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Ueli, Dada, l'Apesanteur

 

Sur le vif - Samedi 28.01.12 - 18.47h

 

L'UDC, de loin le premier parti de Suisse, n'a, comme on sait, qu'un conseiller fédéral. Et cet homme, Ueli Maurer, vient d'offrir à la RSR une interview d'anthologie. Il y donne le sentiment soit d'être profondément dépressif, soit d'avoir installé entre le monde sensible et lui une sorte de voile. Un caisson d'isolation sensorielle. En l'écoutant, dans les propos surréalistes qu'il vient de prononcer (« Cela m'est égal d'être conseiller fédéral ou non »), j'ai pensé à la page extraordinaire que nous livre Rousseau, dans les Confessions, suite à sa rupture avec Madame de Warens. Quelque chose de cassé. Plus rien ne serait comme avant. Oui, je sais, c'est la première fois que les concepts « Jean-Jacques » et « Ueli Maurer » se télescopent dans les neurones d'un mortel, sans aucun doute la dernière, acceptons cette singulière confluence.

 

Je me mets à la place d'un étranger, sur une autoroute, de passage en Suisse, écoutant ce dadaïste moment de radio, en ouverture de Forum. Voilà que parle le ministre de la Défense. Sous d'autres cieux, en d'autres temps, ce furent Carnot, Trotsky. Des caïds. Des types qui vous remontent le moral. Là, un être au-delà de la crise de nerfs. Lui, naguère si terrien, le voilà dans les limbes. Plus rien ne l'atteint, plus rien n'est grave. Lui, ministre, parle de son poste comme d'un néant ouaté, il peut l'occuper ou non, rien n'importe. C'est le Bécaud « d'Et maintenant », c'est le guetteur oublieux de sa propre mélancolie, c'est le soldat « désœuvré, incertain » du poème d'Aragon. Pierrot lunaire, comme jamais Moritz Leuenberger n'aurait osé l'être, Ueli l'aérien, Ueli en apesanteur, Ueli le chérubin. Ni Dieu, ni Diable, ni même la noirceur de l'Archange déchu. Juste la trace lactée d'un Innocent, en orbite.

 

L'UDC, premier parti de Suisse, doit-il rester au Conseil fédéral ? Oui, ont apparemment décidé aujourd'hui les délégués de ce parti. Mais la réalité est qu'il ne s'y trouve déjà plus. Son unique représentant a choisi la voie des airs. Déraciné. Oui, dès cette nuit, je vais relire Barrès.

 

Pascal Décaillet

 

 

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