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  • Messieurs les Onglets, tirez les premiers !

     

    Sur le vif - Jeudi 05.01.12 - 11.32h

     

    Mon éminent confrère Jean François Mabut se fend d'un billet, en forme de mode d'emploi, pour expliquer le nouveau moyen d'accéder aux blogs, depuis le site de la TG. Auparavant, il suffisait de cliquer sur l'onglet « blogs », ce qui me semble, belle marquise, d'amour me font, vos beaux yeux, mourir, le moyen en effet le plus direct d'accéder au désir de l'internaute. Aujourd'hui, cet onglet direct a été tué, au profit d'un onglet « services », contenant, au même titre « qu'immobilier, emploi, concours et décès », l'onglet « blogs ».

     

    Jamais les blogs hébergés par la Tribune de Genève ne se sont aussi bien portés. Des plumes insoupçonnées, des tempéraments d'écriture, en surgissent. Des gens dont on n'aurait jamais entendu parler sans ce formidable moyen d'expression. Non seulement le commentaire en émerge, dans toute sa palette, mais souvent, plus basiquement, l'information : oui, on apprend des choses en fréquentant ce monde. Par exemple, avec le chasseur d'images Haykel Ezzedine.

     

    Par sa diversité, sa réactivité, sa rapidité, son intervactivité, cet univers (j'évite le mot plateforme, qui fait prospection pétrolière) est devenu un exceptionnel vecteur de la liberté d'opinion à Genève. Il relègue, bien sûr, les courriers de lecteurs des journaux papier, où il faut des jours avant d'être publié, au paléolithique. Il défriche, précède, invente : c'est ce qui, dès le début de mon expérience, il y a quatre ans, m'avait attiré. Journaliste, j'aime innover, créer de nouvelles émissions, m'adapter aux nouveaux vecteurs que nous offre le génie de la science. Cette passion, je l'ai en commun avec Jean-François Mabut, infatigable tête chercheuse en l'espèce. Ainsi, ayant boudé Facebook les premières années, j'y ai trouvé tout récemment un terrain de dialectique, voire de duels, qui me semblent, dans leur concision et leur nécessité de densité, au service de la langue et du propos. Cette nuit encore, avec mon confrère Benoît Couchepin, fin fleuret, j'ai croisé le fer avec plaisir et, malgré l'antagonisme absolu de nos positions, un solide respect mutuel.

     

    Mais las ! L'onglet « blogs » a disparu, et les textes rédactionnels de ces centaines de personnes qui convergent sous cette appellation se trouvent désormais relégués avec l'immobilier et les décès. Aurait-on, en très haut lieu de la Tribune de Genève, délicatement, discrètement, signé l'arrêt de mort des blogs ? À quand le faire-part ? En page toute voisine : celle des décès.

     

    À la vérité, il y a conflit de générations et conflit d'intérêts. Celui de générations : tout plongé que je suis dans l'univers d'internet, je suis frappé par le nombre de gens (par exemple un ancien maire devenu conseiller national) ne faisant référence qu'à mes écrits sur papier. Ils considèrent encore, à tort, l'univers éditorial d'internet comme un joujou, un gadget. Conflit d'intérêts : et si les huiles de la Tribune de Genève, dépassées par le succès des blogs, leur liberté de ton incomparable avec le carcan de la Tribune papier (où, Dieu merci, émergent quelques esprits libres, comme Olivier Francey), entraient dans une période de repli protectionniste (oui, je sais, j'y suis favorable en politique, bonjour Philippe). Pédale douce sur les blogs, pour sauver le navire du papier. Amusante hypothèse, non ?

     

    Hypothèse, et singulière coïncidence : tout ce que la Tribune de Genève compte d'anciens rédacteurs en chef recyclés dans d'éminentes fonctions régulatrices ou moralisantes, débattait, juste avant Noël, au demeurant entre eux (c'est plus simple) de l'opportunité de mieux cadrer le monde des blogs. Incomparables dans la posture du Grand Prêtre, ils laissaient entendre que l'heure était grave, que des mesures allaient être prises. D'avance, on en tremble.

     

    Savent-ils, ces doctes gens, que la libre parole, l'alacrité d'une plume, la sonorité d'une syllabe, ne dépendront jamais des vecteurs ? La fonction critique - pas seulement celle du journaliste, celle de tous - viendra toujours se nicher là où on ne l'attend pas. C'est précisément sa fonction. Sa fragilité. Sa vertu. Et parfois, on l'espère, son utilité. Excellente Année 2012 à tous !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Christoph et les oies blanches

     

    Sur le vif - Jeudi 05.01.12 - 00.54h

     

    Dans notre pays, la Suisse, le président de la Banque nationale est soupçonné de délit d'initié. C'est énorme. Et, vu sa fonction, c'est gravissime, si les reproches se voient confirmés. Or, depuis que l'affaire a éclaté, dans nos médias, que voit-on, qu'entend-on ? Qu'il y aurait en Suisse un immonde personnage. Et que ce dernier ne serait pas M. Hildebrand, mais un conseiller national nommé Christoph Blocher. Parce que révélant l'affaire, il aurait trahi un « secret de fonction ».

