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Sept personnages en quête de hauteur

 

Sur le vif - Vendredi 20.01.12 - 16.21h

 

Il n'existe pas, à Genève, de gouvernement. Il existe, aujourd'hui, sept personnes, dont une ou deux de qualité, jetées là pour tenter de faire quelque chose ensemble. Ces sept personnes ne nourrissent guère d'estime les unes pour les autres, ne montrent aucune espèce de solidarité - si ce n'est de façade - lorsque l'une d'entre elles se trouve en difficulté, proviennent d'horizons politiques, idéologiques, culturels profondément différents. Elles se tutoient, certes. Tout le monde se tutoie. Et ce tutoiement ne veut strictement rien dire : il n'est l'indice d'aucune affection, d'aucune vraie proximité, surtout d'aucune fraternité. A Genève, on se tutoie. Et on trinque dans les cocktails. Ça fait partie du jeu. De l'Etiquette. On se tutoie, et on se tue. On tutoie ceux qu'on tue. On les flingue, mais à la deuxième personne. Singulier, non ?

 

Jetées là, par hasard. A l'automne 2009, il n'y a pas eu d'élection, on a juste procédé à un casting. Verrouillé par les listes électorales. On a reconduit les sortants, bien sagement. On a écarté l'emmerdeur. On s'est dit qu'on allait continuer de gouverner entre soi, entre gens de bonne compagnie. Ceux qui n'élèvent jamais la voix, ne trempent jamais leurs guêtres dans la boue, assistent, petit four en main, aux assemblées transfrontalières. Les gentils. La montée du mécontentement, les souffrances des gens, on n'a pas trop voulu les écouter. L'emmerdeur, notamment pendant l'année présidentielle du ministre des Affaires sociales, on l'a traité comme un gueux. Dans l'affaire libyenne, on l'a pris de très haut : on était sur la dune, il était dans la sable brûlant, on fermait les yeux. Le soleil était trop fort. Ce qui n'a pas empêché, tout récemment, qu'on lui pique allègrement l'une de ses idées, de type Julien Clerc, « Ma préférence », en se bouchant le nez s'il s'approchait  pour en revendiquer la paternité.

 

Le vrai problème de Genève, ce ne sont pas les errances nocturnes de M. Muller. Ni les erreurs d'aiguillage de Mme Künzler. Non, le vrai problème, c'est la politique de ces gens-là, l'arrogance de ce ministre-là, et de son double. Les bricolages autour du centre, avec l'active collaboration des Verts, pour obtenir des majorités de fortune. Le mépris pour les Marges. Et le plus fou, c'est qu'on leur reproche, aux Marges, de faire de l'opposition ! Vous n'êtes pas d'accord avec une idée de l'équipe en place (l'Entente, avec l'active collaboration des Verts), on vous traite de destructeur d'institutions. Comme si la démocratie, ça n'était pas justement la mise en opposition des idées, la tension dialectique, et pourquoi pas une bonne engueulade de temps en temps. Mais non : leur démocratie à eux, c'est  être d'accord avec le pouvoir en place aujourd'hui. Il paraît même - j'ai appris ça hier soir - qu'il existe une opposition « constructive » et une opposition « destructrice ». Et qui, je vous prie, définit ce qui est « constructif » ? Ben, la clique au pouvoir, of course ! Elle est pas simple, la vie ?

 

Sept personnes, jetées là. Sept singletons, en aucun cas un ensemble. Chacun, de son côté, fait ce qu'il peut. Et voilà qu'aujourd'hui, face à trois crises n'ayant certes aucun rapport entre elles (police, TPG, errances nocturnes), on nous promet un rafistolage. « Ça va mal, Monsieur, nous le savons, nous en prenons la mesure, mais croyez-moi, tout va changer : nous allons faire des dé-lé-ga-tions". On n'ose pas dire tutelle, on n'ose pas se désavouer en allant jusqu'à la rocade, alors, au sein de l'ensemble à sept éléments, on s'apprête à créer tout un fatras et un fracas de sous-ensembles, avec des intersections, A inter B, A union B, A différence B. Intellectuellement, j'adore, tout comme j'ai adoré les maths modernes. Politiquement, foutaise.

 

Sept personnes, dont une ou deux de qualité. Jetées là. Sans rapport entre elles. Sans la communauté d'une épine dorsale idéologique, ou philosophique. Sept intendants. Sur quelle terre ? Pour quelle politique ? Quelle ambition commune ? Avec quel chef ? Juste le hasard d'un casting d'automne. Putain, encore deux ans !

 

Pascal Décaillet

 

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