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Sami, Sandrine, la Peau de l’Ours

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Sur le vif - Mardi 12.04.11 - 10.38h

 


« C'est, dit-il, un cadavre ; Otons-nous, car il sent. »

Jean de la Fontaine – L’Ours et les deux Compagnons

 


Oui, il y a eu tractations. Oui, on a déjà commencé, à gauche, à se partager le gâteau. Oui, Sami Kanaan est pressenti comme prochain ministre municipal de la Culture. Cela, bien sûr, ne relève pas du Code pénal, mais est un indice de l’arrogance de la gauche en Ville de Genève, sa certitude de placer quatre des siens dimanche, toute euphorique d’avoir face à soi la droite la plus bête du monde. Elle aurait tort de se gêner !

 

L’animal du jour, c’est bien sûr l’Ours. J’en ai vus en liberté au Canada, c’est un être impressionnant de puissance et de fausse placidité, d’apparente balourdise, il  joue avec sa lenteur pour mieux vous surprendre par ses accélérations. Tueur qui simule la torpeur. Admirable bête, tellement humaine ! Je comprends qu’il inspire poètes, fabulistes, astronomes, spécialistes de l’héraldique. Berne, Berlin, Orsières : l’univers est une immense armoirie, un bestiaire, la politique une faune. Le pouvoir, l’illusion d’une fable.

 

Donc, Sandrine et Sami, et sans doute Esther (pas trop gourmande), et bien sûr aussi Rémy, quoi qu’il s’en défende, ont discuté. Ils ont vu l’Ours. Ils s’en sont pourléché le poil, c’est la vie. Ils se sont noyés en arctiques pensées. Ils ont entrevu la comète, tracé des plans. L’ivresse sucrée, raffinée, du pouvoir, lorsqu’il se love en mirage, à portée de main. Tu vois le plantigrade, juste là, tu imagines déjà le trophée, l’onctuosité de la descente de lit, quelques sucs de gloire, sur ton blason.

 

Et la meilleure, c’est que ça va sans doute marcher. Ca s’appelle « l’Alternative », et ça nous promet la plus ronronnante, la plus désespérante des continuités. Sur dix candidats, trois seuls articulent un embryon d’ambition en matière culturelle : Pierre Maudet, Florence Kraft-Babel, Soli Pardo. Non qu’ils aient nécessairement raison, mais ils ont quelque chose à dire. Ca n’est pas le cas de M. Kanaan, certes homme de valeur, mais qui, dans ce domaine-là, demeure calfeutré dans une rhétorique d’intendance et d’organigramme. On ne demande certes pas au ministre municipal genevois de la Culture de transférer tous les jours les cendres de Jean Moulin au Panthéon, ni de faire lire dans les théâtres la lettre de Guy Môquet, mais enfin un peu de vision, et pourquoi pas d’utopie, dans un domaine aussi sensiblement sublime, ne serait pas de refus.

 

La gauche, pour quatre ans, s’apprête à se succéder à elle-même. Après vingt de règne à la tête de la Culture, elle s’apprête à continuer. Placer les siens, toujours. Juste le clan socialiste qui remplacera le clan des Verts, de quoi faire plaisir à Anne Bisang, de quoi réjouir une chapelle contre un autre. Et tout cela, déjà, toute la grise tristesse de cette continuité gestionnaire, qui serait ficelé. Moutardé. Prêt à mettre au four. Avec, juste, un peu de graisse d’ours pour faire passer la sauce. Ah, les braves gens !

 

Pascal Décaillet

 

 

 

 

 

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