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Un petite pulsion censitaire, Monsieur le Bailli ?

 

Sur le vif - Dimanche 08.12.13  17.17h

 

Hallucinants, les propos tenus par le patron des patrons suisses, Valentin Vogt, dans le Sonntagsblick de ce matin. L’éminent bailli des puissances financières s’attaque frontalement à l’un de nos biens communs les plus précieux en Suisse : la démocratie directe. Cette possibilité, par initiative ou référendum, d’en appeler à l’ensemble de notre corps électoral (quelque quatre millions de citoyens) gêne et irrite le président de l’Union patronale suisse. Alors, M. Vogt imagine, comme ça, qu’on pourrait doubler le nombre de signatures nécessaires. Cela, pour lui, faciliterait la vie des parlementaires.

 

Faciliter la vie du Parlement ! Fantastique aveu d’une conception de la démocratie en vase clos, où le peuple est considéré comme un intrus. Alors qu’il en est, au même titre que le Parlement et le gouvernement, un organe, entendez au sens d’Aristote un outil. Et pas n’importe quel organe, puisqu’il est souverain, et prend les décisions finales, un beau dimanche, lorsqu’une loi votée par le Parlement a été attaquée par référendum, ou lorsqu’un groupe d’initiants, ayant réuni cent mille signatures, propose au souverain de modifier la Constitution.

 

Ces actes-là, Monsieur Vogt, Monsieur le Bailli du patronat, n’ont rien d’incongru : ils sont l’essence même, la vitalité même de notre démocratie. En les attaquant comme vous le faites, vous laissez planer sur le patronat suisse, et sur une certaine droite libérale en général, un parfum de suffrage censitaire, vous laissez perler comme une irritation de l’élite face à cet insupportable peuple qui se permet de venir défaire, tel Pénélope, les tricotages parlementaires. Alors, de grâce, allez jusqu’au bout de votre logique, M. Vogt, Monsieur le Bailli des possédants, avouez qu’elle vous emmerde, cette démocratie directe, elle vous dérange, vous grattouille, vous chatouille, parce qu’à vos suzeraines narines, elle empeste le fumier de ce qui vient d’en bas, et que vous n’avez jamais pu supporter.

 

Bien sûr, rien n’est tabou. On peut discuter de tout, y compris d’augmenter le nombre de signatures. Et si, ma foi, un groupe de citoyens le propose par initiative, récolte plus de cent mille signatures, et un beau dimanche obtient la double majorité du peuple et des cantons, eh bien nous l’appliquerons. Parce que nous, Monsieur le Bailli, nous sommes des démocrates. Nous prenons nos décisions à la majorité citoyenne. Et non dans une officine patronale. Nous, les citoyens, n’avons pas peur d’une décision prise par la majorité de vingt-six cantons et celle d’un corps électoral de plus de quatre millions de votants potentiels.

 

Ces acteurs-là de notre démocratie, peuple et cantons, ont construit depuis un siècle et demi, patiemment, au fil des décennies, le paysage législatif de notre pays tel qu’il est aujourd’hui. Il nous appartient à tous, il est notre bien commun. Le vôtre comme le nôtre, Monsieur Vogt, lorsque cessant d’être bailli vous redevenez citoyen, mon concitoyen. Avouez que c’est autrement plus beau que d’ôter son chapeau devant un suzerain.

 

Pascal Décaillet

 

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