Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 07.02.11
Il s’appelle Emmanuel Kilchenmann, 30 ans, juriste, économiste, Fribourgeois, vaste culture, il est démocrate-chrétien et il sait exactement pourquoi. L’un des rarissimes, hélas, en Suisse, il est capable de vous parler de « Rerum Novarum », l’encyclique de Léon XIII qui jette, en 1891, les bases de la Doctrine sociale de l’Eglise. Il vous parle de Sangnier et du Sillon, de Mounier, de la revue Esprit. Un jeune homme avec de l’arrière-pays. Bonheur.
Au nom de quelle futilité les politiques, aujourd’hui, ont-ils si peu à dire sur les fondements théoriques et philosophiques de leurs partis ? Ils veulent être dans le monde, au sens de Pascal, mais leur mondaine horizontalité de cocktail, le tutoiement généralisé, la gluante et insidieuse toile des réseaux sociaux, font qu’au final ils se ressemblent tous. A quand l’homme vertical, celui qui se singularise, ne cherche pas à se faire aimer, cherche le duel. A quand Cyrano, avec ses « Non, merci » ?
Kilchenmann, lui, ira loin. Grenadier, capitaine, il ira loin tout simplement parce qu’il sait d’où il vient. Parce qu’il a des racines, il portera des floraisons. Il se fera des ennemis, se frottera, multipliera les cicatrices. Mais il aura au moins vécu. Debout. Au milieu des armes et des livres. Les seules choses qui vaillent, au fond. Avec la solitude, la musique, l’amour et la prière. Les sourires de cocktails, on s’en fout.
Pascal Décaillet