     

    Cette inversion des responsabilités - la mise en avant de l'une (dont je ne prétends pas qu'elle soit inexistante) pour mieux camoufler l'autre, ou l'alléger, ou l'esquiver, est incroyablement révélatrice de la pensée unique de l'immense majorité de la presse suisse face à tout ce qui concerne Christoph Blocher. Il faut qu'il soit le diable, il le faut rhétoriquement, sémantiquement, presque littérairement. Même lorsque le diable, hélas pour sa légende noire, ça n'est pas lui.

     

    Car enfin, cette surexcitation des éditorialistes sur la « violation » dont serait coupable l'ignoble Blocher en rappelle une autre : l'antienne, mille fois ramenée, lorsqu'il était aux affaires (2003-2007) de ne point respecter la loi, « l'Etat de droit ». Argument qui servit de prétexte, le 12 décembre 2007, pour avoir sa peau. Et qui a tant réjoui son rival, Pascal Couchepin.

     

    Et personne, ou si peu, ne se pose la question suivante : entre la « violation » du secret de fonction, et un président de Banque nationale qui aurait profité de ses informations pour spéculer sur des monnaies, où se situe l'échelle de gravité ? Réponse : de façon écrasante, elle se situe à la charge de M. Hildebrand.

     

    Mais nos oies blanches, soudain puristes de la forme juridique, préfèrent inverser. Et ainsi, selon les journaux, on nous parle « d'affaire Bocher-Hildebrand », voire « d'affaire Blocher ». Pour conclure, une question : ces cris effarouchés, nos belles âmes les auraient-elles poussés si la révélation de l'affaire n'émanait pas de leur pire ennemi, leur absolue bête noire, mais d'un conseiller national lambda, venant d'un gentil parti ? Allez, disons comme ça, à tout hasard, un élu propre sur soi, bien rasé, convenable, bien silencieux et bien discret, du PDC ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Un haut fonctionnaire qui sort de son rôle

     

    Sur le vif - Mercredi 04.01.12 - 11.22h

     

    Hallucinantes, les réactions de susceptibilité genevoises aux propos de Christian Levrat, le patron du parti socialiste suisse, sur la nécessité de renforcer les mesures d'accompagnement pour limiter les effets dévastateurs des bilatérales sur l'emploi des Suisses. Notamment, dixit Levrat, en région frontalière. On pense à Bâle, l'Arc jurassien. Mais tout le monde a très bien entendu que Levrat faisait allusion, avant tout, au Tessin et à Genève.

     

    Deux cantons où ces questions sont thématisées, depuis des années, par des partis de la Marge (Lega, MCG). Et où il y a donc un électorat immense à reconquérir. Levrat l'a compris. Le parti socialiste genevois, dont a pu croire un moment, ces dernières semaines, qu'il s'était ressaisi, n'y a, lui, rien compris. À lire MM Longet et Sommaruga, dans la Tribune de Genève, on retrouve l'archaïque discours socialo-conservateur : surtout ne rien changer.

     

    Mais la réaction la plus ébouriffante vient d'un haut fonctionnaire genevois. Toujours le même. Le grand spécialiste dans l'art de sortir de son rôle, et tenir le type de discours qui ne peut appartenir qu'au politique. Le discours du magistrat élu, qu'on imagine en villégiature. Cet homme, au demeurant brillant, c'est le secrétaire général adjoint du DSE (Département de la Solidarité et de l'Emploi). Interrogé par Olivier Francey, il sort allégrement de sa réserve, dans la TG de ce matin, en qualifiant « d'aberration économique » l'une des idées avancées par Christian Levrat. Il ne se contente pas, comme le voudrait son rôle, de nous énumérer en quoi Genève fait bien son boulot, mais il s'immisce, une nouvelle fois, dans des jugements de politique générale, du ressort du politique.

     

    Le ministre en villégiature a bien de la chance d'avoir un tel bras droit. Plus besoin d'inventer le discours politique, il surgit tout seul. Le même fonctionnaire avait, il y a juste un an, qualifié d'acte de flibuste la grève de l'aéroport. L'impression, année après année, se conforte donc, d'un Département dirigé non par un élu, mais bel et bien par un tandem.

     

    Pascal Décaillet