Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 27.04.12
Je l'ai dit et répété : j'aurais voté, si j'étais électeur en France, pour François Bayrou au premier tour. Comme il y a cinq ans, j'ai aimé, chez cet homme, le discours de vérité, le rapport à la terre, l'exigence de rigueur. Nous voilà maintenant, comme dans le plus classique des scénarios, en présence d'un traditionnel duel gauche-droite. D'un côté, la France libérale, celle de Nicolas Sarkozy. De l'autre, la France socialiste de François Hollande. Deux grandes traditions politiques s'affrontent. Comme dans six seconds tours sur huit, depuis 1965. Il n'y eut que deux exceptions : le duel Pompidou-Poher (interne à la droite) de 1969 ; le fameux deuxième tour Chirac - Le Pen de 2002.
Une fois écrémées les candidatures populistes de gauche (Mélenchon) comme de droite (Marine Le Pen), l'une et l'autre habitées par le sel de la rhétorique et un sacré talent, il est vrai que les deux finalistes ne sont pas les plus excitants. A droite, un président usé, lâché, réduit à diaboliser son adversaire. A gauche, un homme dont il est difficile d'oublier la très grande discrétion lorsqu'il était premier secrétaire du PS, avec ses allures de Charles Bovary, ex-rondouillard aux airs de notable de province : il pourrait figurer le mari trompé d'un film de Chabrol. Avec Isabelle Huppert dans le rôle-titre, of course.
C'est pourtant pour cet homme-là que je voterais, le 6 mai. Même si ses propos sur les niveaux d'imposition m'exaspèrent. Même si son charisme ne m'a, pour l'heure, que très moyennement ensorcelé. Mais simplement parce que Sarkozy, ça n'est pas, ça n'a jamais (pour moi) été possible. Doué, certes, énergique, travailleur, et même sincèrement attaché à la réussite de son pays. Mais le rapport au monde de l'argent ! La fascination pour les riches, que relève cruellement Franz Olivier Giesbert dans son livre « Monsieur le Président » (Flammarion, 2011). Mais l'impossibilité d'une fierté d'Etat face aux possédants. Ça n'est pas dans la gestion courante que le président sortant a échoué, mais bel et bien dans son inaptitude à adopter la posture présidentielle. Laissons ici le Fouquet's et la croisière maltaise, qui sont ses diamants à lui, mais il y a tant d'autres signaux de manque de hauteur, déficience d'Etat.
Alors voilà, si j'étais Français, je donnerais sa chance à François Hollande. Pour réhabiliter la primauté de l'intérêt public. Relancer l'enseignement, qui est la clef de tout, et qui est notoirement malade. Restaurer une justice sociale - en espérant qu'elle ne soit pas thermidorienne - dans un pays dont c'est la tradition, la fierté, le fleuron. Ecole : pensons à Guizot et Jules Ferry. Equité : pensons à Blum, mais aussi aux grandes lois sociales de la Libération, à l'époque du Général de Gaulle. Oui, ce pays qui fut celui des grands ordres chrétiens avant d'être celui d'une République à laquelle je crois, mérite mieux qu'une éternelle génuflexion devant l'Argent spéculé. Oui, je voterais François Hollande.
Pascal Décaillet