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Pierre Maudet et l'illusion d'une défense européenne

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Sur le vif - Lundi 20.02.17 - 08.25h

 

Quand j'entends Pierre Maudet, ce matin à la RSR, regretter le rejet, en 1954, de la CED, Communauté européenne de défense, et souhaiter explicitement une "défense européenne", je me demande, tout capitaine soit-il, dans quelle représentation stratégique du continent il évolue mentalement.

 

J'ai étudié l'histoire de la CED, qui est passionnante. Gaullistes, mendésistes et communistes, bref la quasi-totalité des partis issus de la Résistance, s'y étaient opposés. Ils voyaient bien, neuf ans après la guerre, que, sous le noble et chatoyant prétexte de créer une défense européenne, on allait avant tout accélérer le réarmement allemand.

 

Comme je l'ai dit maintes fois ici, si les villes allemandes étaient détruites en 1945, l'armement, lui, ne l'était pas tant que cela. Et l'encadrement de la toute nouvelle Bundeswehr, dès 1949, fut constitué à partir de celui... de la Wehrmacht. Tout esprit un peu initié savait, en 1954, à quelle vitesse pouvait se reconstituer l'armée allemande, si on lui donnait les moyens institutionnels que le Grundgesetz (Loi fondamentale) de 1949 lui refusait.

 

Bref, à l'issue d'un débat dantesque, la CED finit par être refusée, à l'Assemblée, par 319 voix contre 264, le 30 août 1954, sous le gouvernement du seul véritable homme d'Etat de la Quatrième République, Pierre Mendès France.

 

Retour à Pierre Maudet. Nous sommes dans l'Europe de 2017. L'improbable conglomérat nommé "Union européenne" est en voie de douce liquéfaction. Stratégiquement, une puissance, en toute discrétion, ne cesse de se renforcer : l'Allemagne. Ce week-end, elle annonçait fièrement qu'elle serait l'élève modèle de "l'OTAN" (autre fantôme programmé) en appliquant les 2% de son PIB à ses dépenses militaires. Juste avant Noël, elle a modifié le Grundgesetz en s'autorisant désormais des actions offensives. Juste avant Noël, elle a voté la construction de trois bâtiments de guerre, pour la marine, qui feront parler d'eux d'ici une quinzaine d'années.

 

Et Pierre Maudet, à la RSR, vient rêver à haute voix d'une "défense européenne". Pour devenir les satellites de l'armée allemande ? Assurer servilement son intendance ? Dans quelle représentation cérébrale de l'Europe Pierre Maudet vit-il ? Ne voit-il pas le retour, en matière stratégique, des intérêts fondamentaux des nations ? Pourquoi, au nom de quelle idéologie supranationale, se refuse-t-il à prendre acte de ce fait ? Est-il aveuglé par les démons de candeur et de cécité du NOMES ?

 

Il ne saurait exister de "défense européenne", pour la simple raison qu'il n'existe pas "d'Europe" institutionnelle crédible. Une force de frappe ne peut pas émaner d'un ectoplasme où règne l'impuissance impersonnelle. Non, elle doit être le bras armé d'un Etat soudé, cohérent, d'un peuple qui se reconnaît dans une communauté, "Gemeinschaft".

 

En Europe occidentale, depuis vingt ans, tout le monde démilitarise, sauf... l'Allemagne. Parler aujourd'hui de "défense européenne", c'est tomber exactement dans le même leurre, le même panneau, que les naïfs partisans de la CED, lors du débat homérique de 1954.

 

Pascal Décaillet

 

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