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Arvo Pärt, la musique de la vie

 
Sur le vif - Lundi 25.05.21 - 15.03h
 
 
Enfant, j'accompagnais régulièrement mon père, ingénieur en génie civil, le samedi, sur des chantiers qu'il avait en Valais, des tunnels de montagne. Il avait rendez-vous avec le chef de chantier, nous nous engouffrions dans la roche, il y avait de l'eau, de la boue, les gouttes suintaient de partout dans la pierre, c'était saisissant. Je me souviens aussi qu'il y avait des anfractuosités avec un sifflement d'air, comme du vent qui aurait réussi à s'immiscer dans les galeries.
 
C'est exactement à cela que j'ai pensé hier soir, en écoutant sur Mezzo le prodigieux concert donnant cinq oeuvres du compositeur estonien Arvo Pärt, né en 1935. Enregistrement le 20 octobre 2018, Philharmonie de Paris, Talinn Chamber Orchestra, Estonian Philharmonic Chamber Chor, le tout dirigé par le grand chef estonien Tonu Kaljuste.
 
Je vous invite, si vous ne la connaissez pas, à découvrir la musique d'Arvo Pärt. C'est l'un de nos plus grands contemporains. On le qualifie de "minimaliste", et c'est vrai que son style est le plus épuré qu'il nous soit donné d'entendre. Il joue de quelques accords, rejette toute fioriture, toute modulation, nous donne à écouter la note, dans une totalité qui rappelle le plain-chant grégorien. Parfois, cet effet qu'Arvo Pärt appelle le style "tintinnabuli", et qui simule le son d'une cloche, ou de clochettes. Des gouttelettes aussi, peut-être.
 
La note s'étend dans l'immensité de ce qui pourrait bien être une grotte de montagne. Un tunnel en construction, d'où perlent les gouttes, de partout. C'est une musique de barrage, dans ses entrailles. C'est une musique de cathédrale. Une musique d'une incroyable modernité, contemporaine à nos angoisses, nos aspirations à l'unité retrouvée.
 
Hier, sur Mezzo, c'étaient Fratres, puis le Cantus in memoriam Benjamin Britten, puis Adams Lament, puis Salve Regina, puis son fameux Te Deum.
 
Cet univers sonore nous amène dans un autre monde. Ou plutôt non : dans ce monde-ci, le nôtre, dans ce qu'il a d'élémentaire, d'aérien, de liquide, de minéral. Des tuyaux d'orgues, en plus simple, avec comme seul jeu celui de la vie et de la mort. La vie, avec ses pulsations, son rythme, le temps qu'elle prend. Comme Jean-Sébastien Bach, c'est une musique pour les vivants. La musique de la vie.
 
 
Pascal Décaillet

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