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  • Un petit pari à propos de Benoît XVI

     

     

    Sur le vif - Dimanche 10.01.10 - 18.40h

     

    Dans mon denier billet, hier, j’ai évoqué avec inquiétude la montée de la xénophobie en Italie. Aujourd’hui à Rome, lors de la prière dominicale de l’Angélus, Benoît XVI a eu des mots très forts : « L’immigré est un être humain à respecter », suite à l’inacceptable chasse à l’homme, en Calabre, contre des travailleurs africains. « Un immigré est un être humain, différent par sa provenance, sa culture, ses traditions, mais c’est une personne à respecter ».

    Ces mots, dans les circonstances que vit l’Italie, devaient être dits. En rappelant l’égalité des humains et en excluant la violence comme moyen de résoudre les difficultés, le Pape est dans son rôle. Il ne parle pas là de lointaines contrées, mais de l’Italie elle-même, mère de civilisation.

    Sur cette intervention, un petit pari : je gage qu’elle n’occupera demain, dans les journaux, qu’une place modeste. Lorsqu’il s’agit d’accabler le chef de l’Eglise catholique, les gros titres. Lorsqu’il dit quelque chose d’universel (relevant d'ailleurs, bien au-delà de la foi des uns ou de l’athéisme des autres, du plus élémentaire humanisme ou simplement des droits de l’homme), alors, va, sans doute, pour le petit encadré en bas de page. Voire, rien du tout.

    Mais je puis me tromper. Et si je l’avais écrit, le présent billet, pour le seul bonheur de me tromper ? Excellente soirée à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Italie : le quota qui fait peur

     

    Sur le vif - Samedi 09.01.10 - 17.40h

     

    De tous les pays du monde, l’Italie est celui que je préfère. L’air y est doux, la cuisine divine, les vins incomparables, les huiles variées et savoureuses, la langue souple et sonore, l’Histoire omniprésente. Ne parlons pas des paysages, des rivages abrupts du Trentin, sur le lac de Garde, aux collines de Toscane ou d’Ombrie, en passant par la grande plaine d’Emilie, où coule le grand fleuve. Ne parlons pas de Manzoni, Verdi, Toscanini, Fellini, Visconti, Pasolini. L’Italie, où je me rends depuis un demi-siècle, est pour moi une parcelle du paradis : c’est bien sûr la vision de quelqu’un qui n’y habite pas toute l’année, n’a pas à en supporter tous les défauts, dont une bureaucratie étouffante, j’en suis conscient.

    L’Histoire italienne, justement, très complexe, je l’ai beaucoup étudiée. Extraordinairement difficile de trouver, comme dans l’Histoire de France, un fil conducteur : le long chemin du pouvoir central (quarante rois, puis la République) pour s’affirmer face aux ferments de dispersion. Non, dans l’Histoire italienne, il y a le poids des régions, celui des dialectes, l’impossibilité, jusqu’à une période très récente, de constituer une nation. Pire : l’impression que rien n’est définitif, la construction de Garibaldi, Cavour, Victor-Emmanuel, et au fond aussi le Mussolini des premières années, puis celle de la Democrazia Cristiana de l’après-guerre, qui pourrait à tout moment se lézarder, Ligue du Nord par ci, disparité des richesses entre une Lombardie d’une incroyable vitalité économique et un Mezzogiorno encore très agricole. Non, la question italienne n’est pas réglée, comme aucune question nationale d’ailleurs. Mais enfin, j’aime ce pays, je suis attentif à son destin. Il m’emplit souvent de joie, et parfois, surtout ces temps, me fait un peu peur.

    Peur, oui : limiter à 30% le quota d’enfants étrangers dans les classes des écoles me fait peur. Je ne nie pas une seconde que la démographie italienne se heurte à un important problème d’immigration. Je ne disconviens pas non plus qu’il soit plus facile de juger de Genève, où j’habite, que de la Calabre (où une véritable chasse à l’immigré vient de se produire) ou des Pouilles, sur les plages desquelles affluent régulièrement des embarcations clandestines. Tout cela, oui. Mais ce quota, dans une grande démocratie occidentale, qui n’est pas une République bananière, mais l’une des souches et des racines les plus puissantes de notre culture européenne, je ne puis en admettre le principe.

