Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 20.09.10
Chevallaz, Delamuraz, Couchepin : trois styles. C’était le temps du verbe haut lorsque de fortes têtes radicales romandes – des sales tronches, au fond – hantaient les couloirs de Berne. Avec Didier Burkhalter, le silence est tellement d’or qu’il en a même endormi la dimension argentée de la parole. Au reste, les rares fois où l’homme s’exprime, c’est dans un sabir germano-provençal très éloigné de la langue de Verlaine. Un verbe de fonctionnaire, au mieux.
Dès lors, si l’Assemblée fédérale devait élire, mercredi, l’entrepreneur bernois Johann Schneider-Ammann, très mauvais francophone, c’est toute la tradition d’une certaine élévation de la parole radicale en langue française qui s’évanouirait. Il n’y aurait plus ni « dimanches noirs », ni « ministres qui décident », il n’y aurait plus ni droite cassoulet, ni rêves de grognards, ni nostalgies d’Empire. Il n’y aurait plus que Burkhalter et Schneider-Ammann. Et le chanvre de Rappaz pour se pendre.
Paradoxe : au-delà des ethnies, c’est aux confins de la Suisse orientale qu’il faut aller chercher l’élégance et la précision de notre langue, sa finesse allusive aussi : chez Karin Keller-Sutter. Un français parfait. Qui vole et qui percute. Soluble, léger, comme le plus court chemin d’un point vers l’autre. Didier Burkhalter ne cesse de nous répéter qu’il cherche des solutions. La Saint-Galloise, pour sa part, les trouve.
Pascal Décaillet