Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 07.12.12
« Demi-président » : le titre, sur la une, hier, d’un quotidien romand, suivi d’une double page de dénigrement total, est franchement indigne de la presse de ce pays. On peut penser ce qu’on veut d’Ueli Maurer, de son parti, de ses idées, on ne traite pas comme cela, avant même qu’il ait pu administrer la moindre preuve de sa stature dans la fonction, le nouveau président de la Confédération. Au-delà de cette titraille nauséabonde, il vaut la peine de s’interroger sur la manière dont la plupart de nos braves médias romands s’époumonent à conspuer un homme qu’ils ne connaissent manifestement pas. Avec quel mépris. Avec quelle hargne. Avec quelle morgue urbaine face au paysan de l’arrière-pays zurichois. Avec quel dédain, juste parce qu’il est UDC, défend l’armée, ne correspond pas aux normes de civilité de nos cocktails mondains.
Il est de bon ton, chez nos fines plumes, de considérer Ueli Maurer comme un parfait demeuré. C’est très mal le connaître. Peut-être n’est-il, en effet, pas le plus adéquat pour une conversation de snobinards éthérés sur les ultimes tendances de l’art contemporain, version Moritz (vous savez, celui qui était toujours fatigué), dans les galeries branchées de Zurich. Mais tentez une fois de parler avec lui du pays. Le pays profond ! Celui de nos terres et de nos montagnes, ceux qui s’y accrochent pour survivre, en harmonie croissante avec le respect de la nature, nous offrent à longueur d’année des produits de terroir, de qualité, appréciés dans toutes les contrées qui nous entourent. Parlez avec Maurer de l’émotion de cette appartenance, l’amour des plantes et de la faune, celui d’un paysage. Cette Suisse-là existe, cet arrière-pays sans lequel nous ne serions rien, lui, il le comprend. Avec beaucoup d’intelligence et de finesse.
Seulement voilà, il est UDC. Oh, pas de la branche présentable, celle des Ogi ou des Samuel Schmid, ni Canal trahison, comme Mme EWS, aujourd’hui PBD (son fan's club perso), mais un bon vieil UDC blocherien, ligne dure, Zurich, de surcroît l’homme qui a le plus fait progresser le parti lorsqu’il était président ! Bref, le parfait pendable. Le gibet de potence idéal pour toute la Sainte Cléricature de notre presse, celle qui a mieux compris que les citoyens ce qui convient au pays, ce qui lui est nuisible, ce qui est convenable, ce qui est condamnable. Ils écrivent comme des papes, lorsqu’il s’agit de mettre à l’index. Certains d’entre eux ne savent faire que cela.
Le pays, pourtant, pourrait bien avoir besoin de ce président-là. Un homme simple et aimable. Un Suisse, parmi les Suisses. Il s’intéresse à l’intérieur du pays, n’ira pas trop se pavaner à l’étranger. Et alors ! Et si, justement, le pays profond, malmené de toutes parts, avait besoin, ces temps, qu’on lui parle de lui ? De son petit miracle d’équilibre et de fragilité, au milieu des tourmentes. Bienvenue, M. Maurer.
Pascal Décaillet