Notes de lecture - Vendredi 01.01.21 - 16.25h
Dans ce livre, il y a des mandragores, des plantes bénéfiques et maléfiques, un jardin de Perséphone, des trous dans la terre, une cavité glaciaire, quelque chose de nourricier, mais peut-être fatal, qui surgit des entrailles.
Lucie d’enfer, de Jean-Michel Olivier, est annoncé comme un Conte noir. Il y a du Nerval, des prénoms de Filles du feu, des effleurements de fantastique, mais les doses sont savamment pesées, c’est l’une des vertus de cette écriture. La possibilité de se retrouver dans l’univers des Frères Grimm est fréquente, mais jamais achevée, jamais explicite. Elle affleure, s’estompe, disparaît, pour mieux revenir, quelques chapitres plus tard.
Le narrateur rencontre Lucie au Collège Rousseau, Genève, un lien se tisse, fort et troublant. De rapprochements se tentent, jamais jusqu’à l’accomplissement. Jamais, dans tout le livre.
Lucie disparaît, on la retrouve à Montréal, de longues années plus tard, puis sur l’île de Skye, puis dans le Jura, dans un lieu qui s’appelle les Enfers. Elle aime les plantes, les animaux, elle porte la poisse aux hommes qui partagent sa vie. Est-elle sorcière ?
Le narrateur passe le livre dans la quête de Lucie, disparitions, retrouvailles, mystères. Il y a, entre eux, quelque chose de fort, chaque fois le désir mutuel se réveille, chaque fois c’est un fiasco. Dans le jardin de Perséphone, quel secret Lucie a-t-elle enfoui ?
Il y a, dans ce livre, la qualité d’un style. La richesse d’un bestiaire, des chiens, des chevaux, des méduses, des murènes. Des vins, des viandes, décrits et nommés. Il y a la vie qui palpite, l’omniprésence du passé simple lorsqu’il y a mouvement, action, l’arrivée de l’imparfait lorsqu’on tente, le temps d’une journée à la campagne, de s’installer.
La phrase est simple, très accessible. Elle est brève, tout comme les paragraphes, chacun figurant une scène : le récit de Jean-Michel Olivier est découpé en scénario. Il ferait un film remarquable. Mais c’est une autre affaire. Ou peut-être la même. Un livre à conseiller, comme modèle d’écriture épurée, au service du récit. A tous, excellente lecture !
Pascal Décaillet