Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 04.05.11
Ami lecteur, l’heure est grave. Il est temps d’aller quérir le fusil d’assaut qui dort sous ton lit, de le graisser, d’entamer un mouvement de charge, et de monter la garde. Un pronunciamiento, composé du rédacteur en chef de ce journal (oui, le Nouvelliste, que tu tiens en mains), d’un Serbe fou, d’un Saviésan semi-Habsbourg et d’un peintre non-dégénéré se prépare à prendre le pouvoir en Valais. C’est en tout cas ce que j’ai lu, sous la plume d’Albertine Bourget et Xavier Filliez, dans le Temps du mercredi 20 avril. Ce quatuor diabolique se réunit tous les lundis dans un carnotzet secret, sauf les nuits de pleine lune, sous les photos des généraux Challe, Salan, Jouhaud et Zeller. Ils portent cagoule. Ne laissent nulle trace écrite de leurs rencontres. Ne communiquent que par pigeons voyageurs, chacun de ces infortunés volatiles étant immédiatement égorgé à l’issue de son vol messager. Et dévoré par les comploteurs.
Après une très longue enquête, je suis en mesure, par devoir civique et irrépressible vocation de transparence, de vous livrer ces quatre noms : il s’agit de Jean-François Fournier (pressenti comme ministre de l’Information du futur Comité de Salut public, il sera également secrétaire d’Etat au Cinéma), Slobodan Despot (il prendra le portefeuille des Affaires balkaniques), Jérôme Rudin (futur ministre de la Culture, chargé de noyauter la Fondation Gianadda, d’où émettra une radio des insurgés), ainsi que d’Oskar Freysinger, qui prendra en charge l’ensemble des autres portefeuilles gouvernementaux, avec une attention toute particulière à l’Instruction publique. Je vous demande, pour l’heure, de ne rien ébruiter de tout cela. Je l’ai lu dans le Temps. Et le Temps, c’est la Bible.
Oh, n’essayez pas d’interroger ces quatre personnages. Evidemment, ils nieront. D’ailleurs, le Temps (dont j’aimerais ici rappeler la dignité de journal de référence) n’a pas perdu le sien (de temps !) à donner la parole aux conjurés : si, en plus, les journalistes devaient prendre contact avec les gens dont ils parlent, on n’en finirait jamais. Las, l’affaire est grave, « le cénacle s’est-il fixé l’ambition concertée de servir l’ultra-droite ? Pour, qui sait, propulser in fine le chef de file de l’UDC locale au Conseil d’Etat ? », se demande, avec une rare pertinence, le fils naturel du Journal de Genève et du Nouveau Quotidien, qui fait, en l’espèce, œuvre d’hygiène publique, reléguant les Catilinaires au rang d’aimable chansonnette, au moment des caresses et des préliminaires.
J’aimerais ici, officiellement, rendre hommage à mes confrères du Temps. Par leur civisme, leur courage, ils nous révèlent l’un des complots les plus odieux que ce canton ait connus depuis les heures les plus noires de Catacombes. Face à ce quatuor de la nuit, il fallait que la Lumière fût. C’est désormais chose faite. Et maintenant, allez tous. La messe est dite.
Pascal Décaillet