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  • Le navire coule, mais le steward est élégant

     

    Sur le vif - Dimanche 29.01.12 - 10.35h

     

    Avant-hier, vendredi, opération propagande et séduction d'Isabel Rochat, à la caserne des Vernets. Comme par hasard, au plus fort de la tourmente pour son collègue Mark Muller, lâché de toutes parts, à commencer par les siens. Le gouvernement genevois, dans son ensemble, est en crise, il l'est en tant que collège, son président et son vice-président le reconnaissent. C'est cette crise-là qui est politiquement intéressante. Et sur laquelle on nous promet des réformes, on nous déclare que rien n'est tabou. Et d'ailleurs on a commencé : en plaçant Mme Rochat sous tutelle, ci-devant nommée « délégation ».

     

    Fort bien. Mais était-ce bien le moment de cette opération de charme-là, aux Vernets, sectorielle, ne visant égoïstement qu'à redorer le blason d'une ministre, d'un Département, là où l'ensemble est en cause ? Imagine-t-on le steward d'un navire en perdition convoquer quelque presse héliportée, sur le pont balancé de l'esquif, pour arborer ses beaux atours et insister sur le fait que lui, dans son rayon, fait très bien son boulot ?

     

    Mais le plus fou, c'est que l'opération de propagande a marché. Et se trouve relayée, enluminée, ornée de mille feux, dans le Matin dimanche d'aujourd'hui. Solidarité féminine ? Ligne féministe ? Deux pages qui tentent la réhabilitation. Dont un nombre impressionnant de signes - tout le début du papier - sur l'élégance vestimentaire de la dame. Sous toutes les coutures, on l'encense. On l'embaume. Ne manque que le viatique, pour le grand voyage.

     

    Plus singulier encore : un autre article, signé de la même journaliste, quelques pages en amont du même journal, nous parle déjà de Mark Muller au passé, l'homme fini. Ce faisant, on épouse exactement la ligne de l'Entente genevoise, entendez la coalition qui, avec l'active collaboration des Verts, dirige le canton et s'en partage les prébendes. Donc, on relaye le pouvoir en place. Car ce choix, évidemment implicite, a déjà été tranché, on sait qu'on devra se débarrasser de l'un, donc tout faire pour sauver l'autre. Pace que perdre l'un et l'autre, ce serait disparaître. Alors, va pour le coup de pub des Vernets, va pour Points de vue et Images de la Mode dans la presse orangée : on accepte hypocritement l'exécution de Mark Muller, et on ferme les yeux sur les carences politiques, autrement plus graves qu'un fait divers, de Mme Rochat. Et on la maintient sous perfusion. On appelle ça « délégation ». Et on se dit que la galère, cahin-caha, pourra bien encore voguer un peu. Sur la mer bleue.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Ueli, Dada, l'Apesanteur

     

    Sur le vif - Samedi 28.01.12 - 18.47h

     

    L'UDC, de loin le premier parti de Suisse, n'a, comme on sait, qu'un conseiller fédéral. Et cet homme, Ueli Maurer, vient d'offrir à la RSR une interview d'anthologie. Il y donne le sentiment soit d'être profondément dépressif, soit d'avoir installé entre le monde sensible et lui une sorte de voile. Un caisson d'isolation sensorielle. En l'écoutant, dans les propos surréalistes qu'il vient de prononcer (« Cela m'est égal d'être conseiller fédéral ou non »), j'ai pensé à la page extraordinaire que nous livre Rousseau, dans les Confessions, suite à sa rupture avec Madame de Warens. Quelque chose de cassé. Plus rien ne serait comme avant. Oui, je sais, c'est la première fois que les concepts « Jean-Jacques » et « Ueli Maurer » se télescopent dans les neurones d'un mortel, sans aucun doute la dernière, acceptons cette singulière confluence.

     

    Je me mets à la place d'un étranger, sur une autoroute, de passage en Suisse, écoutant ce dadaïste moment de radio, en ouverture de Forum. Voilà que parle le ministre de la Défense. Sous d'autres cieux, en d'autres temps, ce furent Carnot, Trotsky. Des caïds. Des types qui vous remontent le moral. Là, un être au-delà de la crise de nerfs. Lui, naguère si terrien, le voilà dans les limbes. Plus rien ne l'atteint, plus rien n'est grave. Lui, ministre, parle de son poste comme d'un néant ouaté, il peut l'occuper ou non, rien n'importe. C'est le Bécaud « d'Et maintenant », c'est le guetteur oublieux de sa propre mélancolie, c'est le soldat « désœuvré, incertain » du poème d'Aragon. Pierrot lunaire, comme jamais Moritz Leuenberger n'aurait osé l'être, Ueli l'aérien, Ueli en apesanteur, Ueli le chérubin. Ni Dieu, ni Diable, ni même la noirceur de l'Archange déchu. Juste la trace lactée d'un Innocent, en orbite.

     

    L'UDC, premier parti de Suisse, doit-il rester au Conseil fédéral ? Oui, ont apparemment décidé aujourd'hui les délégués de ce parti. Mais la réalité est qu'il ne s'y trouve déjà plus. Son unique représentant a choisi la voie des airs. Déraciné. Oui, dès cette nuit, je vais relire Barrès.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • L'île aux pingouins

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    Sur le vif - Samedi 28.01.12 - 11.29h



    Davos est une chose: la liberté d'association existe en Suisse, c'est très heureux, et les gens peuvent se donner rendez-vous là où ils veulent. Mais l'hallucinante obédience de la presse, notamment des médias audiovisuels dits "de service public", devant cette île aux pingouins de cocktails, en est une autre.

    Adolescent, j'ai rêvé les Grisons à travers une œuvre d'exception de Thomas Mann. Ca vous avait quand même une autre gueule que les conciliabules des financiers, au reste chaque année reconvertis à la dernière mode du temps. Le monde passe. La littérature résiste.


    Pascal Décaillet