Chronique publiée dans le Nouvelliste - Vendredi 03.02.12
« Il faut un François à l'Elysée », titrais-je ici même, fin décembre. Je confirme. Et j'ajoute, en ce début février, que ce François devrait, selon moi, être Bayrou. Me voilà donc repiqué de la même fièvre qu'il y a cinq ans, lorsque je plaidais, dans ces mêmes colonnes, pour la candidature du Béarnais. Oui, il me séduit. Oui, quelque chose en lui me touche. Non, il ne ressemble à nul autre. Je sais, bien sûr, qu'il a très peu de chances, n'étant pour l'heure que quatrième dans les sondages, derrière François Hollande, Nicolas Sarkozy et une Marine Le Pen qui pourrait bien surprendre au premier tour. Tout cela, je le sais. Mais, comme il y a cinq ans, j'ai envie de croire dans la candidature de cet homme attachant, atypique.
Pourquoi, au fond ? Alors que je ne suis pas spécialement centriste, ni franchement tétanisé par l'Union européenne, deux valeurs assurément fondatrices de l'engagement de Bayrou. Eh bien, parce que l'homme recèle en lui une incroyable détermination ! Il m'apparaît comme très seul, ce qui peut s'avérer une qualité majeure. Il ne doit rien qu'à lui-même. Il aime la terre et la littérature, oui, à la fois la culture, au sens propre, celle de la tâche paysanne pour récolter des fruits de son travail, et aussi dans le sens élaboré des lettres, de la poésie, des humanités, qui sont le sel de sa formation. Le labour de la terre, le labeur des syllabes, voilà un rapprochement d'antique teneur, où le bucolique le dispute à le vertu de l'effort, quelque chose de difficile à obtenir, à l'image du verbe de cet homme, ancien bègue, tout le contraire du Parisien facile, mais désespérant de légèreté.
Et puis, Bayrou, c'est l'anti-Sarkozy. Il parle moins bien, enfin avec moins d'aisance. Il ne fut jamais l'homme du clinquant. Il a toujours montré, face aux forces de l'Argent (j'emprunte à Péguy, et à ses lumineux Cahier de la Quinzaine, la majuscule à ce mot), la plus inflexible indifférence. Non pour fuir le Capital, ni le diaboliser, simplement ne point en être dépendant. Hélas, l'actuel président a parfois livré cette impression, ce qui en France ne pardonne pas. J'adhérerais enfin, si j'étais électeur en France, aux quatre points de son programme : produire français, lutter contre l'endettement, mettre l'accent sur la formation, moderniser la démocratie française. Ce sont là des questions capitales, reconnues d'ailleurs par d'autres candidats.
Alors, quoi ? Alors, bien sûr, mon héros d'il y a cinq ans et d'aujourd'hui risque bien de se retrouver quatrième, ou troisième, au soir du premier tour ! C'est la vie. Tout au moins, il aura fait surgir, comme en 2007, des éléments de terre et de racines, de pesanteur, oui des fragments de vérité, qui nourrissent vraiment le débat politique. C'est à cela que sert une élection. Jeter des idées, les confronter, les mesurer à celles de ses concurrents. Cela s'appelle, simplement, la démocratie.
Pascal Décaillet