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Journalisme : le corporatisme moralisateur d'une profession qui se meurt

 
Sur le vif - Dimanche 06.12.20 - 17.55h
 
 
Il faut arrêter de parler des journalistes et du journalisme. Ces discussions-là n'intéressent, au mieux, que les... journalistes ! Je dis cela, alors que j'exerce ce métier, avec passion, depuis 35 ans comme professionnel.
 
Laissons les journalistes discuter entre eux. Affirmer que "les médias sont indispensables à la démocratie", et y croire, si ça les chante.
 
Ce métier magnifique, né avec la Gazette de Théophraste Renaudot, sous Louis XIII, ayant surtout éclos avec la Révolution industrielle, atteint son apogée sous l'Affaire Dreyfus (sur laquelle, comme on sait, je me suis penché de très près, pour une Série radio, en 1994), est doucement en train de disparaître.
 
Tout le monde a le droit d'informer ses contemporains. Tout le monde a le droit de vérifier ses sources, ça n'est pas une pratique interdite ! Tout le monde a le droit de publier. Tout humain a le droit d'interviewer un autre humain, de brosser son portrait par écrit, de rédiger des carnets de route, de nous croquer la vie, la dessiner, la filmer, la mettre en ondes. Toute citoyenne, tout citoyen, a le droit le plus absolu d'exprimer son opinion, sous la forme d'un commentaire, dans le champ politique. Nul de ces exercices n'est réservé aux journalistes.
 
Alors, qu'est-ce qui est encore réservé aux journalistes ? Réponse : rien. STRICTEMENT RIEN. Aucun des actes recensés ci-dessus n'est réservé aux journalistes, aucun ne leur est interdit non plus.
 
Les histoires de journalistes entre eux n'intéressent personne. Tout au plus, quelques... journalistes ! Les problèmes économiques, liés à une rédaction en faillite, un journal qui cesse de paraître, une chaîne qui se plante, ne doivent pas capter notre intérêt davantage que la fermeture de n'importe quelle PME de taille équivalente, dans le circuit économique autour de nous. Intéressons-nous aux restaurateurs ! Intéressons-nous aux cafetiers ! Intéressons-nous à tous ces commerçants, par dizaines de milliers en Suisse, jetés au bord de la faillite pas les autorités, en cette belle année 2020. Et cessons de pontifier avec l'ineffable "aide à la presse" !
 
Bien sûr, il y a des techniques du journalisme. Notamment en radio : l'écriture, l'improvisation sur mots-clefs, le rythme, le souffle, l'énergie pour tenir une émission. Cela s'enseigne, cela s'apprend. Mais cela peut se transmettre, et se pratiquer, entre citoyens de bonne volonté, désireux d'en découdre avec le micro, l'oralité, sans se coller à la peau ce titre prétentieux de "journaliste".
 
Qui sommes-nous, tous, dans le débat public ? Réponse : des citoyennes, des citoyens ! C'est le seul titre qui vaille, le seul dont nous ayons à nous revendiquer. Le reste, c'est le corporatisme moralisateur d'une profession qui, telle Henriette d'Angleterre, se meurt.
 
Nous avons mieux à faire. Existons dans la Cité ! Soyons citoyens ! Tous, avec les mêmes droits. L'égalité, la vraie. Dans une démocratie totale, vitale, surgie d'en bas, sans médiateurs, sans intermédiaires. Sans moralisateurs qui, au fond, sont juste là pour défendre leur caste.
 
 
Pascal Décaillet

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