont une ou deux de qualité. Jetées là. Sans rapport entre elles. Sans la communauté d'une épine dorsale idéologique, ou philosophique. Sept intendants. Sur quelle terre ? Pour quelle politique ? Quelle ambition commune ? Avec quel chef ? Juste le hasard d'un casting d'automne. Putain, encore deux ans !

     

    Pascal Décaillet