    Car l’école, c’est le creuset. Bon an, mal an, avec sans doute plein de défauts et plein de choses à redire, il se trouve que la République et Canton de Genève, depuis un Monsieur qui s’appelait André Chavanne, assume des classes avec des proportions souvent bien au-delà de 30% d’étrangers, et je ne crois que cela ait perdu notre Ecole. Un peu freiné, un peu ralenti, sans doute, mais enfin au prix incomparable de l’intégration. Avant d’entrer en journalisme, il y a un quart de siècle, j’ai enseigné l’allemand dans un Cycle d’Orientation à forte proportion d’étrangers : je n’ai jamais senti cela comme un inconvénient, bien au contraire. D’ailleurs il se trouve que nombre de ces élèves-là, souvent, étaient les meilleurs.

    Admettons que ce quota italien provienne d’une bonne intention, répartir les migrants pour éviter les éruptions de xénophobie, une sorte de seuil de tolérance. Ce serait là, au mieux, une vision sociologique. Mais pas une vision républicaine. La République, c’est l’école pour tous. Et chaque élève, égal à un autre. Non pas égal en dons, en talents. Mais égal en considération. Là, il n’y a plus de races, plus d’étrangers, plus de religions : il n’y a que des élèves, face aux exigences d’un programme. Dans cette vision-là, au fond française (mais aussi suisse romande), l’idée de quotas ne passe pas.

    La jeune ministre italienne de l’Education, Mariastella Gelmini (36 ans), dit que l’Ecole de son pays doit maintenir ses propres traditions avec fierté et diffuser la culture du pays. Là, elle a parfaitement raison : toute communauté humaine a des valeurs à transmettre, et n’a nullement à en avoir honte. Mais précisément, l’intégration, c’est recevoir des étrangers, en leur indiquant qui sont les hôtes, ce qui les fédère, quelles sont leurs règles. En quoi ce travail, capital, se ferait-il moins bien avec 35% qu’avec 29% de migrants ?

    Au-delà de cette affaire de quotas, le rapport des Italiens à l’immigration devient un thème majeur de la politique en Europe. A suivre, de très près, car nous ne sommes pas là dans les marches improbables d’un empire. Mais dans notre grand voisin du sud, ami, aimé, qui nous a tant donné. Et qui constitue pour nous, en tout cas pour celui qui signe ces lignes, une matrice incontournable, incomparable. Comme un réseau de racines, enchevêtrées, quelque part dans la chaleur de notre passé. Une mère, au fond.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Protégeons la personnalité de BF

     

    Secrétaire général adjoint du Département de FL, BF (le nom doit rester secret, car nous devons protéger sa personnalité) est un homme d’une grande intelligence et d’une exquise courtoisie. Surtout, c’est un homme qui ne fait pas de politique. La politique, il ne connaît pas.

    D’ailleurs, il vaut mieux ne pas laisser entendre que BF montrerait – ne fût-ce qu’à son corps défendant, par un retour du refoulé dont il ne serait nullement responsable – la moindre inclination pour la manœuvre, la ficelle, toutes ces basses besognes qui font de la lecture de Saint-Simon des moments de gustation si salée. Non, Monsieur. Laisser entendre cela, c’est s’exposer à une lettre immédiate du secrétaire général du Département (dont j’ai oublié le nom), vous rappelant courtoisement qu’il convient de protéger la personnalité de BF. C’est pourquoi, justement, nous l’appelons BF. Car nous tenons à protéger sa personnalité.

    BF, donc, ne fait pas de politique. Alors, pour passer le temps, il régit. Il régente. Il indique. Il muselle. Il oriente. Il contrôle. Il corrige. Il endigue. S’il était jardinier, il serait le roi du tuteur. S’il était éclusier, nul n’aurait son pareil pour régler les niveaux. S’il était gardien de phare, il connaîtrait l’âge de tous les capitaines. S’il était échassier, nul vermisseau n’échapperait à l’acuité de son regard. S’il était steward dans un jet privé, il renseignerait le pilote sur le navigateur, et chacun des passagers, discrètement, sur son voisin. Mais à part cela, à part ces qualités, éminentes, à part son intelligence et sa courtoisie, BF ne fait pas de politique. Dire le contraire, ce serait porter atteinte à sa personnalité.

    Enfin, si BF était à la hune, au sommet du mât, pour scruter l’horizon, il n’aurait pas son égal pour y déceler des flibustiers. Décidément, BF est une perle : intelligent, courtois, décrypteur des océans. Et en plus, il ne fait pas de politique. Alors, allons nos vies en chantant ses louanges. Et surtout, protégeons sa personnalité.

     

    Pascal Décaillet