Commentaire publié dans GHI - 29.08.18
Il y a des votations, plus que d’autres, où la Suisse a rendez-vous avec son destin. Les deux initiatives agricoles sur lesquelles le peuple et les cantons sont appelés à se prononcer, le 23 septembre, en font partie. L’une, lancée par les Verts, nous propose des « denrées alimentaires saines et produites dans des conditions équitables et écologiques ». L’autre, qui nous vient d’Uniterre, se proclame « pour la souveraineté alimentaire ». Deux textes majeurs, à la fois pour l’avenir de notre paysannerie, mais aussi pour celui de notre alimentation, pour notre rapport à ce qui se trouve dans notre assiette. Capitaux, aussi, en termes de respect et de considération dus par le peuple suisse à un monde agricole de plus en malmené par le vent glacé de la concurrence mondiale.
Face à une votation, chacun est libre, et chaque vote doit être respecté. Pour ma part, j’annonce la couleur : je voterai oui à chacun de ces deux textes. Non qu’ils soient parfaits, ni exempts de complexité dans leur mise en application (ce sera le rôle du législateur, si c’est oui). Mais parce qu’ils sont habités, l’un et l’autre et en profondeur, par un esprit qui rejoint mes préoccupations de citoyen suisse, qui aime son pays : connaître les provenances de ce que nous mangeons, encourager les modes de production respectueux du monde animal et de l’environnement, lutter contre le gaspillage, tout cela pour la première initiative. Pour la seconde, affirmer le rôle de l’Etat dans un secteur véritablement jeté en pâture, ces dernières décennies, à la sauvagerie du libre-échange ; rétablir au besoin des droits de douane sur les importations ; maintenir en Suisse un nombre suffisant de paysans.
Que vous soyez pour ou contre, je vous prie de croire que nous ne sommes en rien dans des initiatives « techniques », même si les mots peuvent paraître compliqués. Le 23 septembre, c’est bel et bien à un choix politique de premier ordre que le peuple et les cantons sont conviés. Voulons-nous encore d’une agriculture suisse digne de ce nom ? Voulons-nous des producteurs respectueux de l’environnement, et des normes sociales en cours sous nos latitudes ? Voulons-nous continuer le petit jeu du libre-échange mondialisé, tout simplement mortifère en matière d’agriculture ? N’est-il pas temps, sans revenir au plan Wahlen (la souveraineté alimentaire pendant la Seconde Guerre mondiale), de réaffirmer haut et fort de rôle de l’Etat, de la solidarité nationale, face à un monde paysan en désarroi ? Vastes questions ! Chacun d’être nous est libre de répondre comme il veut, tous les choix sont respectables. Mais pour ma part, vous connaissez ma position.
Je terminerai par une pensée émue pour Jean-Pascal Delamuraz. Correspondant à Berne lorsqu’il avait présenté le Septième Rapport sur l’Agriculture, début 1992, je lui avais demandé s’il pensait le monde paysan capable de fournir les efforts écologiques attendus en contrepartie des paiements directs. Il m’avait répondu, en substance, qu’il fallait croire en l’avenir. Et qu’il fallait croire en la Suisse. Au-delà des divergences, au-delà de ce qui peut nous séparer, sans cet acte de foi, rien n’est possible.
Pascal Décaillet