Vendredi 31.07.09 - 09.30h
La journée d’hier, en montagne, était très belle, Christophe Darbellay devait donc être vraiment très inatteignable pour que la parole stratégique du PDC suisse fût déléguée à la Fribourgeoise Thérèse Meyer, dont les louables contorsions, sur le coup de 18h, n’auront eu d’égal que la prude innocence de son verbe.
Ici c’était Thérèse Meyer, là le conseiller aux Etats lucernois Konrad Graber, là encore (dans la NZZ d’hier) un autre sénateur, l’Uranais Hansheiri Inderkum. Diable, ouvrirait-on enfin le soupirail, au PDC ? Aurait-on laissé dans l’ombre, ces dernières années, d’insoupçonnées créatures, qu’un providentiel rai de lumière, hier, aurait invité à tenter, comme dans les tranchées, le hasard d’une sortie ? Après tout, elle est généreuse, la Sainte Famille, ayant même laissé Cina (Jean-Michel) rêver de prendre un siège. Une option bleue comme une orange, délicatement déposée sur un lit froid.
Dès le jour de la démission de Pascal Couchepin, le PDC, par la voix de son président, annonçait qu’il allait tenter la reconquête du deuxième siège. C’était, parfaitement, son droit. Mais, dès lors, il a commis une grave erreur : ne pas annoncer tout de suite la couleur, avec un « candidat naturel ». Puissant, impétueux. Si le parti « légitime » à repourvoir le siège (les libéraux-radicaux) peut se permettre, lui, ce subtil été d’attente et de semi-silences, avec des lièvres et des dauphins en embuscade, bref le Saint-Simon de la Succession du Roi, le parti challenger, ou pirate, en revanche, aurait dû briller dès le début par la clarté, la fermeté, l’audace de ses options. Avec un attaquant, identifié, et les troupes derrière lui. Quelque chose comme le Grand Condé, à Rocroi.
Au lieu de cela, le PDC atermoie. Temporise. S’invente des commissions électorales, qui ne sont que paravents au fait qu’à moins d’un miracle, plus grand monde, au sein du parti, n’y croit. Quant à Urs Schwaller, ce ne sont pas les attaques « ethniques » (vivement condamnées dans ces colonnes) qui ruinent doucement ses chances, mais l’extrême prudence de son propre caractère. En politique, le principal ennemi, c’est toujours soi-même.
Reste Christophe Darbellay lui-même. Piégé par sa propre stratégie ? Pas assez reconnu, par une certaine base du parti, pour oser dire, dès la mi-juin : « Je suis candidat », moi-même et nul autre? Après tout, il est le chef, et il est parfaitement normal, dans toutes les démocraties qui nous entourent, que les chefs des partis se portent candidats lors des vacances du pouvoir. Sarkozy, Merkel, n’ont-ils pas dirigé leurs formations, avant d’accéder aux affaires ? D’ailleurs, un fine, le duel le plus crédible, le plus signifiant, ne serait-il pas le choc de ces deux hommes qui s’aiment tant, Pelli et Darbellay ?
Et c’est cela qui ne va pas dans le système suisse. Cette vaine et hypocrite recherche de la soi-disant « perle rare » (avec des commissions électorales qui font penser à des amicales de chercheurs d’or), alors que les vrais leaders existent, sont là depuis des années, et d’ailleurs ne rêvent que de cela. Cette peur de l’homme fort, cette hantise de la tête qui dépasse, ce mythe de la pépite d’or, si précieuse et si rarissime qu’il faille une « commission électorale » pour aller, dans d’obscurs tréfonds, la dénicher.
En se prêtant à ce petit jeu de prudence et d’immobilité masquée, visant à ne froisser personne, le parti challenger a dilapidé tout le sel marin que promettait l’annonce d’abordage du premier jour. Dans cette affaire, il fallait être un peu voyou, un peu mauvais garçon, un peu « le violent admirable ». il fallait être un pirate. Ou un flandrin des glaciers. Au lieu de cela, on s’est doucement laissé empêtrer dans les sables mouvants de la bonne vieille politique suisse. Alors, à moins d’un miracle, ce sera bel et bien une personnalité libérale-radicale qu’élira l’Assemblée fédérale, le 16 septembre. Bref, un légitime. Et la Reconquista serait remise, comme la fin des temps, à des jours ultérieurs.
Pascal Décaillet