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Culture à Genève : les reliefs d’ortolans

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Sur le vif - Jeudi 14.04.11 - 16.41h

 

Présider aux destinées de la Culture en Ville de Genève est une tâche passionnante, donc enviable : il est normal que les impétrants s’y pressent, preuve qu’il y a un enjeu, des défis, un champ d’action qui reste à semer. Trois candidats, au moins, s’y intéressent vivement : Sami Kanaan, Pierre Maudet, Florence Kraft-Babel. Auxquels on n’omettra pas d’ajouter Soli Pardo. Comme nous l’avons déjà signalé, des tractations se sont déjà déroulées, en coulisses, sur le partage du gâteau, ce qui n’a rien de scélérat, se fait depuis toujours, sur le mode de Perrette et du pot au lait, voire de l’Ours et des deux Compagnons.

 

Que les personnes citées aient les capacités de gérer un tel Département, je le tiens pour acquis. Nous sommes dans des masses budgétaires fort lourdes (près d’un quart des finances de la Ville), des mouvements lents, où nulle réforme ne peut se décider à la hussarde, tant sont  poisseuses les pesanteurs des résistances, puissants les antagonismes des clans, tenaces les haines, les rancœurs. Parce qu’il engage - Dieu merci - autre chose que la simple gestion, quelque chose d’infiniment plus puissant, le champ culturel se trouve ensemencé des essences parfois les plus mortifères. Ce matin, sur France Inter, Frédéric Mitterrand tentait de s’expliquer sur sa querelle avec Olivier Py, prêchant le vrai pour le faux, laissant entendre qu’il allait le nommer en Avignon : l’éternel jeu du Prince et du génie. Sur Seine ou sur Rhône, la noire permanence des rapports de pouvoir demeure.

 

Depuis vingt ans, la Culture se trouve aux mains des Verts, qui ne semblent plus la revendiquer. On pourrait, a priori, trouver assez normal qu’elle passe chez les socialistes, qui placeront sans doute deux des leurs dimanche, et seraient légitimés à revendiquer les Départements les plus importants. Et Sami Kanaan est sans doute quelqu’un de « cultivé », comme les trois autres d’ailleurs. Mais opérer ce transfert, ce serait passer, violemment, d’un clan à un autre. Du clan des Verts culturels (l’entourage de Patrice Mugny, où Boris Drahusak a joué un rôle capital) à celui des socialistes, dont pas mal, impatients, se pressent autour de Charles Beer, n'attendant que cette occasion pour étendre une main « active et protectrice » sur ce domaine convoité. Ils tiendraient ainsi à la fois la Ville et la part culturelle (aujourd’hui congrue, mais jusqu’à quand ?) du Canton, que Charles Beer rêve d’étendre. Les socialistes, oui, détiendraient du coup TOUS les pouvoirs culturels publics à Genève.

 

Quels pouvoirs ? Celui de nommer. Celui de placer. Celui de copiner. Celui de favoriser financièrement. Celui d’octroyer une visibilité. Partout, dans tous les ministères du monde, partout où il y a pouvoir, plane la menace d’en abuser. C’est ainsi. C’est humain. Dans ce domaine particulièrement, le jeu des coteries est par nature plus dévastateur qu’ailleurs. Avec un radical, ou une libérale, l’un et l’autre au demeurant porteurs d’idées nouvelles, et de toute façon destinés à se retrouver minoritaires, ce risque d’emprise unique d’un clan se trouve grandement atténué. Encore faut-il, léger détail, que ce radical, ou cette libérale, soit élu dimanche. Et que le nouveau collège, dans son infinie sagesse, veuille bien lui laisser autre chose que les miettes du repas. Ce que La Fontaine, quelque part, appelle les « reliefs d’ortolan ». Cinq syllabes magiques, qui me trottinent dans l’oreille depuis l’aube de mon âge. Comme l’étincelle pestilentielle d’une poubelle, sous les ultimes rayons du couchant.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

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